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23/07/2012 | FRANCE | N°346049

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 23 juillet 2012, 346049


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 22 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT01298 du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement n° 085924 du 26 mars 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes, après avoir fait droit à sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le

revenu et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées au t...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 22 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT01298 du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement n° 085924 du 26 mars 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes, après avoir fait droit à sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées au titre de l'année 2004 en conséquence de la réintégration dans son revenu imposable de prestations d'orthodontie d'un montant de 79 885 euros, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004 en conséquence de la réintégration dans son revenu imposable d'une plus-value de cession de sa clientèle, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat M. A ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui exerce une activité de chirurgien-dentiste, a créé le 30 décembre 2004 la SELARL de chirurgiens-dentistes Docteur Bernard Hubert, dont il est devenu l'associé unique et le gérant ; que, par un acte du même jour, il a cédé sa clientèle libérale à cette société moyennant le prix de 250 000 euros ; qu'il a placé la plus-value à long terme de 230 000 euros réalisée à l'occasion de cette cession sous le régime d'exonération prévu par l'article 238 quaterdecies du code général des impôts ; que, toutefois, à l'issue de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, l'administration a remis en cause cette exonération selon la procédure d'abus de droit régie par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que le comité consultatif pour la répression des abus de droit a estimé, dans sa séance du 7 septembre 2007, que l'administration était fondée à mettre en oeuvre cette procédure ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 26 mars 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004 en conséquence de ce redressement, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement, applicable jusqu'au 31 décembre 2004 : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité (...) libérale sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont simultanément satisfaites : / 1° le cédant est soit : / a) une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ; / 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une branche complète d'activité ; / 3° La valeur des éléments de cette branche complète d'activité servant d'assiette aux droits d'enregistrement exigibles en application des articles 719, 720 ou 724 n'excède pas 300 000 euros " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / (...) b) (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

4. Considérant qu'en jugeant que M. A ne pouvait utilement soutenir que la cession de sa clientèle libérale avait constitué le fait générateur de l'imposition en litige, au motif que cette circonstance était sans incidence sur la réalité de l'avantage fiscal que lui avait procuré une opération lui ayant permis " d'atténuer la charge fiscale représentée par la plus-value latente attachée à cet actif ", la cour a commis une erreur de droit, d'où résulte une inexacte qualification des faits ; que, par suite, M. Hubert est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant que, à supposer même que M. A n'apporte pas la preuve que la cession de sa clientèle libérale à la SELARL de chirurgiens-dentistes Docteur Bernard Hubert était justifiée par un motif autre que fiscal, cette opération ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme ayant permis à l'intéressé d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales, dès lors que, en l'absence d'une telle opération, il n'aurait supporté, l'année en cause, aucune charge fiscale au titre de l'imposition des plus-values ; qu'ainsi, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il est resté assujetti au titre de l'année 2004, ainsi que des pénalités correspondantes et, en conséquence, à demander la décharge de ces impositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par le requérant au cours de l'ensemble de l'instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 25 novembre 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il est resté assujetti au titre de l'année 2004 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mars 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 346049
Date de la décision : 23/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2012, n° 346049
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bernard Stirn
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:346049.20120723
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