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25/03/2013 | FRANCE | N°349227

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 25 mars 2013, 349227


Vu le pourvoi, enregistré le 11 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10/00004 du 10 mars 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Nancy a confirmé le jugement du 25 janvier 2010 du tribunal départemental des pensions de la Meuse accordant à M. A...B...la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de terre sur la base

de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la m...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10/00004 du 10 mars 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Nancy a confirmé le jugement du 25 janvier 2010 du tribunal départemental des pensions de la Meuse accordant à M. A...B...la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant-chef de l'armée de terre sur la base de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale à compter du 5 mars 2009 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.B...,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;

Sur le pourvoi principal du ministre de la défense et des anciens combattants :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...). / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. / (...) / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances. " ; que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, les décisions prises en vertu du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 précité ainsi que la décision prise en vertu du deuxième alinéa du même article, sauf si celle-ci a simplement confirmé la décision primitive prise en vertu du premier alinéa ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

2. Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de la pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à la personne du pensionné, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité sur le fondement de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en écartant la fin de non-recevoir opposée par le commissaire du gouvernement, tirée de la forclusion de la demande de M. B... tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, sans examiner si l'intéressé était encore recevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé cette pension, à en solliciter la remise en cause pour le motif tiré de l'illégalité de la différence de traitement pratiquée entre les sous-officiers de la marine nationale et ceux des autres armées, la cour régionale des pensions de Nancy a commis une erreur de droit ;

4. Mais considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, issu du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle oppose au pensionné la tardiveté de son recours, de justifier devant le juge de la date à laquelle elle a notifié la décision invoquée et, si celle-ci est postérieure à la date d'entrée en vigueur du décret du 28 novembre 1983 précité, du respect des formes prescrites pour cette notification par l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, tel que modifié par ce décret ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 27 novembre 1990 ayant concédé à M. B...sa pension militaire d'invalidité lui ait été notifié avec l'indication des voies et des délais de recours ; qu'ainsi, la notification de cette décision n'a pu faire courir le délai du recours contentieux ; que, par suite, ce délai n'était pas expiré lorsque M. B...a saisi, le 5 mars 2009, le tribunal départemental des pensions de la Meuse de son recours tendant, d'une part, à contester le refus implicite opposé à sa demande de revalorisation de sa pension, d'autre part, à obtenir la réformation de l'arrêté lui ayant concédé cette pension ; que ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif sur ce point ;

6. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée ; que ces modalités de mise en oeuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation des militaires qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps d'appartenance ;

7. Considérant que le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige, fixait les indices de pension d'invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale ; que le ministre de la défense et des anciens combattants n'invoque pas de considérations d'intérêt général de nature à justifier que le montant de la pension militaire d'invalidité concédée diffère, à grades équivalents, selon les corps d'appartenance des bénéficiaires des pensions ; que, par suite, en estimant que le décret du 5 septembre 1956 était contraire, sur ce point, au principe d'égalité, la cour régionale des pensions de Nancy n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le ministre de la défense et des anciens combattants n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident de M.B... :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages, afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures. " ;

10. Considérant qu'après avoir énoncé à bon droit qu'en application de ces dispositions, M. B... peut prétendre aux arrérages de sa pension revalorisée afférents à l'année au cours de laquelle sa demande a été présentée ainsi qu'aux trois années antérieures, la cour régionale des pensions de Nancy a infirmé la décision des premiers juges ayant fixé la prise d'effet de cette revalorisation indiciaire au 1er janvier 2003 et fixé cette prise d'effet au 5 mars 2009, date de la saisine par l'intéressé du tribunal départemental des pensions de la Meuse ; qu'en statuant de la sorte, la cour a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il infirme la disposition du jugement attaqué fixant la prise d'effet de la revalorisation de la pension de M. B... au 1er janvier 2003 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

12. Considérant que M. B...a demandé par lettre du 31 mars 2006 à l'administration, la revalorisation de sa pension ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. B...peut prétendre, en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, aux arrérages de sa pension revalorisée afférents à l'année au cours de laquelle il a présenté sa demande de revalorisation ainsi qu'aux trois années antérieures, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2003 ;

Sur les conclusions de M. B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Waquet-Farge-Hazan, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros à verser à cette société ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de la défense et des anciens combattants est rejeté.

Article 2 : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Nancy du 10 mars 2011 est annulé en tant qu'il fixe au 5 mars 2009 la date de prise d'effet de la revalorisation de la pension militaire d'invalidité servie à M.B....

Article 3 : La date d'effet de la revalorisation de la pension militaire d'invalidité servie à M. B... est fixée au 1er janvier 2003.

Article 4 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de la Meuse du 25 janvier 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat de M. B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 349227
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 349227
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Guichon
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:349227.20130325
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