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20/12/2012 | FRANCE | N°361648

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 20 décembre 2012, 361648


Vu le pourvoi, enregistré le 3 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la commune de Saint-Maur-des-Fossés, représentée par son maire ; la commune de Saint-Maur-des-Fossés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204967/10 du 18 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement des articles L.554-12 et L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 27 juin 2011 par lequel le préfet du Val-de-Marne a autori

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Vu le pourvoi, enregistré le 3 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la commune de Saint-Maur-des-Fossés, représentée par son maire ; la commune de Saint-Maur-des-Fossés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204967/10 du 18 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement des articles L.554-12 et L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 27 juin 2011 par lequel le préfet du Val-de-Marne a autorisé la société Eiffage travaux publics à exploiter, au port autonome de Bonneuil-sur-Marne, une centrale d'enrobage au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension dudit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Eiffage travaux publics,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Eiffage travaux publics ;

1. Considérant que par un arrêté du 27 juin 2011, le préfet du Val-de-Marne a autorisé la société Eiffage travaux publics à exploiter, au port autonome de Bonneuil-sur-Marne, une centrale d'enrobage au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ; que par une ordonnance du 18 juillet 2012, contre laquelle la commune de Saint-Maur-des-Fossés se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement des articles L. 554 -12 et L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de cet arrêté ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que la note en délibéré qu'aurait produite la société Eiffage Travaux Publics postérieurement à l'audience de référé ait été transmise et enregistrée par le greffe du tribunal administratif ; que, par suite, le défaut de visa de cette note ne saurait entacher d'irrégularité l'ordonnance attaquée ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance en tant qu'elle statue sur la demande présentée sur le fondement de l'article L. 554-12 du code de justice administrative :

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-12 du code de l'environnement, reproduits à l'article L. 554-12 du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable au présent litige et antérieure à la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci " ;

4. Considérant, en premier lieu, que, conformément aux articles 236 et 241 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour le logement, l'article L. 123-16 du code de l'environnement, auquel renvoie depuis le 1er juin 2012 l'article L. 554-12 du code de justice administrative, a repris, sans modification, les dispositions de l'article L. 123-12 du code de l'environnement, dans leur rédaction antérieure à cette loi ; que la circonstance que le juge des référés du tribunal administratif se soit référé à l'article L. 123-16 du code de l'environnement au lieu de l'article L. 123-12 est, en raison du contenu identique des dispositions évoquées, sans incidence sur le bien-fondé du raisonnement du juge des référés, non plus que sur la régularité de son ordonnance ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le commissaire-enquêteur chargé de conduire l'enquête publique sur la demande d'autorisation présentée par la société Eiffage pour l'exploitation, au port autonome de Bonneuil-sur-Marne, d'une centrale d'enrobage, a assorti son avis de deux réserves explicites tendant à ce que soient prises en compte, d'une part, les préconisations de la direction des services de l'environnement et de l'assainissement du département du Val-de-Marne concernant notamment la gestion des eaux de différentes natures et les risques de pollutions accidentelles et, d'autre part, les dix mesures préconisées par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris pour protéger le site en cas d'incendie ; que c'est par une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation et une motivation suffisante que le juge des référés a estimé, pour rejeter les conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 554-12 du code de justice administrative, que les nombreuses prescriptions contenues dans l'arrêté du 27 juin 2011 permettaient de considérer que les deux réserves émises par le commissaire-enquêteur étaient levées et que l'avis demeurait favorable ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance en tant qu'elle statue sur la demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

7. Considérant que, pour rejeter les conclusions présentées par la commune de Saint-Maur-des-Fossés sur le fondement de ces dispositions, le juge des référés du tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce que la commune n'apportait pas de justifications suffisantes de nature à établir l'existence d'une situation d'urgence ; que pour fonder son appréciation, le juge des référés a relevé que la commune se bornait à produire de nombreux témoignages de personnes, résidant à une plus ou moins grande distance de l'installation en cause, faisant état principalement des craintes pour l'atteinte à la santé publique et à l'environnement engendrées par le fonctionnement de cet équipement ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune a également produit le procès-verbal du constat d'un huissier qui, à sa demande, avait procédé à des relevés pour établir l'existence de nuisances liées à la centrale ; que, dès lors, en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'une situation d'urgence, que la commune s'était contentée de produire des témoignages de riverains de l'installation, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a dénaturé les pièces du dossier ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la commune de Saint-Maur-des-Fossés est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

9. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la commune de Saint-Maur-des-Fossés ;

Sur la demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;

11. Considérant que pour justifier l'urgence à suspendre l'arrêté préfectoral litigieux, la commune de Saint-Maur-des-Fossés soutient que les rejets atmosphériques qui émanent de l'installation et les rejets d'eaux pluviales dans la Marne portent atteinte à la santé des riverains et à l'environnement ; qu'à cet effet, elle produit de nombreux témoignages de riverains de l'installation se plaignant de désagréments, notamment olfactifs, qu'ils attribuent aux rejets atmosphériques de la centrale d'enrobage et le procès-verbal d'un constat d'huissier qui fait état, à différents moments de la journée, de panaches de fumée s'échappant de la cheminée de la centrale d'enrobage et concomitamment d'une odeur de bitume dans l'air ambiant à proximité de la centrale ; que, toutefois, compte tenu des conditions de fonctionnement de la centrale d'enrobage et des prescriptions auxquelles l'arrêté litigieux soumet son activité, de l'emplacement de la centrale en zone urbaine et à proximité immédiate d'autres installations susceptibles d'engendrer des nuisances, les différentes pièces produites par la commune ne font pas apparaitre d'éléments suffisamment précis et concordants relatifs à la réalité des nuisances et des risques sérieux pour la santé publique et l'environnement que pourrait entraîner dans l'immédiat le fonctionnement de l'installation classée en cause ; que, par suite, la commune n'établit pas que l'exécution de l'arrêté caractérisait une situation d'urgence ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Maur-des-Fossés n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral litigieux ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Saint-Maur-des-Fossés ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Eiffage travaux publics au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 18 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée en tant qu'elle a rejeté la demande présentée par la commune de Saint-Maur-des-Fossés au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande de la commune de Saint-Maur-des-Fossés présentée au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Eiffage travaux publics présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la commune de Saint-Maur-des-Fossés est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Maur-des-Fossés, à la société Eiffage travaux publics et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 361648
Date de la décision : 20/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2012, n° 361648
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nadia Bergouniou-Gournay
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:361648.20121220
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