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26/06/2013 | FRANCE | N°354212

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 juin 2013, 354212


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2011 et 22 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant au ...; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 13 septembre 2011 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a infirmé une décision du 7 juillet 2010 de la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la Réunion le renvoyant des fins des poursu

ites disciplinaires exercées contre lui et a prononcé à son encontre l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre 2011 et 22 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant au ...; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 13 septembre 2011 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a infirmé une décision du 7 juillet 2010 de la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la Réunion le renvoyant des fins des poursuites disciplinaires exercées contre lui et a prononcé à son encontre la peine de blâme avec inscription au dossier ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ordre des experts-comptables la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;

Vu le code des devoirs professionnels des experts comptables ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.A..., à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la société AOIF ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la Réunion, a, par une décision du 7 juillet 2010, renvoyé M. A...des fins des poursuites disciplinaires engagées à son encontre à la suite de la plainte déposée par la société AOI et fondée sur la méconnaissance des obligations prescrites par l'article 14 du code des devoirs professionnels de l'ordre, selon lequel le membre de l'ordre appelé par un client à remplacer un confrère ne peut accepter sa mission qu'après en avoir informé ce dernier ; que la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a, par une décision du 13 septembre 2011, contre laquelle M. A...se pourvoit en cassation, infirmé la décision de la chambre régionale et infligé à M. A...la sanction de blâme avec inscription au dossier, en se fondant sur la méconnaissance des obligations prescrites par l'article 14 du code des devoirs professionnels de l'ordre ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en relevant notamment, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales faute d'avoir bénéficié des délais nécessaires pour préparer sa défense, que l'intéressé avait pu utilement se défendre contre les faits reprochés compte tenu de ce qu'ils avaient fait l'objet d'une enquête au cours de laquelle il avait été entendu et dont les résultats avaient été mis à sa disposition dans les délais réglementaires, la chambre nationale de discipline a suffisamment motivé sa décision ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du code des devoirs professionnels de l'ordre des experts-comptables alors applicable : " Les membres de l'Ordre se doivent assistance et courtoisie réciproques. / Ils doivent s'abstenir (...) de toutes démarches, offres de services et, d'une façon générale, de toutes manoeuvres susceptibles de nuire à la situation de leurs confrères. / Celui qui a un dissentiment professionnel avec un confrère doit d'abord tenter de se réconcilier avec lui ; s'il n'a pu y réussir, il peut en aviser le président du Conseil régional (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du décret du 19 février 1970 portant règlement d'administration publique et relatif à l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, alors applicable : " Toute réclamation ou toute plainte relative à des faits susceptibles d'entraîner des poursuites disciplinaires déposée contre un membre de l'ordre, un expert comptable stagiaire, une société reconnue par l'ordre ou un professionnel admis à exercer en France doit être adressée au président de la chambre régionale de discipline, qui la communique simultanément et sans délai au président du conseil régional et au commissaire du Gouvernement près ledit conseil. / Le commissaire du Gouvernement, qui peut également prendre l'initiative de l'action disciplinaire, réunit s'il y a lieu tous éléments d'appréciation utiles. Le président de la chambre de discipline, après avoir consulté le président du conseil régional, désigne comme rapporteur l'un des membres titulaires ou suppléants de la chambre s'il estime que l'affaire est susceptible de donner lieu à poursuites " ;

4. Considérant que M. A...soutient qu'en s'abstenant de rechercher si la société AOI avait, conformément à l'article 13 précité, tenté de se concilier avec lui préalablement à l'introduction de sa plainte, la chambre nationale de discipline a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, d'une part, ni les dispositions de l'article 13 du code des devoirs professionnels de l'ordre, ni celles de l'article 54 du décret du 19 février 1970 ne subordonnent le dépôt d'une plainte à une tentative préalable de conciliation entre les intéressés ; que, d'autre part, si l'absence d'une telle démarche de conciliation ou, lorsqu'elle a eu lieu, ses résultats, peuvent être pris en compte, le cas échéant, par la juridiction disciplinaire pour déterminer l'existence d'un manquement au devoir de confraternité, la juridiction disciplinaire n'est pas tenue de se prononcer explicitement sur la mise oeuvre de la conciliation lorsqu'elle caractérise l'existence d'une faute disciplinaire ; qu'il résulte de ce qui précède que la chambre nationale de discipline n'a pas commis d'erreur de droit en s'abstenant de rechercher si la plainte présentée par la société AOI avait été précédée d'une tentative de conciliation ;

5. Considérant qu'en jugeant que l'intéressé n'avait pas justifié du respect de l'obligation d'envoi des lettres d'information des confrères, prévue par l'article 14 du code des devoirs professionnels de l'ordre, la chambre nationale de discipline a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, qui est exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

7. Considérant que l'ordre des experts-comptables n'ayant pas eu la qualité de partie en appel, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que demande M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que le conseil supérieur de l'ordre des experts comptables n'ayant pas eu non plus la qualité de partie en appel, les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme que demande le conseil supérieur au même titre ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société AOIF au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : M. A...versera à la société AOIF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et à la société AOIF.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 354212
Date de la décision : 26/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-04-01 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. DISCIPLINE PROFESSIONNELLE. PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES. - ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES - DÉMARCHE DE CONCILIATION EN CAS DE DISSENTIMENT PROFESSIONNEL AVEC UN CONFRÈRE (ART. 13 DU CODE DES DEVOIRS PROFESSIONNELS) - PORTÉE - OBLIGATION PROCÉDURALE CONDITIONNANT LA RECEVABILITÉ DE LA PLAINTE - ABSENCE - POSSIBILITÉ DE PRENDRE EN COMPTE L'ABSENCE DE CONCILIATION OU LES RÉSULTATS DE CETTE DERNIÈRE POUR DÉTERMINER L'EXISTENCE D'UN MANQUEMENT DISCIPLINAIRE - EXISTENCE - OBLIGATION POUR LA JURIDICTION ORDINALE DE SE PRONONCER EXPLICITEMENT SUR CE POINT - ABSENCE [RJ1].

55-04-01 Les dispositions de l'article 13 du code des devoirs professionnels des experts-comptables aux termes desquelles l'expert-comptable qui a un dissentiment professionnel avec un confrère doit d'abord tenter de se réconcilier avec lui ; s'il n'a pu y réussir, il peut en aviser le président du Conseil régional (...) ne subordonnent pas le dépôt d'une plainte à une tentative préalable de conciliation entre les intéressés. Si l'absence d'une telle démarche de conciliation ou, lorsqu'elle a eu lieu, ses résultats, peuvent être pris en compte, le cas échéant, par la juridiction disciplinaire pour déterminer l'existence d'un manquement au devoir de confraternité, la juridiction disciplinaire n'est pas tenue de se prononcer explicitement sur la mise en oeuvre de la conciliation lorsqu'elle caractérise l'existence d'une faute disciplinaire.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 29 avril 2009, Société KPMG, n° 292473, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2013, n° 354212
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354212.20130626
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