Vu le pourvoi, enregistré le 13 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 08PA04916 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de M. Philippe A tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0308391 du 25 juillet 2008 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997 à 1999 ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, à la décharge de ces impositions, a réduit la base de l'impôt sur le revenu de M. A des sommes de 24 237,11 euros au titre de l'année 1997, de 24 531,03 euros au titre de l'année 1998 et de 73 022,17 euros au titre de l'année 1999 et l'a déchargé des droits et pénalités correspondant à cette réduction des bases d'imposition ;
2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de M. A les impositions et pénalités dont il a été déchargé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Le Bihan-Graf, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 1997, 1998 et 1999 : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après (...) : 2° (...) rentes prévues à l'article 276 du code civil et pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce (...) " ; qu'aux termes de l'article 270 du code civil : " (...) l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives " ; que selon les articles 274 à 275-1 du même code dans leur rédaction alors applicable, la prestation compensatoire prend, lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet, la forme d'un capital selon l'une des modalités énumérées par l'article 275, au nombre desquelles figure, aux termes du 2 de cet article, l'" abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, mais pour l'usufruit seulement, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier " ; qu'enfin, l'article 276 dispose : " A défaut de capital ou si celui-ci n'est pas suffisant, la prestation compensatoire prend la forme d'une rente " ;
Considérant que, pour déterminer si la prestation compensatoire présente le caractère d'un capital au sens des dispositions alors en vigueur du 2 de l'article 275 du code civil ou doit s'analyser comme une rente prévue à l'article 276 du même code, il convient de se référer aux modalités selon lesquelles la convention définitive portant règlement des effets du divorce prévoit que le débiteur s'en acquitte ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que la convention, homologuée par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 18 octobre 1982, stipulait que M. A laissait à son ex-épouse, Mme B, la jouissance gratuite d'un appartement dont il était propriétaire, cet avantage prenant fin en cas de remariage de cette dernière ; que la cour qui a relevé ces éléments et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ne les a pas inexactement qualifiés en jugeant que, dans ces conditions, cette mise à disposition, qui ne consistait pas en la jouissance viagère d'un droit immobilier, devait être regardée comme une prestation compensatoire versée sous la forme d'une rente prévue à l'article 276 du code civil, déductible du revenu imposable en application du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. A au titre des années 1997 et 1998 ;
Considérant, en revanche, que l'ordonnance du 10 novembre 1998, qui a modifié le jugement du 18 octobre 1982 après la décision de vendre l'appartement dont Mme B avait l'usage gratuit, a prévu le versement d'une somme d'argent au titre des arriérés dus sur les paiements antérieurs de la prestation compensatoire et au titre de la conversion du droit d'usage de l'appartement ; qu'à compter de l'année 1999, M. A a notamment déduit une somme de 390 000 F correspondant à un cinquième du montant de la somme correspondant à la conversion du droit d'occuper l'appartement ; qu'en jugeant que la conversion en numéraire du droit d'usage attribué à Mme B devait également être regardée comme une rente au sens de l'article 276 du code civil et, à ce titre, être déduite de la base de l'impôt sur le revenu de M. A pour l'année 1999, la cour a inexactement qualifié les faits ; que le ministre est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'année 1999 ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la conversion en numéraire du droit d'usage à la suite de l'ordonnance du 10 novembre 1998 doit être regardée comme un versement en capital pour l'application des dispositions de l'article 156 du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les revenus de M. A pour l'année 1999 la valeur de ce droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement du 25 juillet 2008, le tribunal administratif de Paris a rejeté sur ce point sa demande ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 février 2010 est annulé en tant qu'il a réduit la base de l'impôt sur le revenu de M. A pour l'année 1999.
Article 2 : M. A est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu à concurrence des sommes dont il avait été déchargé en droits et pénalités au titre de l'année 1999.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. A.