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08/04/2013 | FRANCE | N°334941

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 08 avril 2013, 334941


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2009 et 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mirabeau, dont le siège est Lieu-dit Château l'Arc, chemin Maurel, Bastide du Golf, à Fuveau (13710), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02738 du 23 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0203576 du 12 mai 2005 par leq

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2009 et 23 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mirabeau, dont le siège est Lieu-dit Château l'Arc, chemin Maurel, Bastide du Golf, à Fuveau (13710), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02738 du 23 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0203576 du 12 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Fuveau soit condamnée à lui verser une somme de 105 153,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1998 et capitalisation des intérêts et, d'autre part, à la condamnation de cette commune à lui verser cette somme ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à charge de la commune de Fuveau la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Mirabeau et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Fuveau,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la société Mirabeau et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Fuveau ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mirabeau est propriétaire d'un ensemble de biens immobiliers situés au lieu-dit Les Hameaux de Château l'Arc, sur le territoire de la commune de Fuveau (Bouches-du-Rhône) ; que cette société a obtenu, le 19 août 1997, un permis de construire ayant pour objet un bâtiment destiné à accueillir un centre de formation ; qu'un permis de construire modificatif, délivré le 28 septembre 1998, et la convention annexée à ce permis conclue entre la société Mirabeau, la commune de Fuveau et celle, voisine, de Rousset, ont prévu le raccordement au réseau public d'assainissement de la commune de Rousset de l'ensemble constitué par ce dernier bâtiment et ceux précédemment édifiés par les sociétés auxquelles la société requérante a succédé ; que le permis du 28 septembre 1998 a mis à la charge de la société une participation pour raccordement à l'égout, sur le fondement de l'article L. 35-4 du code de la santé publique alors en vigueur, et une participation à la réalisation des équipements des services publics industriels ou commerciaux concédés, affermés ou exploités en régie, sur le fondement du d) du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur, pour un montant total de 689 758,62 francs toutes taxes comprises ; que, par l'arrêt attaqué du 23 octobre 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du tribunal administratif de Marseille qui avait rejeté la demande de la société Mirabeau tendant à la répétition de ces sommes ;

2. Considérant que, devant la cour, la société Mirabeau a fait valoir que les participations en litige avaient été indûment perçues, dès lors qu'elle avait elle-même fait réaliser par l'entreprise Colas les travaux de raccordement au réseau d'assainissement, objet de la convention et du permis modificatif du 28 septembre 1998 ; que, par une note en délibéré, produite le 22 octobre 2009, elle a de nouveau soutenu que, s'il était initialement prévu que les travaux seraient réalisés par la société des Eaux de Marseille qui, à cet effet, avait reçu les participations litigieuses, c'est en réalité elle-même qui les avait pris en charge ; que la cour, après avoir jugé qu'aucune pièce versée au dossier ne permettait de déterminer que le raccordement à l'égout avait été réalisé pour son compte par la société Colas, a estimé devoir prendre en considération cette note en délibéré, sans pour autant rouvrir l'instruction, et a jugé que la circonstance, alléguée dans cette note, que les travaux auraient été payés par la commune à la société des Eaux de Marseille relevait d'un litige distinct de celui porté devant elle ; qu'en statuant ainsi, par un motif qui, contrairement à ce que soutient la commune, n'était pas surabondant, la cour s'est méprise sur la portée de l'argumentation dont elle était saisie ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations versées par la société Mirabeau :

4. Considérant que, dès lors que la société Mirabeau a fondé son action dirigée contre la commune de Fuveau sur la répétition de sommes que celle-ci aurait indûment perçues, elle ne saurait réclamer, à ce titre, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations qu'elle a versées, cette taxe n'ayant pas été perçue au bénéfice de la commune ;

Sur les participations perçues pour le compte de la commune de Rousset :

5. Considérant que la société Mirabeau s'est acquittée des participations litigieuses par un versement à la société des Eaux de Marseille, gestionnaire du réseau public d'eau potable et d'assainissement auquel le raccordement était prévu ; que la société des Eaux de Marseille les a perçues tant pour le compte de la commune de Fuveau que pour celui de la commune de Rousset, à hauteur respectivement de 89 939 francs hors taxes pour la première et 482 000,62 francs hors taxes pour la seconde ; que, par suite, et alors même que le montant global des participations a été fixé par un permis de construire délivré par le maire de Fuveau, la société Mirabeau n'est pas fondée à exercer contre la commune de Fuveau une action en répétition de participations que celle-ci n'a pas reçues et qui ont été perçues par une société tierce agissant pour le compte d'une autre commune ;

Sur les participations encaissées pour le compte de la commune de Fuveau :

