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25/03/2013 | FRANCE | N°351602

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 25 mars 2013, 351602


Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10/00007 du 28 juin 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Limoges a confirmé le jugement du 7 juillet 2010 du tribunal départemental des pensions de la Corrèze accordant à M. B...A...la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au grade de maréchal des logis-chef d

e la gendarmerie, en fonction de l'indice afférent au grade équivalent ...

Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10/00007 du 28 juin 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Limoges a confirmé le jugement du 7 juillet 2010 du tribunal départemental des pensions de la Corrèze accordant à M. B...A...la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au grade de maréchal des logis-chef de la gendarmerie, en fonction de l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal départemental des pensions militaire de la Corrèze ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Guichon, Maître des Requête en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...). / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. / (...) / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances. " ; que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, les décisions prises en vertu du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 précité ainsi que la décision prise en vertu du deuxième alinéa du même article, sauf si celle-ci a simplement confirmé la décision primitive prise en vertu du premier alinéa ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

2. Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de la pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à la personne du pensionné, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité sur le fondement de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent dans la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a demandé le 31 juillet 2009 au ministre de la défense et des anciens combattants de recalculer la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée par arrêté du 9 mai 1978 en fonction de l'indice, plus favorable, afférent au grade équivalent dans la marine nationale ; que, par lettre du 1er septembre 2009, le ministre lui a répondu que l'administration recherchait les moyens de donner suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence d'autre réponse, M. A... a présenté un recours contre ce qu'il a estimé être un rejet implicite de son recours, devant le tribunal départemental des pensions de la Corrèze qui, par jugement du 7 juillet 2010, a fait droit à sa demande ; que, sur appel du ministre, la cour régionale des pensions de Limoges a confirmé le jugement et accordé la revalorisation de sa pension à compter 12 juin 2009 ;

4. Considérant que, pour écarter la fin de non-recevoir opposée devant elle par le ministre de la défense et des anciens combattants, tirée de la forclusion de la demande de M. A..., la cour s'est fondée sur la circonstance que la notification de l'arrêté du 9 mai 1978 ne mentionnait pas les voies et délais de recours ouverts contre cette décision, de sorte que le délai de recours contentieux prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959 n'avait pu courir ; que, pour ce faire, la cour s'est implicitement fondée sur les dispositions du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 aux termes duquel : " les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; que, cependant, ces dispositions, qui ont été rajoutées à l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 par le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, ne sont entrées en vigueur que six mois après la date de publication de ce décret, soit le 4 juin 1984 ; qu'ainsi, en en faisant application à une notification diligentée avant cette date, la cour régionale des pensions de Limoges a méconnu le champ d'application du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense et des anciens combattants est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La notification des décisions prises en vertu de l'article L. 24, premier alinéa, du présent code, doit mentionner que le délai de recours contentieux court à partir de cette notification et que les décisions confirmatives à intervenir n'ouvrent pas de nouveau délai de recours " ; que, d'autre part, lorsque, postérieurement à la concession initiale de la pension, les bases de la liquidation viennent à être modifiées par une nouvelle décision, notamment par un arrêté portant, en application de l'article L. 29 du même code, révision de la pension pour aggravation d'une ou plusieurs des infirmités pensionnées, le délai de six mois imparti par l'article 5 du décret du 20 février 1959 pour contester les conditions de concession de la pension pour un motif autre que ceux limitativement énumérés à l'article L. 78 du même code, notamment en cas d'erreur de droit, n'est rouvert, à compter de la date à laquelle cette nouvelle décision est notifiée, que pour ceux des éléments de la liquidation ayant fait l'objet de la révision ; qu'ainsi, ce délai de recours contentieux court à compter du jour où la décision primitive, prise en application du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, a été notifiée au pensionné dans les formes prévues à l'article L. 25 du même code ou, à défaut, à compter du jour où l'arrêté par lequel cette pension a été concédée à titre définitif, en application du deuxième alinéa du même article L. 24, a été régulièrement notifié à l'intéressé, c'est-à-dire, pour les notifications postérieures à l'entrée en vigueur du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 dont est issu le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, avec la mention des délais et voies de recours ; que, lorsque le délai de recours contentieux ouvert contre l'arrêté portant concession de la pension à titre définitif, par confirmation ou modification de la décision primitive, est expiré, la notification ultérieure d'un arrêté portant révision du taux de cette pension ne peut avoir pour effet de rouvrir ce délai en vue de contester l'application du barème indiciaire sur le fondement duquel avait déjà été initialement concédée la pension, par le moyen tiré du caractère discriminatoire de ce barème ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle oppose à l'intéressé la tardiveté de son recours, de justifier devant le juge de la date à laquelle elle a notifié la décision contestée et du respect des formes prescrites pour cette notification par les dispositions législatives et règlementaires en vigueur ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est au demeurant pas allégué, que la décision primitive de concession de la pension d'invalidité de M. A..., prise en vertu du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ait été notifiée à l'intéressé dans les formes prescrites par l'article L. 25 du même code ; que, cependant, il résulte de l'instruction que l'arrêté du 9 mai 1978 par lequel l'administration a révisé cette pension en portant son taux à 100% a, quant à lui, été régulièrement notifié à M. A... au regard des dispositions alors en vigueur qui, comme il a été dit ci-dessus, n'imposaient pas encore que la notification de toute décision administrative mentionne les voies et délais de recours ouverts contre cette décision ; que, par suite le délai de recours contentieux a, en tout état de cause, commencé à courir, au plus tard à compter de la notification, le 8 juin 1978, de l'arrêté du 9 mai 1978 ; que le courrier que M. A... a adressé à l'administration le 31 juillet 2009 en vue d'obtenir la revalorisation de sa pension et qui devait être regardé comme un recours gracieux contre l'arrêté du 9 mai 1978 a été présenté après l'expiration du délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que, par suite, le recours contentieux que l'intéressé a formé devant le tribunal départemental des pensions de la Corrèze, le 12 juin 2009, en vue, d'une part, de contester le refus implicite opposé à sa demande de revalorisation, d'autre part, d'obtenir la réformation de l'arrêté du 9 mai 1978 révisant sa pension, était tardif ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense et des anciens combattants est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions a fait droit à la demande de M.A... ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Limoges du 28 juin 2011 et le jugement du tribunal départemental des pensions de la Corrèze du 7 juillet 2010 sont annulés.

Article 2 : La requête présentée par M. A...devant le tribunal départemental des pensions de la Corrèze est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 351602
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2013, n° 351602
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Guichon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:351602.20130325
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