La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2012 | FRANCE | N°334985

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 29 octobre 2012, 334985


Vu le pourvoi, enregistré le 24 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont le siège est 7 square Max Hymans à Paris Cedex 15 (75730) ; l'ARCEP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01867du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la société Neuf Cegetel venant aux droits de la société Cegetel, d'une part, annulé l'article 2 du jugement n° 0417016 du 29 mars 2007 du tribunal administratif d

e Paris rejetant les conclusions de la société Cegetel tendant à la rest...

Vu le pourvoi, enregistré le 24 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont le siège est 7 square Max Hymans à Paris Cedex 15 (75730) ; l'ARCEP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01867du 22 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de la société Neuf Cegetel venant aux droits de la société Cegetel, d'une part, annulé l'article 2 du jugement n° 0417016 du 29 mars 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant les conclusions de la société Cegetel tendant à la restitution de la taxe de gestion et de contrôle acquittée par la société Cegetel au titre de l'année 1998 et au versement des intérêts moratoires afférents à la taxe acquittée au titre de l'année 2000 et remboursée en cours d'instance et, d'autre part, condamné l'Etat à lui rembourser la somme de 741 495,10 euros correspondant à la taxe acquittée au titre de l'année 1998, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2003 et à lui verser les intérêts de la somme de 381 122,54 euros au taux légal à compter de la même date ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Neuf Cegetel ;

3°) de mettre à la charge de la société Neuf Cegetel le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 97/13/CEE du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services des télécommunications ;

Vu le code civil ;

Vu le code des postes et télécommunications ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987, notamment son article 45 ;

Vu la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificatives pour 1991 ;

Vu la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 de finances pour 1997, notamment son article 36 ;

Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, notamment son article 22 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Société Française du Radiotéléphone.,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la Société Française du Radiotéléphone ;

1. Considérant que le paragraphe VII de l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986 de finances pour 1987, issu de l'article 36 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997, a assujetti les titulaires d'autorisations relatives à des réseaux et services de télécommunications mentionnés aux articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications à une taxe annuelle de gestion et de contrôle des autorisations dont ils disposent ; qu'aux termes du paragraphe VI de ce même article, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 30 décembre 1991 de finances rectificatives pour 1991 : " Sauf en ce qui concerne la taxe forfaitaire prévue au premier alinéa du III, le recouvrement et le contentieux des taxes visées au présent article sont suivis par les comptables du Trésor selon les modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la présente loi " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Cegetel, attributaire d'une licence d'opérateur et de fournisseur de service de télécommunication au public, a été assujettie, à compter de l'année 1998, à la taxe annuelle de gestion et de contrôle de l'autorisation prévue par le VII de l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986 de finances pour 1987 ; que le tribunal administratif de Paris ayant jugé, par un jugement n° 9920574/7 et 0009720/7 du 19 juin 2003 devenu définitif, que l'article 22 de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 avait augmenté les forfaits de cette taxe dans des conditions méconnaissant les objectifs fixés par l'article 11 de la directive 97/13/CEE du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications, la société Cegetel a saisi, le 23 décembre 2003, l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), d'une demande tendant à la restitution des montants acquittés au titre de cette taxe pour les années 1998 à 2002 ; que l'ART n'ayant fait droit à sa réclamation, le 12 février 2004, qu'en ce qui concerne la taxe acquittée au titre des années 1999, 2001 et 2002, elle a porté le surplus du litige devant le tribunal administratif de Paris qui, par jugement du 29 mars 2007, a, à l'article 1er, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant à la restitution des sommes acquittées au titre de l'année 2000, du fait du remboursement de ces sommes intervenu en cours d'instance et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que, saisie en appel par la société Neuf Cegetel, venant aux droits de la société Cegetel, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt du 22 octobre 2009, annulé l'article 2 de ce jugement et condamné l'Etat à rembourser à la société Neuf Cegetel, d'une part, la somme de 741 495,10 euros acquittée au titre de la taxe annuelle de gestion et de contrôle de l'autorisation pour l'année 1998, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2003 et, d'autre part, les intérêts au taux légal de la somme de 381 122,54 euros remboursée par l'ART au titre de l'année 2000 à compter de la même date ; que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui a succédé à l'ART, se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. " ;

4. Considérant que, pour rejeter la demande de la société Cegetel, le tribunal administratif de Paris, après avoir estimé que cette demande devait être regardée, non pas comme une opposition à titre exécutoire mais comme une demande de restitution au sens du troisième alinéa précité de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, avait jugé que le jugement n°9920574/7 et 0009720/7, qui motivait la réclamation de la société, étant intervenu en 2003, celle-ci ne pouvait, en tout état de cause, demander la restitution de sommes dont elle s'était acquittée au titre d'une période antérieure au 1er janvier 1999 ; que la cour administrative d'appel a, pour sa part, estimé qu'en prévoyant que le recouvrement et le contentieux des taxes qu'il instituait, dont la taxe de gestion et de contrôle des autorisations, étaient suivis selon les modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986 avait nécessairement entendu exclure du champ d'application du livre des procédures fiscales l'entier contentieux desdites taxes, y compris les règles de fond qui incluent la prescription ; qu'elle en a déduit que c'était, dès lors, à tort, que le tribunal administratif s'était fondé sur les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales pour rejeter la demande de la société ; qu'après avoir censuré le motif de rejet retenu par le tribunal, la cour, examinant, par l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par la société Neuf Cegetel a jugé que la société était fondée à soutenir que la loi du 30 décembre 1997, en fixant les forfaits de la taxe de gestion et de contrôle pour l'année 1998 avait méconnu les objectifs de l'article 11 de la directive du 10 avril 1997 et à demander, pour ce motif, la restitution de la taxe acquittée au titre de cette année ;