En ce qui concerne la participation pour raccordement à l'égout :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 35-4 du code de la santé publique, alors en vigueur : " Les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service de l'égout auquel ces immeubles doivent être raccordés peuvent être astreints par la commune, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire, à verser une participation s'élevant au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose d'une telle installation. / Une délibération du conseil municipal détermine les conditions de perception de cette participation " ; qu'eu égard à son objet et aux termes de ces dispositions, la participation ainsi prévue ne saurait, sans double emploi, être imposée au propriétaire ou au constructeur de l'immeuble, lorsque celui-ci a déjà contribué, en vertu d'obligations mises à sa charge par l'autorité publique, au financement d'installations collectives d'évacuation ou d'épuration pour un montant égal ou supérieur au maximum légal prévu par le même article L. 35-4 ; qu'en revanche, la participation reste due lorsque le propriétaire ou le constructeur de l'immeuble a seulement contribué à l'exécution, même sous la voie publique, d'ouvrages qui, étant destinés à la conduite des eaux usées de l'immeuble vers l'égout public existant, lui évitent d'avoir à procéder à une installation individuelle ;

7. Considérant que si la société requérante soutient qu'elle a dû faire réaliser à ses frais les travaux de raccordement de l'ensemble immobilier de Château l'Arc au réseau d'assainissement de la commune de Rousset, il résulte de l'instruction que ces travaux ont été réalisés postérieurement à la mise en service de ce réseau et se sont limités à la conduite d'eaux usées vers cet ouvrage public ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la participation mise à sa charge aurait fait double emploi avec les travaux qu'elle a réalisés et à en demander le remboursement pour ce motif ;

En ce qui concerne la participation à la réalisation des équipements des services publics industriels ou commerciaux concédés, affermés ou exploités en régie :

8. Considérant que l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme prévoit que les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations qu'il mentionne ; qu'au titre de ces obligations figurait " la participation demandée pour la réalisation des équipements des services publics industriels ou commerciaux concédés, affermés ou exploités en régie rendus nécessaires pour la réalisation de l'opération ", mentionnée par le d) du 2° de l'article L. 332-6-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, qui précisait en outre que : " Lorsque la capacité de ces équipements excède les besoins de l'opération, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à sa charge " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une telle participation ne peut être réclamée que si l'opération objet de l'autorisation de construire rend nécessaire la réalisation d'équipements, et à due proportion des besoins de cette opération ;

9. Considérant que la société requérante soutient que ni la commune de Fuveau ni la Société des Eaux de Marseille agissant pour le compte de cette dernière n'ont réalisé d'équipements pour les besoins de l'ensemble immobilier objet du permis de construire ; que la commune de Fuveau se borne à soutenir que la société Mirabeau n'apporte pas la preuve de ses allégations, sans faire état d'aucune charge quelconque supportée par elle-même ou la Société des Eaux de Marseille en contrepartie de la participation qu'elle a encaissée ni d'aucun équipement rendu nécessaire par l'opération ; que, dans ces conditions, la société Mirabeau est fondée à soutenir que la participation mentionnée par le d) du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme a été indûment perçue et à demander à la commune de Fuveau le remboursement de la somme correspondante de 59 634,63 francs hors taxe, soit 9 091,24 euros, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, alléguée par cette dernière, qu'elle l'aurait remboursée à la Société des Eaux de Marseille ;

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

10. Considérant que la société Mirabeau, qui demande le versement des intérêts sur la somme dont elle réclame la restitution, a introduit sa demande de remboursement le 17 décembre 2001 et que celle-ci a été reçue le 21 décembre 2001 ; qu'ainsi, elle a droit aux intérêts au taux légal à compter de cette dernière date ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée le 24 juillet 2002 devant le tribunal administratif de Marseille ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 21 décembre 2002, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

11. Considérant en revanche que, si la société Mirabeau est fondée à demander la répétition de la participation mentionnée par le d) du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que celle-ci ne peut être regardée comme sans cause, au sens de l'article L. 332-30 du même code ; que par suite, la société requérante ne peut prétendre à la majoration de cinq points du taux légal prévue par le dernier alinéa de cet article ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Mirabeau est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant au remboursement de la participation à la réalisation des équipements des services publics industriels ou commerciaux concédés, affermés ou exploités en régie perçue par la commune de Fuveau ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fuveau le versement à la société Mirabeau d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle au versement à la commune de Fuveau de la somme qu'elle demande au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 23 octobre 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La commune de Fuveau versera à la société Mirabeau la somme de 9 091,24 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2001. Les intérêts échus le 21 décembre 2002 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : La commune de Fuveau versera à la société Mirabeau une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Mirabeau est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Fuveau présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Mirabeau et à la commune de Fuveau.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334941
Date de la décision : 08/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2013, n° 334941
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:334941.20130408
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