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15/11/2012 | FRANCE | N°338148

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 15 novembre 2012, 338148


Vu l'ordonnance n° 09PA06300 du 19 mars 2010, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 mars 2010, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme Zohra C et M. Mohamed D ;

Vu le pourvoi, enregistré le 3 novembre 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté pour Mme Zohra C, veuve E, demeurant ..., et M. Mohamed D, demeurant à la même adresse ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance n° 0201399 du 31 décembre...

Vu l'ordonnance n° 09PA06300 du 19 mars 2010, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 mars 2010, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par Mme Zohra C et M. Mohamed D ;

Vu le pourvoi, enregistré le 3 novembre 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté pour Mme Zohra C, veuve E, demeurant ..., et M. Mohamed D, demeurant à la même adresse ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance n° 0201399 du 31 décembre 2008 par lequel le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à la revalorisation et à la réversion de la pension militaire d'invalidité de M. E et l'article 5 de cette ordonnance par lequel, après avoir annulé la décision du ministre de la défense statuant sur la demande de revalorisation de la pension concédée à Mme C, en tant qu'elle ne procédait à cette revalorisation qu'à compter du 15 octobre 1999 et enjoint à l'Etat de verser à l'intéressée pour la période postérieure au 1er janvier 1997 une somme égale aux arrérages correspondant à la différence entre le montant de la pension de réversion revalorisée à compter du 1er janvier 1997 et celui déjà versé, il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ;

Vu la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 ;

Vu la décision n° 2001-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Bertrand, avocat de M. D et de Mme C,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bertrand, avocat de M. D et de Mme C ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après la constatation par décision judiciaire du décès de M. E, sous-lieutenant de l'armée française porté disparu en service le 22 avril 1962, sa veuve, Mme C, ressortissante algérienne, a obtenu la concession, d'une part, d'une pension militaire d'invalidité par un arrêté en date du 3 août 1966 et, d'autre part, d'une pension militaire de retraite par un arrêté du 12 septembre 1966, cristallisées aux taux en vigueur au 3 juillet 1962 ; que, par un courrier du 3 septembre 2001, reçu par l'administration le 15 octobre 2001, Mme C a sollicité la décristallisation du taux de ses pensions à compter du 3 juillet 1962 ; que, par un arrêté du 15 décembre 2003, le ministre de la défense a révisé le taux de ces pensions mais n'a procédé à la liquidation des arrérages correspondants qu'à compter du 15 octobre 1999 ; que, par une ordonnance du 31 décembre 2008, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de Mme C et de M. D, son fils, après s'être déclaré incompétent pour statuer sur cette demande en tant qu'elle était relative à la revalorisation de la pension militaire d'invalidité, a annulé l'arrêté ministériel du 15 décembre 2003 en tant qu'il avait limité la liquidation des arrérages dus au titre de la pension de retraite aux deux années précédant la date de dépôt de la demande, ordonné qu'ils soient liquidés pour la période allant du 1er janvier 1997 au 15 octobre 1999 et rejeté le surplus de la demande ; que Mme C et M. D se pourvoient en cassation contre cette ordonnance en tant qu'elle leur est défavorable ; que, par la voie du pourvoi incident, le ministre de la défense et des anciens combattants conclut à son annulation en tant qu'elle ordonne la revalorisation de la pension concédée à Mme C à compter du 1er janvier 1997 et la liquidation des arrérages dus pour la période du 1er janvier 1997 au 15 octobre 1999 ;

Sur le pourvoi principal :

Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans leur rédaction issue de la loi du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant diverses dispositions relatives à la défense, que les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre 1er de ce code, relatif aux pensions militaires d'invalidité, sont jugées en premier et dernier ressort par le tribunal départemental des pensions ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 1er de l'ordonnance attaquée, par lequel les conclusions de leur demande tendant à la revalorisation de la pension militaire d'invalidité qui a été concédée à Mme C du chef de son époux décédé, ont été rejetées par le vice-président de la 5e section du tribunal administratif de Paris comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions dirigées contre l'article 5 de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, en vigueur à la date d'ouverture des droits à pension de Mme C, dans sa rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962, applicable à l'intéressée eu égard à la date de sa demande de décristallisation : " Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension " ; que les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ;

