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17/07/2013 | FRANCE | N°354683

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 17 juillet 2013, 354683


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2011 et 6 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA04660 du 9 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, après avoir annulé le jugement n° 0803224 du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2009 et évoqué, elle a rejeté sa demande de première instance tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault en

date du 30 mai 2008 en tant qu'elle refuse de lui attribuer les indemnité...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2011 et 6 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA04660 du 9 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, après avoir annulé le jugement n° 0803224 du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2009 et évoqué, elle a rejeté sa demande de première instance tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault en date du 30 mai 2008 en tant qu'elle refuse de lui attribuer les indemnités correspondant à la valeur marchande objective des animaux abattus de son cheptel, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser la somme de 599 832 euros, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au titre de ces indemnités ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la brucellose bovine et à la lutte contre la tuberculose bovine et caprine ;

Vu l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration ;

Vu l'arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;

Vu la décision du 23 mai 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B... ;

Vu la décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B... ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 13 février 2007, le préfet de l'Hérault a déclaré infecté par la tuberculose bovine le troupeau appartenant à M.B... ; que l'abattage total de ce troupeau a été prescrit par arrêté préfectoral du 23 juillet 2007 ; que le troupeau a été évalué à 599 832 euros ; que toutefois, par décision du 30 mai 2008, le préfet de l'Hérault a limité l'indemnisation due à M. B... à raison de l'abattage de son troupeau à 93 630 euros ; que, par un jugement du 6 novembre 2009, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de fixer à 599 832 euros de l'indemnité due à raison de l'abattage de son troupeau ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, après avoir annulé ce jugement, il a rejeté sa demande de première instance ;

Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant que, postérieurement à l'enregistrement du mémoire de M. B... contestant le refus qui lui a été opposé par le président de la cinquième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision n° 354683 du 23 mai 2012, renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions ; que, par sa décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que la contestation de M.B..., à la supposer fondée, et en l'absence de circonstances nouvelles, ne pourrait conduire le Conseil d'Etat à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulevait ; qu'elle est ainsi devenue sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur le pourvoi :

3. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande de première instance de M. B...tendait à l'annulation de la décision du 30 mai 2008 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de fixer à 599 832 euros de l'indemnité due à raison de l'abattage de son troupeau ; que, par suite, en estimant que cette demande devait être regardée comme une action indemnitaire tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 599 832 euros en réparation du préjudice subi par M. B... à raison de l'illégalité de la décision du 30 mai 2008, la cour l'a inexactement interprétée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural : " Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux. Toute infraction aux dispositions du présent titre et aux règlements pris pour leur application peut entraîner la perte de l'indemnité. La décision appartient au ministre chargé de l'agriculture, sauf recours à la juridiction administrative. " ;

5. Considérant que, par sa décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a, d'une part, jugé que la décision administrative de retrait d'indemnité avait le caractère d'une sanction ; qu'il a, d'autre part, jugé que les dispositions précitées des deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural n'étaient pas contraires au principe de proportionnalité des peines sous réserve qu'elles soient interprétées comme imposant aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller à ce que le montant global des sanctions administratives et pénales éventuellement prononcées de façon cumulative ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il a, enfin, jugé que ces dispositions n'étaient pas contraires au principe d'égalité sous réserve qu'elles soient interprétées comme ne permettant de prononcer la sanction de perte d'indemnité à l'encontre d'un propriétaire que s'il est établi que l'infraction aux règles zoosanitaires qui justifie cette décision a contribué à la situation à l'origine de l'abattage des animaux ;

6. Considérant qu'il suit de là que, d'une part, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en estimant que la mesure de retrait de l'indemnité n'avait pas le caractère d'une sanction ; que, d'autre part, elle a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet avait pu à bon droit décider le retrait de l'indemnité due à M. B...sans rechercher si les infractions aux règles zoosanitaires commises par ce dernier avaient contribué à la situation à l'origine de l'abattage de son troupeau ; qu'enfin, en jugeant que la circonstance que M. B... ait été condamné, par un arrêt définitif de la cour d'appel de Montpellier, à une amende de 7 000 euros pour les mêmes infractions que celles ayant justifié la réduction de l'indemnité due pour l'abattage de son troupeau était sans incidence sur la légalité de la décision du 30 mai 2008, alors qu'il lui appartenait de s'assurer que le montant global des sanctions ainsi prononcées ne dépassait pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, elle a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt du 9 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à M. B... par le président de la cinquième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 2 : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 juin 2011 est annulé.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 354683
Date de la décision : 17/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2013, n° 354683
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:354683.20130717
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