La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2011 | FRANCE | N°341658

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 09 novembre 2011, 341658


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 19 juillet, 10 août, 17 août et 28 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alexandre A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 mai 2010 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a réformé la décision du 8 février 2010 de l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française d'équitation (FFE) en tant qu'elle lui a infligé un avertissement et a prononcé à son enc

ontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compéti...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés le 19 juillet, 10 août, 17 août et 28 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alexandre A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 mai 2010 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a réformé la décision du 8 février 2010 de l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française d'équitation (FFE) en tant qu'elle lui a infligé un avertissement et a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française d'équitation ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée à Paris le 19 octobre 2005, ainsi que l'amendement à l'annexe de la convention contre le dopage, adopté le 13 novembre 2008 à Strasbourg, et à l'annexe 1 de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté le 17 novembre 2008 à Paris, publié par le décret n° 2009-93 du 26 janvier 2009 ;

Vu le code du sport ;

Vu la décision du 11 mars 2011 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Blanc, Rousseau, avocat de M. A et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Blanc, Rousseau, avocat de M. A et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport : " Il est interdit à tout sportif : / 1° De détenir ou tenter de détenir, sans raison médicale dûment justifiée, une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article ; / 2° D'utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article. / L'interdiction prévue au 2° ne s'applique pas aux substances et méthodes pour lesquelles le sportif : / a) Dispose d'une autorisation pour usage à des fins thérapeutiques ; / b) Peut se prévaloir d'une déclaration d'usage, conformément aux dispositions de l'article L. 232-2 ; / c) Dispose d'une raison médicale dûment justifiée. / La liste des substances et méthodes mentionnées au présent article est celle qui est élaborée en application de la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2 ou de tout autre accord ultérieur qui aurait le même objet et qui s'y substituerait " ; qu'en vertu du 3° de l'article L. 232-22 du même code, l'Agence française de lutte contre le dopage " peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 232-23 du même code, l'Agence peut prononcer à l'encontre " des sportifs ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9, du 3° de l'article L. 232-10 ou de l'article L. 232-17 : (...) b) une interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations organisées par les fédérations agréées ou autorisées par la fédération délégataire compétente (...) " ;

Considérant qu'à l'issue du concours de saut d'obstacles organisé lors du salon du cheval de Montpellier le 7 novembre 2009, M. A a été soumis à un contrôle antidopage, dont les résultats ont fait ressortir la présence de prednisone et de prednisolone dans ses urines ; que l'organe disciplinaire de la Fédération française d'équitation a, par une décision du 8 février 2010, infligé à M. A un avertissement à titre de sanction en raison des résultats de ce contrôle ; que l'Agence française de lutte contre le dopage, se saisissant de l'affaire de sa propre initiative sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, a prononcé à l'encontre de M. A, par décision du 6 mai 2010, la sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française d'équitation ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport permettent à l'Agence française de lutte contre le dopage de se saisir des décisions prononcées pour des faits de dopage par les organes compétents des fédérations sportives à l'encontre des sportifs licenciés, afin éventuellement de les réformer dans un souci d'harmonisation des décisions prises par les différentes fédérations dans ce domaine ; que, par principe, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à ce que l'Agence se saisisse de son propre mouvement d'une décision prise par une fédération sportive ; que les dispositions de l'article L. 232-22 n'impliquent nullement, par elles-mêmes, que l'Agence statue sur les faits reprochés au sportif licencié dans des conditions contraires au principe d'impartialité ; que la décision initiale de l'Agence de se saisir d'une affaire ne prend aucunement parti, à ce stade, sur l'établissement ou sur la qualification des faits visés ; qu'elle n'est ainsi pas de nature à faire naître des doutes objectivement fondés quant à la circonstance que les faits visés seraient d'ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer serait d'ores et déjà reconnu ; que l'Agence ne statue sur ces points qu'ultérieurement, après une instruction menée dans le respect des droits de la défense, dans une décision qui confirme, adoucit ou aggrave les décisions antérieurement prises par les fédérations agréées ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la mise en oeuvre, par l'Agence, de la faculté de se saisir d'une affaire en vertu du 3° de l'article L. 232-22 méconnaîtrait le principe d'impartialité et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées relatif à la lutte contre le dopage, prévu à l'article L. 232-21 du code du sport et défini par décret en Conseil d'Etat, n'est pas applicable aux sanctions susceptibles d'être prises par l'Agence française de lutte contre le dopage en vertu de l'article L. 232-22 du même code, lesquelles sont énumérées à l'article L. 232-23 ; que M. A ne peut, par suite, utilement se prévaloir de l'article 34 de ce règlement type pour demander l'annulation de la décision prise par l'Agence ; que si ce règlement type édictait, à la date de la décision attaquée, des dispositions réglementaires applicables aux fédérations qui différaient, à certains égard, de celles, résultant de la partie législative du code du sport, applicables à l'Agence, il n'en résulte pas que les dispositions de l'article L. 232-23 fixant la liste des sanctions applicables par l'Agence, résultant, à la date de la décision attaquée, de l'ordonnance non ratifiée du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage, seraient contraires au principe constitutionnel d'égalité, dès lors, au contraire, que tous les sportifs sont susceptibles d'être soumis au pouvoir disciplinaire exercé par l'Agence ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'analyse des échantillons correspondant aux prélèvements effectués sur M. A lors du contrôle antidopage a fait ressortir la présence de prednisone et de prednisolone, à une concentration respectivement de 559 nanogrammes par millilitre et 1249 nanogrammes par millilitre ; que ces substances, qui appartiennent à la classe des glucocorticoïdes, sont interdits par l'annexe de la convention internationale contre le dopage dans le sport telle que publiée par le décret du 26 janvier 2009, à laquelle renvoie l'article L. 230-2 du code du sport ;

