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18/01/2012 | FRANCE | N°353482

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 18 janvier 2012, 353482


Vu l'ordonnance n° 1102447-QPC du 17 octobre 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 octobre 2011, par laquelle le tribunal administratif de Nîmes, avant de statuer sur la demande de M. Guillaume A tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour l'année 2010, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la

Constitution de l'article 23-I de la loi n° 64-1278 du 23 déce...

Vu l'ordonnance n° 1102447-QPC du 17 octobre 2011, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 octobre 2011, par laquelle le tribunal administratif de Nîmes, avant de statuer sur la demande de M. Guillaume A tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour l'année 2010, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 23-I de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 portant loi de finances rectificative pour 1964, de l'article 36 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux et de l'article 1512 du code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2011 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, présenté par M. A, demeurant ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964, notamment son article 23-I ;

Vu la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990, notamment son article 36 ;

Vu le code général des impôts, notamment son article 1512 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Sur la question relative à l'article 23-I de la loi du 23 décembre 1964 :

Considérant qu'aux termes de l'article 23-I de la loi du 23 décembre 1964 : " Les tarifs d'évaluation des propriétés non bâties qui ont été établis, en vue de l'incorporation dans les rôles de 1963 des résultats de la première révision quinquennale ou, dans les rôles de 1964 et 1965 des résultats de la rénovation du cadastre soit par l'administration en accord avec la commission communale des impôts directs, soit enfin par la commission centrale permanente des impôts directs statuant dans les conditions prévues aux articles 1409 et 1410 du code général des impôts, sont validés. Sous réserve des voies de recours ouvertes par les articles 1415 et 1416 du même code, est également validé le classement des parcelles par nature de culture et par classes prévues auxdits tarifs " ;

Considérant que, pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 23-I de la loi du 23 décembre 1964, M. A soutient que cette disposition constitue une loi de validation adoptée en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il fait valoir que cette validation n'est pas fondée sur un but d'intérêt général suffisant, qu'elle n'est pas strictement définie dans sa portée et qu'elle valide des actes qui méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, issu des articles 6 et 13 de la même Déclaration, le droit de propriété ainsi qu'un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'imposition foncière devrait être établie sur des bases nettes ;

Considérant qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a eu pour but de soustraire à la contestation en justice les résultats des opérations de révision des valeurs locatives conduites par l'administration de 1959 à 1962, opérations qui avaient été jugées illégales par le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans une décision du 29 mai 1964 ; que ces dispositions ont eu également pour objet et pour effet de faire obstacle à ce que, pour les années postérieures à leur entrée en vigueur, les contribuables puissent contester, par la voie contentieuse, les tarifs d'évaluation des propriétés non bâties ; que M. A critique la conformité à la Constitution de ces dispositions en ce qu'elles le privent, dans un litige portant sur son imposition en 2010 à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la possibilité de contester par voie d'exception les tarifs d'évaluation applicables à ses terrains ; qu'ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la conformité à la Constitution de ces dispositions non en ce qu'elles valident rétroactivement ces tarifs, mais en ce qu'elles le privent de cette possibilité de contestation de ces tarifs dont il a été fait application aux impositions établies au titre des années postérieures à leur entrée en vigueur ; que, dès lors, la conformité à la Constitution de telles dispositions législatives ne peut être appréciée au regard des conditions applicables à une loi de validation, mais ne peut l'être qu'au regard des droits et libertés garantis par la Constitution auxquels toute loi doit se conformer ;

Considérant que, si l'article 23-I de la loi du 23 décembre 1964 fait obstacle à ce que soit soulevée devant le juge de l'impôt une exception d'illégalité des tarifs d'évaluation fixés pour les biens immobiliers d'un contribuable à l'appui d'une contestation de l'imposition établie au titre d'une année postérieure à son entrée en vigueur, les moyens soulevés à son encontre par le requérant, qui se borne à alléguer qu'il constituerait une loi de validation, ne peuvent être utilement présentés ; qu'aucun moyen n'est dirigé contre le contenu de ces tarifs eux-mêmes ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Sur la question relative à l'article 36 de la loi du 30 juillet 1990 et à l'article 1512 du code général des impôts :

