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30/12/2011 | FRANCE | N°336603

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 30 décembre 2011, 336603


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 12 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SCORE, venant aux droits de la société GES, dont le siège social est situé 45 rue Gaston de la Flotte à Marseille (13012) ; la SAS SCORE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX03209 du 8 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société GES tendant à l'annulation du jugement n° 0702822 du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal admi

nistratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction de la coti...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 12 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SCORE, venant aux droits de la société GES, dont le siège social est situé 45 rue Gaston de la Flotte à Marseille (13012) ; la SAS SCORE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX03209 du 8 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société GES tendant à l'annulation du jugement n° 0702822 du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel de la société GES ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SAS SCORE,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SAS SCORE ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société GES a déduit de son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2000 le montant d'une provision et de son résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2002 des charges à payer en raison du licenciement de salariés ; qu'elle a déclaré un bénéfice pour le premier de ces exercices et un déficit pour le second, qui ont été pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré auquel elle a appartenu jusqu'à cette dernière date et dont la SA ISD était la société-mère intégrante ; que la société GES, appartenant à un nouveau groupe fiscalement intégré à compter du 1er avril 2003, a déclaré ses résultats au titre de l'exercice correspondant à la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2003 ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos en 2000 et 2002, l'administration a remis en cause la déduction de cette provision, au motif qu'elle n'était pas justifiée, et des charges à payer, au motif qu'elles ne pouvaient être déduites par anticipation de l'exercice clos en 2002 dès lors que les accords transactionnels n'avaient été signés avec les salariés qu'en janvier 2003 ; que les redressements, notifiés le 3 décembre 2003, ont été tacitement acceptés ; que l'administration a informé en avril 2004 la SA ISD, en sa qualité de société-mère, de ces redressements, qui se sont traduits sur les exercices clos en 2000 et 2002 respectivement par une majoration du bénéfice et une réduction du déficit de la société GES, à prendre en compte pour le résultat d'ensemble du groupe intégré ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant au niveau du groupe ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2004 ; que la société GES, estimant qu'elle était doublement imposée dès lors qu'au titre de l'exercice clos le 31 mars 2003, elle avait procédé à une reprise de la provision et n'avait pas déduit les charges à payer, a formé le 27 décembre 2006 une réclamation tendant à la réduction à due concurrence de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ; que la SAS SCORE, qui vient aux droits de la société GES, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de cette société tendant à l'annulation du jugement du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction de cette cotisation ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / (...) ; que les événements susceptibles de rouvrir le délai de réclamation en application du c) de ces dispositions sont ceux qui sont de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant ; que, lorsque l'administration refuse la déduction d'une provision des résultats d'un exercice au motif qu'elle n'est pas justifiée ainsi que la déduction de charges à payer au motif que ces charges ne peuvent être déduites qu'au titre d'un autre exercice, la mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés procédant de ces redressements constitue au sens de ces dispositions un événement dont une société peut se prévaloir pour contester l'imposition établie conformément à sa déclaration, déposée avant la date de cette mise en recouvrement, à raison de l'exercice au titre duquel elle a réintégré à ses résultats cette provision devenue sans objet et elle n'a pas déduit ces charges à payer ;

Considérant que, pour rejeter la requête de la SAS SCORE, la cour a jugé que, si la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés établies au titre des années 2000 et 2002 n'était intervenue qu'en 2004, cet acte, qui découlait directement des redressements notifiés le 3 décembre 2003, ne revêtait pas un caractère imprévisible et ne renvoyait pas à des éléments que la société GES n'était pas en mesure de connaître ; qu'elle en a déduit que cet acte ne pouvait être regardé comme un événement de nature à motiver la réclamation au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; qu'après avoir relevé qu'il n'était pas allégué que tout ou partie du versement de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2003 avait été réalisé postérieurement au 31 décembre 2003, elle a jugé que le délai de réclamation prévu au b) du même article pour la contestation de cet impôt courait jusqu'au 31 décembre 2005 ; que la cour en a déduit que la réclamation présentée le 27 décembre 2006 par la société GES était tardive ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'événement constitué par la mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés établie au titre des années 2000 et 2002 était de nature à exercer une influence sur le principe ou sur le montant de la cotisation primitive mise à la charge de la société au titre de l'exercice clos le 31 mars 2003 et alors que l'imprévisibilité n'est pas au nombre des critères caractérisant un événement au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la cour a commis une erreur de droit ; que la SAS SCORE est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que l'impôt sur les sociétés établi au titre de l'année 2003, pour les bénéfices de l'exercice clos le 31 mars 2003, ne procède pas d'une procédure de redressement mais résulte de la déclaration de la société GES qui a spontanément acquitté cet impôt dans les conditions prévues aux articles 1668 et suivants du code général des impôts ; que la mise en recouvrement, le 30 septembre 2004, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, établie au titre des années 2000 et 2002 et correspondant à la réintégration dans les bases des exercices clos le 31 décembre des années 2000 et 2002 respectivement de la provision et des charges à payer, constitue un événement au sens des dispositions du c) de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales dont la société GES peut se prévaloir pour contester l'impôt sur les sociétés, établi conformément à sa déclaration à raison de l'exercice clos en 2003 au titre duquel elle a réintégré à ses résultats cette provision devenue sans objet et elle n'a pas déduit ces charges à payer, dès lors que cet événement est de nature à exercer une influence sur le montant de l'imposition de cette société au titre de l'année 2003 ; que, dès lors et en vertu de ces dispositions, le délai de réclamation courait jusqu'à la date du 31 décembre 2006 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 286 du livre des procédures fiscales : Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d'envoi. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société GES a posté avant le 31 décembre 2006 sa réclamation en date du 27 décembre 2006 ; que si l'administration a reçu ce document le mardi 2 janvier 2007, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de cette réclamation qui n'était pas tardive ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que la SAS SCORE est fondée à soutenir qu'à la suite de l'imposition supplémentaire mise en recouvrement le 30 septembre 2004 au titre des exercices clos en 2000 et en 2002, l'imposition établie au titre de l'année 2003 conformément à la déclaration de résultats de la société GES n'est pas justifiée dans la mesure où cette déclaration a procédé à la reprise de la provision, d'un montant de 42 076 euros, et a omis de déduire des charges à payer, d'un montant de 55 467 euros, alors que la déduction de ces sommes avait été refusée par l'administration au titre respectivement des exercices clos en 2000 et en 2002 ; que, par suite, la SAS SCORE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société GES tendant à la réduction à due concurrence de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle celle-ci a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SAS SCORE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 30 septembre 2008 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés de la société GES au titre de l'exercice clos le 31 mars 2003 sont réduites d'une somme de 97 543 euros.

Article 3 : La SAS SCORE, venant aux droits de la société GES, est déchargée de la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2003 et celui qui résulte de l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS SCORE une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SAS SCORE et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336603
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2011, n° 336603
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:336603.20111230
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