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10/07/2012 | FRANCE | N°324575

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 10 juillet 2012, 324575


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 28 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... " ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX00981 du 13 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel de la commune de Verdun-sur-Garonne et rejetant son appel incident, a, d'une part, annulé le jugement n° 0501214 du 15 mars 2007 du tribunal administratif de Toulouse ayant condamné la commune à lui verser la somme de

35 624,17 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'ill...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 28 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant... " ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX00981 du 13 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel de la commune de Verdun-sur-Garonne et rejetant son appel incident, a, d'une part, annulé le jugement n° 0501214 du 15 mars 2007 du tribunal administratif de Toulouse ayant condamné la commune à lui verser la somme de 35 624,17 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité du permis de construire délivré le 26 février 2003 et retiré le 10 juin 2003 et, d'autre part, rejeté la demande qu'il avait présentée devant ce tribunal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la commune de Verdun-sur-Garonne à lui verser la somme de 142 645,64 euros, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Verdun-sur-Garonne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. B...et de la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Verdun-sur-Garonne,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boulloche, avocat de M. B...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Verdun-sur-Garonne ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Verdun-sur-Garonne a délivré à M. B..., le 26 février 2003, un permis de construire autorisant une surface hors oeuvre nette de 169 mètres carrés destinée à l'habitation, par réhabilitation d'une ferme et d'un hangar existants et par création d'une surface hors oeuvre nette d'environ 67 mètres carrés ; que M. B...a, le 28 février 2003, acquis les bâtiments faisant l'objet de ce permis et le terrain sur lequel ils étaient situés ; qu'il a alors engagé des travaux portant sur ces bâtiments ; qu'à la suite du recours gracieux formé par le préfet du Tarn-et-Garonne dans le cadre du contrôle de légalité, le maire de la commune de Verdun-sur-Garonne a, par arrêté du 10 juin 2003, retiré le permis en question ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse faisant partiellement droit à sa demande, a jugé que si la commune de Verdun-sur-Garonne avait commis une faute en délivrant un permis de construire illégal, il y avait cependant lieu, en l'absence de préjudice en résultant directement, de rejeter la demande qu'il avait présentée aux fins d'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité du permis délivré ;

2. Considérant, en premier lieu, que, devant la cour administrative d'appel, le requérant invoquait le préjudice résultant de la perte de valeur du terrain qu'il avait acquis ; qu'il n'était pas contesté que M. B...s'était porté acquéreur du bien en cause dans le seul but d'en faire sa résidence principale ; que la cour a écarté cette prétention au motif que, si le terrain litigieux n'était pas utilisable pour l'opération projetée, il demeurait néanmoins constructible ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, du fait de la délivrance du permis illégal, M. B...n'avait pas acquis le terrain litigieux, qui ne présentait désormais plus d'utilité pour lui, à un prix supérieur à celui qu'il pourrait tirer de sa revente, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a statué sur ce chef de préjudice ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que pour rejeter les demandes d'indemnisation formées par M. B...au titre, d'une part, des loyers qu'il a été conduit à acquitter, faute de pouvoir emménager à la date prévue dans le bâtiment qu'il souhaitait réhabiliter, d'autre part, du préjudice moral qu'il aurait subi du fait de l'échec de son projet, la cour a estimé que l'un et l'autre de ces préjudices étaient la conséquence non de la délivrance du permis illégal, mais de l'irrégularité de l'opération elle-même ; qu'en statuant ainsi, alors que les préjudices invoqués, à les supposer établis, étaient directement imputables au retard subi, du fait de la délivrance d'un permis illégal ensuite retiré, par le projet de M. B...de construire sa résidence principale, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur ces chefs de préjudice ;

4. Considérant, en troisième lieu, que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a jugé que M. B...n'apportait pas la preuve des frais qu'aurait entraînés l'emprunt bancaire qu'il affirmait avoir contracté pour mener à bien son projet ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit, au regard de la charge de la preuve, en n'ordonnant pas, avant de statuer sur la demande d'indemnisation du préjudice qui en serait résulté, une mesure d'instruction destinée à faire préciser, par le requérant, le montant de cet emprunt et les frais financiers correspondants ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que c'est également par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a jugé que la demande d'indemnisation du préjudice résultant des travaux réalisés par M. B...portait sur des travaux de démolition et de reconstruction qui n'entraient pas dans les prévisions du permis de construire, délivré pour la réhabilitation et l'agrandissement d'un bâtiment existant ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour doit être annulé en tant seulement qu'il statue sur les préjudices résultant de la perte de valeur vénale du terrain acquis par le requérant et des loyers acquittés par lui ainsi que sur son préjudice moral ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la mesure de l'annulation prononcée, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, selon les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Verdun-sur-Garonne applicables au terrain en cause, les constructions à usage d'habitation, y compris en cas d'aménagement et d'agrandissement de constructions existantes assorties d'un changement de destination, n'y sont autorisées qu'à condition d'être " directement liées et techniquement nécessaires à l'exploitation agricole " et " implantées dans la mouvance immédiate de l'ensemble bâti existant " ; qu'ainsi, des constructions neuves, agrandissements ou aménagements ne sont possibles sur ce terrain que si une activité agricole y est pratiquée ; que M. B..., qui ne pourra y mener à bien son projet de construction de sa résidence principale, a acquis pour 39 600 euros le terrain en cause, d'une superficie de 3 829 mètres carrés ; qu'il soutient, sans être contredit par la commune de Verdun-sur-Garonne, que le prix au mètre carré aurait été de 3 euros si la transaction avait porté sur un terrain agricole ; que le préjudice résultant du prix d'acquisition du terrain, déduction faite de sa valeur vénale, est, en l'espèce, la conséquence directe de la faute résultant de la délivrance d'un permis de construire illégal ; qu'il y a lieu de chiffrer à la somme de 28 000 euros le préjudice que le requérant a subi à ce titre ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...n'établit pas la réalité du préjudice résultant de l'obligation dans laquelle il se serait trouvé d'acquitter des loyers supplémentaires en raison du retard subi par son projet de construction de sa résidence principale, du fait de la délivrance d'un permis illégal ultérieurement retiré ; que, par suite, la demande d'indemnisation qu'il a formée à ce titre ne peut qu'être rejetée ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. B...doit être regardé comme demandant l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait d'un trouble dans ses conditions d'existence ; que ce préjudice est la conséquence directe de la faute résultant de la délivrance d'un permis de construire illégal et qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 29 000 euros la somme que la commune de Verdun-sur-Garonne a été condamnée à verser à M. B...par le jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

12. Considérant que M. B...a droit aux intérêts de la somme de 29 000 euros qui lui est due à compter du 28 mai 2004, date de réception par la commune de Verdun-sur-Garonne de sa demande d'indemnisation ; que M. B...ayant demandé la capitalisation des intérêts par mémoire enregistré le 23 mars 2005, il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande à compter du 28 mai 2005, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Verdun-sur-Garonne le versement à M. B...d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune demande au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 novembre 2008 est annulé en tant qu'il statue sur les préjudices subis par M. B...au titre de la perte de valeur du terrain acquis et des loyers acquittés par lui ainsi que sur son préjudice moral.

Article 2 : La somme que la commune de Verdun-sur-Garonne a été condamnée à verser à M. B...est ramenée à 29 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2004. Les intérêts échus le 28 mai 2005 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 mars 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : La commune de Verdun-sur-Garonne versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...et les conclusions de son appel incident devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Verdun-sur-Garonne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de son appel devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à la commune de Verdun-sur-Garonne.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 324575
Date de la décision : 10/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2012, n° 324575
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Josse
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:324575.20120710
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