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21/11/2012 | FRANCE | N°355628

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 21 novembre 2012, 355628


Vu le pourvoi, enregistré le 6 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1005598 du 29 novembre 2011 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 17 avril 1990 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concédant à M. Michel A une pension de retraite en ce qu'il ne prenait pas en compte la bonification pour enfants mentionnée au b) de l'

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Vu le pourvoi, enregistré le 6 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1005598 du 29 novembre 2011 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 17 avril 1990 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concédant à M. Michel A une pension de retraite en ce qu'il ne prenait pas en compte la bonification pour enfants mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, enjoint au ministre de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. A lui a été concédée tout en procédant à la revalorisation rétroactive de cette pension à compter du 1er janvier 2006, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

1. Considérant que les écritures de M. A, qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, bien que l'intéressé ait été informé de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats ;

2. Considérant que l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne, applicable au litige, devenu l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne puis l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, énonce un principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins ; que si ce principe s'oppose à ce qu'une bonification pour le calcul d'une pension de retraite accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus de son bénéfice, il résulte des stipulations du protocole n° 2 sur l'article 119 précité que des prestations versées en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national ; que ces limitations dans le temps de l'effet direct de l'article 119 précité font obstacle à ce que soit satisfaite une demande se rapportant à un droit à pension ouvert pendant la période qui va du 1er janvier 1962, date de l'entrée en vigueur de cet article, au 17 mai 1990 et se rapportant à des périodes d'emploi antérieures à cette dernière date ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la pension versée à M. A, qui lui a été accordée par arrêté du 17 avril 1990, se rapporte à des périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990 ; que, par suite, il ne peut se voir appliquer le principe d'égalité des rémunérations au sens des stipulations de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne ; que l'intéressé, qui n'avait pas introduit de demande avant le 17 mai 1990, ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour faire obstacle à l'application du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date de la liquidation de sa pension, en ce qu'il réservait aux femmes fonctionnaires le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant ; que, dès lors, en annulant l'arrêté du 17 avril 1990 concédant à M. A sa pension de retraite en tant qu'il ne prenait pas en compte cette bonification, le président de la première chambre du tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 29 novembre 2011 attaquée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A ne peut utilement se prévaloir du principe d'égalité de rémunération affirmé par les stipulations de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne pour faire obstacle à l'application du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable à la date de la liquidation de sa pension en ce qu'il réserve aux femmes fonctionnaires le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 1990 en tant qu'il ne prend pas en compte le bénéfice de cette bonification doivent être rejetées ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 novembre 2011 du président de la première chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : la présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. Michel A.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 355628
Date de la décision : 21/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2012, n° 355628
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:355628.20121121
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