4. Considérant que les requérants soutiennent que le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif a entaché son ordonnance d'erreur de droit en estimant que les droits à revalorisation de la pension étaient prescrits pour la période antérieure au 1er janvier 1997 ; que le tribunal a relevé que si le IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 avait réservé l'application de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, il avait néanmoins prévu que le dispositif spécifique s'appliquait sous réserve des contentieux présentés, en définitive, devant les tribunaux avant le 5 novembre 2003 ; qu'il en a déduit que les dispositions de l'article L. 74 n'étaient pas applicables à Mme C ; qu'il a cependant opposé à cette dernière les règles relatives à la prescription quadriennale prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics et rejeté, pour ce motif, sa demande tendant à la revalorisation du taux de sa pension pour la période du 3 juillet 1962 au 15 octobre 1997 ;

5. Considérant, toutefois, que l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 n'a eu ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application aux litiges tels que celui porté devant le juge par Mme C et M. D des dispositions de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'opposant au rappel de plus de deux années d'arrérages d'une pension cristallisée à compter de la date du dépôt de la demande de revalorisation de cette pension ; que le tribunal a relevé qu'il était constant que l'administration avait reçu le 15 octobre 2001 la demande de Mme C tendant à la décristallisation du taux de sa pension ; que, dès lors, la créance était prescrite pour la période antérieure au 15 octobre 1999 ; que, par suite, il y a lieu de substituer au motif erroné retenu par le tribunal pour rejeter la demande de Mme C et de M. D pour la période antérieure au 1er janvier 1997 et tiré de la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, le motif, qui ne nécessite l'appréciation d'aucune circonstance de fait, tiré de la prescription biennale prévue par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

6. Considérant, d'autre part, que les requérants font valoir que le tribunal ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, rejeter leur demande relative au bénéfice de la pension militaire de retraite de M. E, dès lors qu'en leur qualité d'héritiers de ce dernier, ils justifiaient d'une créance devant être regardée comme un bien ; que toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu'en raison du caractère personnel d'une pension de retraite, celle-ci n'est due qu'au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s'est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu'un refus définitif ne lui ait été opposé ; que le tribunal a relevé que M. E était décédé le 22 avril 1962, antérieurement à la mise en oeuvre des mesures de cristallisation des pensions des anciens militaires originaires d'Algérie, et que ses droits se sont éteints à la date de son décès ; qu'il en a déduit que ni Mme C, ni M. D, n'avaient un intérêt à agir, en leur qualité d'héritiers, pour demander la revalorisation de la pension militaire de retraite qui était personnellement servie à M. E et le paiement des arrérages correspondants ; qu'en statuant ainsi, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme C, et de M. D, dont le pourvoi incident formé contre le même article de l'ordonnance attaquée a d'ailleurs été rejeté par la décision n° 325528 du 6 décembre 2011 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, doit être rejeté, y compris leurs conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à leur avocat de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur le pourvoi incident du ministre de la défense et des anciens combattants :

8. Considérant que, par la décision précitée du 6 décembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a fait droit au pourvoi principal du ministre de la défense et des anciens combattants ; qu'il a annulé les articles 2, 3 et 4 de l'ordonnance attaquée puis, réglant l'affaire au fond, a rejeté la demande présentée par Mme C et M. D tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2003 du ministre de la défense en tant qu'il a refusé de revaloriser la pension de militaire de retraite servie pour la période antérieure au 15 octobre 1999 et à la liquidation des arrérages correspondants ; que, par suite, les conclusions du pourvoi incident du ministre sont devenues sans objet ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme C et de M. D est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident du ministre de la défense et des anciens combattants.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Zohra C, à M. Mohamed D et au ministre de la défense.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338148
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2012, n° 338148
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gilles Bachelier
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:338148.20121115
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