La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2012 | FRANCE | N°338747

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 10 octobre 2012, 338747


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'établissement public Voies navigables de France, dont le siège est au 175 rue Ludovic Boutleux BP 820 à Béthune (62408) ; Voies navigables de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt n° 09VE01137 du 28 janvier 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0710954 du 5 févier 2009 par lequel le

tribunal administratif de Versailles, saisi du procès-verbal de contra...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'établissement public Voies navigables de France, dont le siège est au 175 rue Ludovic Boutleux BP 820 à Béthune (62408) ; Voies navigables de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt n° 09VE01137 du 28 janvier 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0710954 du 5 févier 2009 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi du procès-verbal de contravention de grande voirie établi à l'encontre de M. et Mme A, a rejeté sa demande tendant à la condamnation des intéressés au versement d'une amende de 1 500 euros et à ce qu'il leur soit fait injonction d'enlever leur bateau, dénommé " St4 ", stationnant sans autorisation sur la Seine, au droit de la commune de Sèvres, dans le délai de 8 jours, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, à la condamnation de M. et Mme A au paiement de cette amende et à ce qu'il leur soit fait injonction d'enlever leur bateau du domaine public dans un délai de 8 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de Voies navigables de France et de Me Spinosi, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de Voies navigables de France et à Me Spinosi, avocat de M. et Mme A ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge de la contravention de grande voirie, dès qu'il est saisi par une autorité compétente, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens ; qu'eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d'office, lorsqu'un moyen tiré de l'irrégularité de la notification des poursuites est soulevé, si la procédure n'a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente ;

2. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du paragraphe III de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions en matière de transports, applicable au litige, l'établissement public Voies navigables de France est substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public fluvial qui lui est confié ; qu'en vertu du paragraphe IV de cet article, dans le cas où des atteintes sont constatées, le tribunal administratif territorialement compétent est saisi par le président de Voies navigables de France, le directeur général de cet établissement public s'il a reçu délégation de signature ou les chefs des services extérieurs, qui sont les représentants locaux de l'établissement public, s'ils ont reçu du directeur général une subdélégation de signature ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le tribunal administratif est régulièrement saisi du procès-verbal de contravention de grande voirie constatée sur le domaine public fluvial par la transmission par l'une de ces autorités de l'acte de notification du procès-verbal ainsi que de la citation à comparaître dès lors que la délégation de signature, quand elle est nécessaire, a régulièrement reçu publication ; que cette transmission régularise la procédure lorsque le procès-verbal n'a pas été régulièrement notifié au contrevenant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si l'acte du 30 août 2007 portant notification du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 29 août 2007 par M Ghislain B, chef d'équipe des travaux publics de l'Etat, et citation à comparaître de M. et Mme A a été signé par M. Daniel C, chef de la subdivision par intérim de Voies navigables de France, la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 8 novembre 2007, a été signée par Mme Marie-Anne D, directrice interrégionale de Voies navigables de France, chef du service de la navigation de la Seine ; que, par décision du 27 avril 2007, le directeur général de cet établissement public, ayant lui-même reçu délégation de signature du président, a subdélégué sa signature à Mme D pour saisir le tribunal administratif dans le cas où des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public fluvial seraient constatées ; que cette décision a été publiée au bulletin officiel du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

5. Considérant, par suite, qu'en jugeant, alors qu'elle a relevé que Mme D avait régulièrement reçu une subdélégation de signature, que la procédure n'avait pu être régularisée par la transmission au tribunal administratif par la directrice interrégionale de Voies navigables de France, chef du service de la navigation de la Seine, du procès-verbal constatant l'infraction et la notification de ce document citant les contrevenants à comparaître, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'établissement public Voies navigables de France est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme D avait régulièrement reçu une subdélégation de signature pour saisir le tribunal administratif ; qu'il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas signé personnellement la demande présentée au tribunal ; que, par suite, l'établissement public est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de la signataire de la demande l'ayant saisi ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'établissement public Voies navigables de France devant le tribunal administratif ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente " ;

10. Considérant, en premier lieu, que le procès-verbal, établi le 29 août 2007 sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, mentionne que le bateau dénommé " ST 4 " dont M. et Mme A sont propriétaires, stationne, sans autorisation, en rive gauche de la Seine, au point PK 11.5 sur la commune de Sèvres ; que ce fait est constitutif d'une contravention de grande voirie ; que si M. et Mme A soutiennent qu'il serait entaché d'inexactitude matérielle des faits dès lors que le bateau serait situé au point 11. 700, ils n'en apportent pas la preuve ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme A soutiennent que la procédure de contravention de grande voirie ne pouvait être poursuivie que par la personne publique propriétaire du domaine, l'établissement public Voies navigables de France est substitué à l'Etat pour assurer l'intégrité du domaine public fluvial en vertu des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1991 ;

12. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A ne peuvent utilement invoquer la tolérance dont ils ont bénéficié antérieurement de la part de l'établissement public, notamment au moment de l'achat du bateau ; que s'ils se prévalent de l'absence de publication des actes concernant les règles de stationnement des bateaux-logement, et notamment des règles afférentes à la gestion des listes d'attente, cette omission, à la supposer établie, ne caractérise pas un fait de l'administration de nature à exonérer le contrevenant ; que la circonstance que l'établissement public n'aurait pas été en mesure de lui trouver une place ne caractérise pas davantage un tel fait de l'administration ; qu'ils ne peuvent soutenir que la procédure de contravention est irrégulière dès lors que l'établissement public se serait abstenu de procéder à l'instruction de la demande formulée par courrier du 1er mars 2007 de l'association " Universeine " à laquelle ils appartiennent ni se prévaloir d'une autorisation qui leur aurait été accordée par le maire de Meudon ;

13. Considérant, enfin, que l'obligation de déplacer le bateau appartenant à M. et Mme A ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'établissement public Voies navigables de France est fondé à demander, au titre de l'action publique, que M. et Mme A soient condamnés au paiement d'une amende de 1 500 euros et, au titre de l'action domaniale, qu'il leur soit fait injonction d'enlever leur bateau du domaine public fluvial ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de leur impartir un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de prévoir à l'expiration de ce délai une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public Voies navigables de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par M. et Mme A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 janvier 2010 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 février 2009 sont annulés.

Article 2 : M. et Mme A sont condamnés au paiement d'une amende de 1 500 euros.

Article 3 : Il est enjoint à M. et Mme A d'enlever leur bateau dénommé " ST4 " stationnant sans autorisation sur la rive gauche de la Seine, au point PK 11.5 sur la commune de Sèvres dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.

Article 4 : M. et Mme A verseront une somme de 1 500 euros à l'établissement public Voies navigables de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'établissement public Voies navigables de France et les conclusions de M. et Mme A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public Voies navigables de France et à M. et Mme Thomas A.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338747
Date de la décision : 10/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2012, n° 338747
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gilles Bachelier
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : BALAT ; SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:338747.20121010
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award