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15/12/2011 | FRANCE | N°351413

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 15 décembre 2011, 351413


Vu le recours, enregistré le 29 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS agissant en exécution de l'arrêt n° 1289 FS-D de la Cour de cassation en date du 31 mai 2011 ; le ministre demande au Conseil d'Etat, saisi sur renvoi d'une question préjudicielle posée par cet arrêt de la Cour de cassation :

1°) de déclarer que la " loi du pays " n° 2006-18 du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi n'est pas conforme à la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'aut

onomie de la Polynésie française ;

2°) de mettre à la charge de M. A.....

Vu le recours, enregistré le 29 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS agissant en exécution de l'arrêt n° 1289 FS-D de la Cour de cassation en date du 31 mai 2011 ; le ministre demande au Conseil d'Etat, saisi sur renvoi d'une question préjudicielle posée par cet arrêt de la Cour de cassation :

1°) de déclarer que la " loi du pays " n° 2006-18 du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi n'est pas conforme à la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

2°) de mettre à la charge de M. A...Fournier une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS ;

Considérant qu'aux termes de l'article 179 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Lorsque, à l'occasion d'un litige devant une juridiction, une partie invoque par un moyen sérieux la contrariété d'un acte prévu à l'article 140 dénommé " loi du pays " avec la Constitution, les lois organiques, les engagements internationaux, ou les principes généraux du droit, et que cette question commande l'issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites, la juridiction transmet sans délai la question au Conseil d'Etat, par une décision qui n'est pas susceptible de recours. Le Conseil d'Etat statue dans les trois mois. Lorsqu'elle transmet la question au Conseil d'Etat, la juridiction sursoit à statuer. (...) " ; que, sur ce fondement, la Cour de cassation, saisie d'un litige relatif au droit de M. Fournier, secrétaire médical employé sous contrat à durée indéterminée dans un centre hospitalier militaire en Polynésie française, à bénéficier de la prime à l'emploi instaurée par une " loi du pays " du 3 juillet 2006, a transmis au Conseil d'Etat " la question de savoir si la " loi du pays " n° 2006-18 du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi, faute d'exclure de façon expresse de son champ d'application les salariés exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale, est conforme à la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, en ses articles 14, 27 et 102 et, le cas échéant, est conforme au dernier alinéa de l'article 140 de cette loi organique " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : (...) 4° Défense ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 27 de cette même loi organique : " La Polynésie française exerce ses compétences dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale. / A cet égard, la répartition des compétences prévue par la présente loi organique ne fait pas obstacle à ce que l'Etat : (...) / 2° Fixe les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004, l'Etat est seul compétent pour fixer les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés, même civils, exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale ; qu'ainsi, une " loi du pays " fixant les règles de droit du travail applicables en Polynésie française ne saurait inclure dans son champ d'application les salariés, même recrutés localement, exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale ; qu'en l'espèce, alors même que l'article 1er de la " loi du pays " du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi dispose qu'elle s'applique à l'ensemble des salariés relevant de la loi du 17 juillet 1986 modifiée relative aux principes généraux du droit du travail en Polynésie française, sur le fondement de laquelle M. Fournier a conclu son contrat de travail, cette " loi du pays " ne saurait être regardée comme applicable aux agents civils exerçant leur activité dans un établissement de l'Etat intéressant la défense nationale, alors même qu'elle n'exclut pas expressément ces agents de son champ d'application ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que la " loi du pays " n° 2006-18 du 3 juillet 2006 relative à la prime à l'emploi ne saurait être regardée comme applicable aux salariés exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale, alors même qu'elle n'exclut pas expressément ces agents de son champ d'application.

Article 2 : Les conclusions du MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS, à l'Agent judiciaire du Trésor, à M. A...Fournier, au président de l'assemblée de la Polynésie française, au président de la Polynésie française et à la Cour de cassation (chambre sociale).


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351413
Date de la décision : 15/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

ARMÉES ET DÉFENSE - PERSONNELS MILITAIRES ET CIVILS DE LA DÉFENSE - POLYNÉSIE FRANÇAISE - FIXATION DES RÈGLES APPLICABLES AUX SALARIÉS EXERÇANT LEUR ACTIVITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE L'ETAT INTÉRESSANT LA DÉFENSE NATIONALE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE DE L'ETAT - MÊME POUR LES SALARIÉS RECRUTÉS LOCALEMENT.

08-01 Il résulte des dispositions combinées des articles 14 et 27 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française que, depuis l'entrée en vigueur de cette loi organique, l'Etat est seul compétent pour fixer les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés, même civils, exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale. Dès lors, une « loi du pays » fixant les règles de droit du travail applicables en Polynésie française ne saurait inclure dans son champ d'application les salariés, même recrutés localement, qui exercent leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - STATUTS - POLYNÉSIE FRANÇAISE - LOI ORGANIQUE N° 2004-192 DU 27 FÉVRIER 2004 - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE L'ETAT ET LA POLYNÉSIE FRANÇAISE - FIXATION DES RÈGLES RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL APPLICABLE AUX SALARIÉS EXERÇANT DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE L'ETAT INTÉRESSANT LA DÉFENSE NATIONALE - COMPÉTENCE EXCLUSIVE DE L'ETAT - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE - ABSENCE.

46-01-02-02 Il résulte des dispositions combinées des articles 14 et 27 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française que, depuis l'entrée en vigueur de cette loi organique, l'Etat est seul compétent pour fixer les règles relatives au droit du travail applicables aux salariés, même civils, exerçant leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale. Dès lors, une « loi du pays » fixant les règles de droit du travail applicables en Polynésie française ne saurait inclure dans son champ d'application les salariés, même recrutés localement, qui exercent leur activité dans les établissements de l'Etat intéressant la défense nationale.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2011, n° 351413
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Suzanne von Coester
Rapporteur public ?: M. Julien Boucher
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:351413.20111215
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