Considérant, d'une part, que l'article 36 de la loi du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenues pour la détermination des bases des impôts directs locaux dispose que : " La valeur à l'hectare fixée par secteur d'évaluation pour chaque sous-groupe de cultures ou de propriétés, en application de l'article 18, est intangible entre deux révisions, sous réserve des actualisations prévues à l'article 1516 du code général des impôts " ; que cette disposition a pour seul objet de figer les valeurs locatives résultant des opérations de révision engagées sur le fondement de la loi du 30 juillet 1990 ; que les valeurs locatives issues de ces opérations n'ont pas été incorporées dans les rôles d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ; que la loi du 30 juillet 1990 a d'ailleurs été abrogée par l'article 34-XX de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ; que, par suite, la disposition contestée au regard de la Constitution n'est pas applicable au litige dont est saisi le tribunal administratif de Nîmes ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article 1512 du code général des impôts : " Les contribuables sont admis à contester devant la commission centrale les tarifs afférents à une nature de culture ou de propriété dans les deux mois qui suivent leur affichage. Toutefois, la réclamation produite à cet effet n'est recevable que si le ou les signataires possèdent plus de la moitié de la superficie des terrains auxquels s'appliquent les tarifs contestés. " ; que cette disposition, qui ne porte que sur les contestations dirigées par voie d'action contre les tarifs d'évaluation, n'est pas applicable au litige par lequel le requérant entend contester par voie d'exception la légalité des tarifs d'évaluation de ses propriétés non bâties ; qu'elle n'est donc pas davantage applicable au litige dont est saisi le tribunal administratif de Nîmes ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à l'article 23-I de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 portant loi de finances rectificative pour 1964, à l'article 36 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 et à l'article 1512 du code général des impôts, transmises par le tribunal administratif de Nîmes.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Guillaume A, au Premier ministre et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Nîmes.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 353482
Date de la décision : 18/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES FONCIÈRES - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS NON BÂTIES - BASES D'IMPOSITION - VALIDATION DES TARIFS D'ÉVALUATION DES PROPRIÉTÉS NON-BÂTIES PAR L'ARTICLE 23-I DE LA LOI N° 64-1278 DU 23 DÉCEMBRE 1964 - QPC CONTESTANT L'ARTICLE EN TANT SEULEMENT QU'IL FAIT OBSTACLE - POUR L'AVENIR - À LA CONTESTATION DES TARIFS D'ÉVALUATION DES PROPRIÉTÉS NON BÂTIES [RJ1] - MOYEN TIRÉ DE SA NON-CONFORMITÉ AUX CRITÈRES DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS DE VALIDATION - INOPÉRANCE.

19-03-03-02 L'article 23-I de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 a eu pour objet et pour effet, d'une part, de valider rétroactivement les résultats des opérations de révision des valeurs locatives conduites par l'administration de 1959 à 1962 et, d'autre part, de faire obstacle, pour l'avenir, à la contestation contentieuse des tarifs d'évaluation des propriétés non bâties. Dès lors qu'un requérant ne conteste cet article, par la voie de la QPC, qu'en tant qu'il a eu des effets pour l'avenir, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les critères de constitutionnalité d'une loi de validation est inopérant.

PROCÉDURE - ARTICLE 23-I DE LA LOI DU 23 DÉCEMBRE 1964 EN TANT SEULEMENT QU'IL FAIT OBSTACLE - POUR L'AVENIR - À LA CONTESTATION DES TARIFS D'ÉVALUATION DES PROPRIÉTÉS NON BÂTIES [RJ1] - CRITÈRES DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS DE VALIDATION.

54-10-05-04-02 L'article 23-I de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 a eu pour objet et pour effet, d'une part, de valider rétroactivement les résultats des opérations de révision des valeurs locatives conduites par l'administration de 1959 à 1962 et, d'autre part, de faire obstacle, pour l'avenir, à la contestation contentieuse des tarifs d'évaluation des propriétés non bâties. Dès lors qu'un requérant ne conteste cet article, par la voie de la QPC, qu'en tant qu'il a eu des effets pour l'avenir, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les critères de constitutionnalité d'une loi de validation est inopérant.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 18 mars 1981, Keraudy, n° 16315, T. p. 691.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jan. 2012, n° 353482
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Christine Le Bihan-Graf
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:353482.20120118
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