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07/03/2012 | FRANCE | N°334898

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 07 mars 2012, 334898


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2009 et 22 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA04230 du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0630575 du 20 juin 2008 du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Trélans à lui verser la somme de 200 000 euros, avec le

s intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus, en répara...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2009 et 22 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph A, demeurant à ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA04230 du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0630575 du 20 juin 2008 du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Trélans à lui verser la somme de 200 000 euros, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des décisions de la commune mettant fin à son droit d'exploiter des biens sectionnaux situés le territoire de la section de commune de Noubloux et rejetant sa demande du 22 janvier 2003 tendant à la réattribution de biens sectionnaux ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trélans une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la commune de Trélans,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la commune de Trélans ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A exploitait depuis 1987 deux fonds agricoles, situés respectivement aux lieux-dits Pourcaresses et Noubloux, qui étaient la propriété de la section de Noubloux, dans la commune de Trélans ; que, par lettre du 16 novembre 2002, le maire de Trélans a informé M. A qu'il devrait libérer les parcelles en cause de toute occupation à compter du 1er janvier 2003, en raison de l'adoption par le conseil municipal, le 17 juin 2002, de nouvelles conditions d'attribution des biens sectionnaux ; que M. A a saisi le maire de Trélans d'une demande d'attribution de terres de la section le 22 janvier 2003, qui a fait l'objet d'un rejet implicite ; que, par lettre du 22 août 2006, M. A a demandé à la commune le versement d'une indemnité de 200 000 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de ces deux décisions ; que cette demande a également fait l'objet d'un rejet implicite ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 juin 2008 du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Trélans ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 441-1 du code de justice administrative : " Les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l'aide juridictionnelle prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. / L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle, ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 41 du décret d'application du 19 décembre 1991: "Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. " ; qu'aux termes de l'article 62 du même décret : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie.(...) " ; qu'aux termes de l'article 63 : " La décision sur l'admission provisoire est immédiatement notifiée à l'intéressé, selon le cas, par le secrétaire du bureau ou de la section, ou par le secrétaire ou le greffier de la juridiction./ (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire est sans recours. " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans son mémoire en réplique enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 23 septembre 2009, soit la veille du jour de l'audience, M. A a présenté une demande d'aide juridictionnelle ; que le 24 septembre, soit le jour même de l'audience devant la cour, M A a également saisi le bureau établi auprès du tribunal de grande instance de Marseille d'une demande d'aide juridictionnelle ; que, contrairement à ce que soutient M. A, il résulte des dispositions précitées que la cour pouvait, sans surseoir jusqu'à ce que le bureau d'aide juridictionnelle se prononce, statuer sur sa demande d'aide juridictionnelle selon la procédure d'admission provisoire ;

Considérant, en second lieu, que, lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie ; que tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que, si la commune de Trélans n'a produit aucune délibération de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ou l'autorisant à défendre à l'instance l'opposant à M. A, la qualité à agir du maire au nom de la commune n'était pas contestée ; qu'il ne ressortait, par ailleurs, au premier examen, d'aucun des éléments au vu desquels la cour a statué que le maire fût dépourvu d'une telle qualité ; que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'irrégularité, faute pour la cour d'avoir invité la commune à produire une délibération habilitant son maire à agir en défense pour son compte, doit donc être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, applicable à la date de la décision du 16 novembre 2002 et de la décision implicite rejetant la demande d'attribution de terres de la section présentée le 22 janvier 2003 par M. A à la commune : " (...) Les terres à vocation agricole ou pastorale propriété de la section sont attribuées par bail à ferme, par convention pluriannuelle d'exploitation, ou de pâturage, conclue dans les conditions de l'article L. 481-1 du code rural, au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section et, le cas échéant, au profit des exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section ; à défaut, au profit des personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire au profit des personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section." ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, que la condition de domicile réel et fixe, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, doit être entendue comme une condition de résidence principale ; que la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, juger que la maison dont disposait M. A sur le territoire de la section était une résidence secondaire et qu'il avait sa résidence principale dans une autre commune ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que M. A ne remplissait pas la condition de domicile " réel et fixe " posée par les dispositions précitées ; que si la cour a dénaturé certaines pièces du dossier qui lui était soumis, notamment le certificat d'identification au répertoire national des entreprises et de leurs établissements établi par l'INSEE le 10 mai 2007, en jugeant que le siège de l'exploitation agricole de M. A n'avait été transféré à Noubloux qu'à compter du 10 mai 2007 et non depuis le 30 janvier 1987, cette erreur, relative à la seconde des conditions que doivent cumulativement remplir les exploitants qui prétendent à une attribution prioritaire de terres de la section, affecte un motif surabondant de son arrêt et n'est ainsi pas de nature à en entraîner la cassation ;

