Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre et 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Estrella Véronique , demeurant ..., M. Marcel , demeurant ..., Mme Muriel B, demeurant ..., Mlle Chelsea B, demeurant ... et Mlle Madison B, demeurant ... ; Mme et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 10BX02382 du 6 janvier 2011 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 0803668 du 16 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser les préjudices résultant du suicide de M. Patrick survenu le 19 juin 2004 à la maison d'arrêt de Gradignan ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Le Griel, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. Marcel , de Mlle Chelsea B, de Mlle Madison B, de Mme Estrella Véronique et de Mme Muriel B,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de M. Marcel , de Mlle Chelsea B, de Mlle Madison B, de Mme Estrella Véronique et de Mme Muriel B ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice:
1. Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que, si l'ordonnance que Mme et autres attaquent a été rendue le 6 janvier 2011, ceux-ci ont, en vue de se pourvoir en cassation à son encontre, présenté une demande d'aide juridictionnelle le 20 janvier 2011, à laquelle il a été fait droit par une décision en date du 28 juillet 2011, qui leur a été notifiée le 2 août 2011 ; que, dès lors que le délai de recours avait été interrompu de ce fait et n'avait recommencé à courir que depuis cette dernière date, le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que leur pourvoi, enregistré le 27 septembre 2011, serait tardif ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours." ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme et autres ne se sont pas bornés, dans leurs écritures d'appel, à se référer au texte de leurs mémoires de première instance ni à reproduire intégralement ceux-ci, mais ont, à tout le moins pour certains d'entre eux, critiqué les motifs retenus par le tribunal administratif pour rejeter les moyens qu'ils avaient soulevés devant lui ; que, par suite, en estimant, pour rejeter leur requête comme irrecevable au regard des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, que les requérants s'étaient bornés, hormis quelques ajustements de pure forme, à reproduire intégralement et exclusivement le texte de leurs mémoires de première instance, la cour administrative d'appel de Bordeaux a dénaturé les termes de la requête dont elle était saisie et a commis une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
Sur les conclusions de Mme et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que Mme et autres ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Le Griel, avocat de Mme et autres, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SCP Le Griel ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 6 janvier 2011 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Le Griel, avocat de Mme et autres, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Madame Estrella Véronique , première requérante dénommée et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Le Griel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.