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07/05/2013 | FRANCE | N°364833

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 07 mai 2013, 364833


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2012 et 11 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département de Paris, représenté par le président du conseil général, et la ville de Paris, représentée par son maire ; le département et la ville demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1220029/7-4 du 12 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur la demande de la société Sel Bio Paris Ouest en application de l'article L. 551-1 du

code de justice administrative, a annulé l'ensemble de la procédure engagée l...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2012 et 11 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département de Paris, représenté par le président du conseil général, et la ville de Paris, représentée par son maire ; le département et la ville demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1220029/7-4 du 12 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur la demande de la société Sel Bio Paris Ouest en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé l'ensemble de la procédure engagée le 23 mai 2012 ayant conduit à l'attribution des lots n° 1 et n° 2 du marché de collecte des prélèvements, d'analyse médicale et d'interprétation des résultats du département et de la ville de Paris et a enjoint aux collectivités parisiennes, si elles entendaient attribuer ce marché, de reprendre l'entière procédure en se conformant à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Sel Bio Paris Ouest ;

3°) de mettre à la charge de la société Sel Bio Paris Ouest le versement des sommes de 5 000 euros et 35 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner à supporter les entiers dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Foussard, avocat du département de Paris et de la ville de Paris, et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Sel Bio Paris Ouest ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut être saisi, avant la conclusion d'un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d'un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que le 23 mai 2012, le département de Paris et la ville de Paris ont lancé une consultation en procédure adaptée sur le fondement des articles 28 et 30 du code des marchés publics tendant à l'attribution de prestations relatives à l'activité de collecte, de transport, d'analyse et d'interprétation des résultats des analyses sanguines et biologiques réalisées dans les centres de santé des collectivités parisiennes, réparties en deux lots ; que la société Sel Bio Paris Ouest, qui n'a été admise à la phase de négociation pour aucun de ces deux lots, a contesté son éviction et l'attribution des deux lots au centre biologique du Chemin Vert et a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; que par l'ordonnance attaquée du 12 décembre 2012, le juge des référés a annulé l'ensemble de la procédure ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le mémoire produit devant lui par la société Sel Bio Paris Ouest le 7 décembre 2012 ne faisait état d'aucune circonstance de fait ou de droit rendant nécessaire la réouverture de l'instruction ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Considérant que pour annuler la procédure litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a retenu plusieurs manquements, portant à la fois sur la " pondération manifestement excessive du critère prix " et sur " la méthodologie retenue pour apprécier ce critère " qui ne " permettaient pas au pouvoir adjudicateur d'identifier dans le respect de ses obligations de publicité et de mise en concurrence les " quatre offres les plus intéressantes des candidats appelés à la négociation " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique " Sous réserve des accords ou conventions susceptibles d'être passés avec des régimes ou des organismes d'assurance maladie ou des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire (...) les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale prise en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en dehors des exceptions prévues par le code de la santé publique, la facturation des examens de biologie médicale ne sont susceptibles de donner lieu à aucune forme de remise de la part des entités en assurant l'exécution ; que, dès lors, lorsqu'un pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence afin d'attribuer un marché de prestations d'analyse médicale, le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres ;

6. Considérant qu'après avoir relevé que les prestations d'analyses soumises à la nomenclature, dont la facturation ne pouvaient faire l'objet d'aucune forme de remise en application des dispositions précitées du code de la santé publique, représentaient la majeure partie du prix total du marché litigieux et que leur prix s'imposait ainsi tant aux candidats qu'au pouvoir adjudicateur, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit et par une appréciation exempte de dénaturation, notamment sur le caractère marginal et accessoire des prestations susceptibles d'être facturées, que le critère du prix n'était pas pertinent pour départager les offres et que sa pondération à hauteur de 40 % de la note finale était manifestement excessive ; que, si l'ordonnance énonce au surplus que le coût des prestations accessoires telles que le ramassage des échantillons, le traitement administratif des dossiers et les heures de formation n'avaient pas vocation à être facturées aux collectivités parisiennes, ces motifs, quel que soit leur bien fondé, présentent un caractère surabondant et ne justifient pas la cassation demandée ;

7. Considérant que le moyen tiré de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant que la méthode de sélection des quatre candidats avait pu vicier la procédure ne peut qu'être écarté dès lors que l'ordonnance attaquée se borne à constater, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des erreurs entachant les offres, le pouvoir adjudicateur ne pouvait identifier les " quatre offres les plus intéressantes " admises à la négociation ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la ville et le département de Paris, le juge des référés n'a commis aucune erreur de qualification juridique en estimant que les manquements retenus étaient susceptibles d'avoir lésé la société Sel Bio Paris Ouest, après avoir relevé qu'au titre de la valeur technique, son offre avait été classée au troisième rang pour le lot n° 1 et au quatrième rang pour le lot n° 2 et que, en leur absence, celle-ci aurait eu des chances sérieuses d'être retenue pour les négociations ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la ville de Paris et du département de Paris doit être rejeté ;

Sur les dépens :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge du département et de la Ville de Paris ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sel Bio Paris Ouest qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Paris et de la ville de Paris la somme globale de 3 000 euros à verser à la société Sel Bio Paris Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département de Paris et de la ville de Paris est rejeté.

Article 2 : Le département de Paris et la ville de Paris verseront à la société Sel Bio Paris Ouest une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de Paris, à la ville de Paris et à la société Sel Bio Paris ouest.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 364833
Date de la décision : 07/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2013, n° 364833
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:364833.20130507
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