Considérant, d'autre part, que la cour a pu, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, juger que M. A n'établissait pas, par la production d'un constat d'huissier établi le 2 juillet 2007, qu'il disposait d'un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale ses animaux sur la section ;

Considérant, dès lors, que la cour n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit en jugeant que la commune avait pu légalement refuser à M. A l'attribution de terres de la section à laquelle il prétendait, aussi bien au titre de l'attribution prioritaire de biens sectionnaux aux exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe ainsi que le siège de leur exploitation sur la section, qu'au titre de l'attribution à des exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que la commune de Trélans avait pu légalement rejeter sa demande en se fondant sur sa délibération du 17 juin 2002 sans avoir recherché si tous les lots avaient été attribués à des ayants droit prioritaires et s'il ne restait aucun lot vacant susceptible de lui être attribué, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'en tout état de cause M. A n'a pas soutenu devant la cour que, dans l'hypothèse où il ne serait pas regardé comme un ayant droit prioritaire, il avait droit à l'attribution de terres en sa qualité d'exploitant de biens agricoles sur la section, au titre de l'attribution subsidiaire prévue par les dispositions précitées de l'article L 2411-10 du code général des collectivités territoriales, et que le refus qui lui aurait été opposé d'une telle attribution serait fondé sur un motif illégal ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'en usant de la faculté de faire droit aux conclusions de la commune de Trélans tendant au bénéfice de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Marseille s'est livrée à une appréciation souveraine qui échappe au contrôle du Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Trélans qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que demande la commune de Trélans au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2- Les conclusions de la commune de Trélans présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph A et à la commune de Trélans.

Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334898
Date de la décision : 07/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - BIENS DE LA COMMUNE - INTÉRÊTS PROPRES À CERTAINES CATÉGORIES D'HABITANTS - SECTIONS DE COMMUNE - ATTRIBUTION DE TERRES À VOCATION AGRICOLE PAR BAIL À FERME - CONDITION DE DOMICILE RÉEL ET FIXE (ART - L - 2411-10 DU CGCT) - INTERPRÉTATION - CONDITION DE RÉSIDENCE PRINCIPALE.

135-02-02-03-01 La condition de domicile réel et fixe sur la section de commune des exploitants agricoles, prévue par les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour l'attribution par bail à ferme des terres à vocation agricole des sections de commune, doit être entendue comme une condition de résidence principale.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - QUALITÉ POUR AGIR - REPRÉSENTATION DES PERSONNES MORALES - REPRÉSENTATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - JUSTIFICATION DE LA QUALITÉ POUR AGIR DU REPRÉSENTANT DE LA COLLECTIVITÉ - OBLIGATION DU JUGE DE S'ASSURER DE CETTE QUALITÉ - EXISTENCE LORSQUE CELLE-CI EST CONTESTÉE SÉRIEUSEMENT PAR L'AUTRE PARTIE OU QUE SON ABSENCE SEMBLE RESSORTIR AU PREMIER EXAMEN [RJ1].

54-01-05-005 Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 11 avril 2008, Mme Leyris, n° 299525, T. pp. 848-880 ;

Ab. jur. CE, 10 février 1952, Defos du Rau, n° 9716, p. 565 ;

CE, 25 novembre 1955, Préfet de Vaucluse et demoiselle Dalmas, n° 6477, T. p. 771 ;

CE, 19 novembre 1999, Ailloud, n° 188442, T. pp. 940-974 ;

CE, 7 août 2008, M. Peter, n° 288407, T. p. 848.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2012, n° 334898
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:334898.20120307
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