5. Considérant, en premier lieu, que devant le tribunal administratif, l'ARCEP avait soulevé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, au regard des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, de la réclamation présentée par la société Cegetel devant l'ART le 23 décembre 2003 ; que si la cour s'est trouvée saisie, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, de cette fin de non-recevoir, elle a pu toutefois s'abstenir d'y répondre expressément dans son arrêt dès lors qu'ayant estimé que les dispositions du livre des procédures fiscales n'étaient pas applicables au contentieux de la taxe de gestion et de contrôle, elle a implicitement mais nécessairement jugé que l'ARCEP ne pouvait utilement opposer les dispositions de l'article R. 196-1 de ce livre à la réclamation de la société ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la cour aurait, sur ce point, insuffisamment motivé son arrêt doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a jugé qu'en vertu de l'article 11 de la directive 97/13/CE du 10 avril 1997, le montant de la taxe de gestion et de contrôle de l'autorisation devait " permettre de couvrir exclusivement les coûts administratifs afférents au contrôle de l'utilisation des autorisations individuelles délivrées et/ou à la gestion du régime d'autorisations générales " ; qu'elle a relevé que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui se bornait à une description du processus d'élaboration de la décision, ne donnait aucun élément chiffré quant aux coûts exacts auxquels elle devait faire face, " ni aucune précision sur la détermination, de manière forfaitaire, sans tenir compte des particularités de chaque dossier, du montant de la taxe, et notamment sur la relation établie par le législateur entre la zone géographique couverte par une autorisation et le coût de contrôle de cette autorisation et/ou une répartition objective et non discriminatoire des frais plus globaux du régime d'autorisations générales " de nature à établir que la taxe litigieuse aurait satisfait à l'exigence de couverture exclusive du travail requis par la gestion et le contrôle des autorisations délivrées ; qu'elle a estimé que la circonstance que le montant de la taxe en cause avait fait l'objet de modifications forfaitaires au titre d'autres années ne suffisait pas à démontrer que ces changements auraient été eux-mêmes proportionnés à une évolution du coût des frais administratifs de gestion et de contrôle des autorisations délivrées aux réseaux ouverts au public ; qu'elle en a déduit que la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 en fixant les forfaits de la taxe de gestion et de contrôle pour l'année 1998 avait méconnu les objectifs de l'article 11 de la directive du 10 avril 1997 ; qu'en statuant ainsi la cour a suffisamment motivé sa décision ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de son arrêt que la cour s'est à bon droit fondée, s'agissant de la taxe de gestion et de contrôle due au titre de l'année 1998, sur les dispositions du VII de l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986 telles que modifiées par l'article 22 de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 ; que l'ARCEP n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit quant au texte applicable ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour n'a pas jugé, dans son arrêt, que les dispositions du décret du 29 décembre 1992 modifiant le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret étaient applicables à la taxe de gestion et de contrôle des autorisations instituée par le VII de l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986 ; que, par suite l'ARCEP ne saurait utilement soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant les dispositions de ce texte applicables ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé qu'en renvoyant, pour la détermination des règles applicables au contentieux relatif à la taxe de gestion et de contrôle des autorisations prévue au VII de l'article 45 de la loi du 30 décembre 1986, aux modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, le législateur avait entendu exclure du champ d'application du livre des procédures fiscales, l'entier contentieux de cette taxe, y compris les règles de fond qui incluent la prescription ;

10. Considérant, enfin, que le montant du remboursement, décidé par l'ARCEP le 17 février 2005, de la taxe de gestion et de contrôle de l'autorisation de l'année 2000 s'est imputé en priorité sur la créance d'intérêts déjà détenue par la société Cegetel, de sorte que le principal de 381 122,54 euros n'a pu être entièrement éteint par ce paiement et que l'Etat restait, à cette date, devoir une dette en capital qui continuait à produire des intérêts au taux légal ; que, par suite, l'ARCEP n'est pas fondée à soutenir que les intérêts cessaient de courir à la date de remboursement de cette taxe et que la cour aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit en ne le précisant pas, se bornant à énoncer que la société requérante avait droit aux intérêts générés par la somme de 381 122,54 euros, à compter du 24 décembre 2003, date de réception de sa demande par l'Autorité de régulation des télécommunications ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ARCEP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Neuf Cegetel qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat (ARCEP) une somme de 2 000 euros à verser à la société SFR en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'ARCEP est rejeté.

Article 2 : L'Etat (ARCEP) versera une somme de 2 000 euros à la société SFR en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), à la Société Française du Radiotéléphone - SFR et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334985
Date de la décision : 29/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2012, n° 334985
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Thierry Tuot
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:334985.20121029
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award