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24/04/2012 | FRANCE | N°324915

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 24 avril 2012, 324915


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 7 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA TECHNOGRAM, dont le siège est au 189 rue de la Croix Nivert à Paris (75015), représentée par son président directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 07PA01608 du 3 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0010618 du 5 mars 2007 du tr

ibunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 7 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA TECHNOGRAM, dont le siège est au 189 rue de la Croix Nivert à Paris (75015), représentée par son président directeur général en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 07PA01608 du 3 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0010618 du 5 mars 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994, à la restitution de précomptes mobiliers acquittés par elle au titre des années 1993 à 1997 et à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1996 et à leur décharge, leur restitution ou leur réduction ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit intégralement à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SA TECHNOGRAM,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SA TECHNOGRAM ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA TECHNOGRAM a pour activité la recherche ainsi que l'étude technologique et scientifique ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 1993 à 1995 à l'issue de laquelle l'administration a réintégré aux résultats des produits de participation et a rectifié le crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont la société s'estimait titulaire ; qu'à l'issue de ce contrôle, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été établies au titre des années 1993 et 1994 ; que, par une réclamation en date du 27 décembre 1999, la société a sollicité la décharge de ces impositions ainsi que la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées au titre des années 1993 à 1996 et la restitution du précompte mobilier, prévu par l'article 223 sexies du code général des impôts alors en vigueur, qu'elle avait acquitté ; qu'à la suite du rejet de sa demande, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris qui a rejeté l'ensemble de ses conclusions ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 3 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, à la réduction des cotisations primitives et à la restitution du précompte mobilier ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs au précompte mobilier :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts alors en vigueur : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : / a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. / Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. / Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire / Il est reçu en paiement de l'impôt (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 223 sexies du même code alors en vigueur : " (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenu d'acquitter un précompte égal au montant du crédit prévu au I de l'article 158 bis (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société est tenue d'acquitter un précompte mobilier égal au montant du crédit prévu au I de l'article 158 bis lorsque les produits distribués sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal ; que ce précompte constitue ainsi une imposition distincte de l'impôt sur les sociétés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ; qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même livre dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;

Considérant que, dès lors que le précompte mobilier constitue une imposition distincte de l'impôt sur les sociétés, la circonstance qu'un redressement ait été notifié au titre de ce dernier impôt n'est pas de nature à faire courir, pour une réclamation tendant à la restitution du précompte spontanément acquitté par une société, le délai spécial de réclamation prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, pour ce motif, que la société requérante ne pouvait se prévaloir de ce délai spécial ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'expression du désaccord du contribuable sur les redressements qui lui sont notifiés doit être formulée par écrit dans le délai précité et qu'en cas de réponse orale, le contribuable est regardé comme ayant accepté les redressements ; qu'en l'absence d'un désaccord exprimé dans ce délai, l'administration n'est pas tenue de donner suite à une demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires présentée par le contribuable ;

Considérant que la cour a relevé que la société n'avait exprimé son désaccord sur les redressements relatifs à l'exercice clos en 1993 notifiés le 4 décembre 1996 que le 9 janvier 1997 soit après l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti ; qu'elle en a déduit que l'administration n'était pas tenue de donner suite à la demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, a implicitement mais nécessairement écarté le moyen de la société tiré de ce qu'elle avait refusé oralement ces redressements le 12 décembre 1996 ; que son arrêt, qui est par suite suffisamment motivé, n'est pas entaché d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que dès lors qu'elle s'était abstenue de répondre dans le délai légal à la notification de redressement contradictoire relative à l'exercice clos en 1993, elle supportait, conformément aux dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'absence du bien-fondé du redressement relatif au crédit d'impôt pour dépenses de recherche, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a indiqué devant les juges du fond qu'aucune imposition supplémentaire n'avait été mise en recouvrement au titre de l'année 1995 ; que la cour a relevé que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés avaient été établies au titre des années 1993 et 1994 ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier en refusant de faire droit à la demande de la société au titre d'une imposition supplémentaire établie pour l'année 1995 à raison de la réintégration des produits de participations détenues dans deux sociétés ;

Sur les motifs de l'arrêt relatifs aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité : (...) d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis (...) / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. " ;

Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé que le ministre soutenait sans être contredit que ces prescriptions n'avaient pas été respectées, s'agissant des conclusions tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA TECHNOGRAM a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 et qu'il ne résultait pas des pièces du dossier qu'elle aurait régularisé sa réclamation par la production des avis d'imposition concernant les impositions primitives des années 1993 et 1994 ; qu'en jugeant que les conclusions tendant à la décharge de ces impositions étaient irrecevables, la cour a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas dénaturé les pièces de son dossier et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Mais considérant, en second lieu, que la cour n'a pas statué sur les conclusions de la société portant sur les cotisations primitives d'impôt sur les sociétés relatives à l'année 1995 ; que la cour n'a également pas répondu au moyen tiré de ce que la réclamation en date du 27 décembre 1999, en ce qu'elle portait sur la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1996, était motivée par le litige qui l'opposait à son ancien dirigeant et qui avait donné lieu à une assignation devant le tribunal de commerce de Paris en date du 23 juillet 1998 et que cet élément constituait un événement motivant cette réclamation au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales de sorte que cette réclamation était recevable dès lors qu'elle avait été présentée avant le 31 décembre 2000 ; que ce moyen n'était pas inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA TECHNOGRAM est fondée, dans la seule mesure de ses conclusions relatives aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés portant sur les années1995 et 1996, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;

Considérant, d'une part, que la SA TECHNOGRAM ne conteste pas l'affirmation de l'administration tirée de ce qu'elle n'a pas respecté les prescriptions du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait régularisé sa réclamation par la production des avis d'imposition concernant l'imposition primitive établie au titre de l'année 1995 ; que, dès lors, ses conclusions sont dans cette mesure irrecevables ;

Considérant, d'autre part, que l'assignation, par la société requérante, de son ancien dirigeant devant le tribunal de commerce de Paris en date du 23 juillet 1998 ne constitue pas un événement motivant la réclamation au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le délai de réclamation était expiré en ce qui concerne la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'année 1996 lorsqu'elle a présenté sa réclamation le 27 décembre 1999 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA TECHNOGRAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 3 décembre 2008 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés relatives aux années 1995 et 1996.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la SA TECHNOGRAM tendant à la réduction des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés relatives aux années 1995 et 1996 et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SA TECHNOGRAM et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 324915
Date de la décision : 24/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2012, n° 324915
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:324915.20120424
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