Considérant qu'il appartient à l'Agence française de lutte contre le dopage, dans le cas où le sportif entendrait faire valoir qu'il disposait d'une raison médicale dûment justifiée l'ayant conduit à absorber une substance interdite, d'apprécier si les résultats des analyses sont en rapport avec les prescriptions médicales invoquées et de vérifier que ces prescriptions ont été établies à des fins thérapeutiques justifiées ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A, qui n'avait pas demandé d'autorisation d'usage à des fins thérapeutiques, a déclaré lors du contrôle antidopage avoir absorbé une spécialité pharmaceutique contenant les substances détectées qui lui avait été prescrite pour soigner une affection bronchitique ; que s'il déclare avoir transmis à la Fédération française d'équitation copie de la prescription médicale, cet envoi n'a pas été reçu par la fédération ; que M. A n'a pas produit de justifications ou d'observations lors des procédures disciplinaires engagées à son encontre permettant d'apprécier si la raison médicale invoquée lors du contrôle antidopage était de nature à justifier l'absorption des substances en cause ; que s'il a produit, devant le Conseil d'Etat, copie de la prescription médicale ainsi qu'un certificat médical établi par le médecin prescripteur postérieurement au contrôle antidopage, ces éléments ne permettent de prouver ni que la prescription aurait été établie à des fins thérapeutiques justifiées, ni que les concentrations de prednisone et de prednisolone constatées correspondraient à cette prescription ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature des substances en cause et aux concentrations observées lors du contrôle, la sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives prononcée par l'Agence française de lutte contre le dopage n'est pas entachée d'erreur de droit et n'est pas disproportionnée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de M. A le versement à l'Agence française de lutte contre le dopage de la somme de 3 000 euros à ce même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alexandre A, à la Fédération française d'équitation et à l'Agence française de lutte contre le dopage.

Copie pour information en sera adressée au ministre des sports.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341658
Date de la décision : 09/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - AGENCE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE - AUTOSAISINE (3° DE L'ARTICLE L - 232-22 DU CODE DU SPORT) - EXISTENCE - VIOLATION DE L'ARTICLE 6 DE LA CONV - EDH ET DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE [RJ1].

26-055-01-06 Les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport permettent à l'Agence française de lutte contre le dopage de se saisir des décisions prononcées pour des faits de dopage par les organes compétents des fédérations sportives à l'encontre des sportifs licenciés, afin éventuellement de les réformer, dans un souci d'harmonisation des décisions prises par les différentes fédérations dans ce domaine. Par principe, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) ne font pas obstacle à ce que l'Agence se saisisse de son propre mouvement d'une décision prise par une fédération sportive. Les dispositions de l'article L. 232-22 n'impliquent nullement, par elles-mêmes, que l'Agence statue sur les faits reprochés au sportif licencié dans des conditions contraires au principe d'impartialité. La décision initiale de l'Agence de se saisir d'une affaire ne prend aucunement parti, à ce stade, sur l'établissement ou sur la qualification des faits visés. Elle n'est ainsi pas de nature à faire naître des doutes objectivement fondés quant à la circonstance que les faits visés seraient d'ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer serait d'ores et déjà reconnu. L'Agence ne statue sur ces points qu'ultérieurement, après une instruction menée dans le respect des droits de la défense, dans une décision qui confirme, adoucit ou aggrave les décisions antérieurement prises par les fédérations agréées. Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la faculté de se saisir d'une affaire ne méconnaît pas le principe d'impartialité ni l'article 6 de la conv. EDH.

SPECTACLES - SPORTS ET JEUX - SPORTS - AGENCE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE - AUTOSAISINE (3° DE L'ARTICLE L - 232-22 DU CODE DU SPORT) - EXISTENCE - VIOLATION DE L'ARTICLE 6 DE LA CONV - EDH ET DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE [RJ1].

63-05-05 Les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport permettent à l'Agence française de lutte contre le dopage de se saisir des décisions prononcées pour des faits de dopage par les organes compétents des fédérations sportives à l'encontre des sportifs licenciés, afin éventuellement de les réformer, dans un souci d'harmonisation des décisions prises par les différentes fédérations dans ce domaine. Par principe, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (conv. EDH) ne font pas obstacle à ce que l'Agence se saisisse de son propre mouvement d'une décision prise par une fédération sportive. Les dispositions de l'article L. 232-22 n'impliquent nullement, par elles-mêmes, que l'Agence statue sur les faits reprochés au sportif licencié dans des conditions contraires au principe d'impartialité. La décision initiale de l'Agence de se saisir d'une affaire ne prend aucunement parti, à ce stade, sur l'établissement ou sur la qualification des faits visés. Elle n'est ainsi pas de nature à faire naître des doutes objectivement fondés quant à la circonstance que les faits visés seraient d'ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer serait d'ores et déjà reconnu. L'Agence ne statue sur ces points qu'ultérieurement, après une instruction menée dans le respect des droits de la défense, dans une décision qui confirme, adoucit ou aggrave les décisions antérieurement prises par les fédérations agréées. Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la faculté de se saisir d'une affaire ne méconnaît pas le principe d'impartialité ni l'article 6 de la conv. EDH.


Références :

[RJ1]

Rappr. CEDH, 11 septembre 2009, Dubus S.A. contre France, n° 5242/04.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2011, n° 341658
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP BLANC, ROUSSEAU ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:341658.20111109
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award