Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 22 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Créteil, représentée par son maire ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 04PA04058 du 28 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de la Compagnie générale des eaux, venant aux droits de la société Vivendi, l'a condamnée, comme la commune de Saint-Maur-des-Fossés, à verser à cette société la somme de 68 971,01 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 1998 et a réformé en conséquence le jugement n° 0100630 du 6 octobre 2004 du tribunal administratif de Melun ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la Compagnie générale des eaux ;
3°) de mettre à la charge de la Compagnie générale des eaux la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
- La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Créteil, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la compagnie générale des eaux Véolia environnement, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune de Saint-Maur-des-Fossés et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Quillery environnement urbain ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention de régie intéressée du 3 avril 1962, le Syndicat des eaux d'Ile-de-France a confié à la société Compagnie générale des eaux la gestion du service public de production et de distribution de l'eau, notamment sur le territoire des communes de Créteil et de Saint-Maur-des-Fossés, en mettant à sa disposition les installations du réseau, dont il était propriétaire ; qu'en octobre 1997, un affaissement du sol a été constaté au pied de la passerelle reliant les communes de Créteil et de Saint-Maur-des-Fossès, dont celles-ci avaient confié la construction à la société Quillery en 1981; qu'une conduite d'eau ayant été endommagée, la Compagnie générale des eaux a procédé immédiatement à une intervention consistant à déplacer la conduite ; qu'après que le tribunal administratif de Melun eut rejeté, par un jugement du 6 octobre, la demande de la société tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt du 28 juin 2010, condamné les communes de Créteil et de Saint-Maur-des-Fossés à verser chacune à la Compagnie générale des eaux la somme de 68971,01 euros, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 12 octobre 1998 ; que chacune des deux communes doit être regardée comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant qu'il la condamne à verser à la société la somme de 68971, 01 euros et qu'il met à sa charge la somme de 2000 euros, à verser à la société au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Sur le pourvoi de la commune de Créteil :
2. Considérant que la cour a estimé que la Compagnie générale des eaux était tenue, en vertu des stipulations de la convention de régie intéressée qui la liait au Syndicat des eaux d'Ile-de-France, d'effectuer les travaux de remise en état de la conduite d'eau endommagée et a relevé qu'elle en avait supporté les coûts ; qu'en déduisant de ces seuls éléments que la commune de Créteil n'était pas fondée à soutenir que la société ne justifiait pas être subrogée dans les droits du Syndicat, propriétaire de la conduite d'eau, pour obtenir réparation du préjudice lié au dommage causé à cette conduite d'eau, sans rechercher si la convention de régie intéressée ou toute autre stipulation contractuelle convenue entre le Syndicat et la Compagnie générale des eaux prévoyait une telle subrogation, elle a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la commune de Créteil est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, dans la limite précisée au point 1 ci-dessus ;
Sur le pourvoi de la commune de Saint-Maur-des-Fossés :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois (...) ; " ; que les conclusions de la commune de Saint-Maur-des-Fossés analysées au point 1 ci-dessus ont le caractère non d'un pourvoi incident, mais d'un pourvoi principal ; que ce pourvoi a été enregistré au Conseil d'Etat le 27 janvier 2012, alors qu'il résulte de l'instruction que la commune a reçu notification de l'arrêt de la cour le 19 juillet 2010 ; qu'il est donc tardif et doit être rejeté ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la mesure de l'annulation prononcée, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'article 8.1 de la convention de régie intéressée conclue entre le Syndicat des eaux d'Ile-de-France et la Compagnie générale des eaux stipule qu'il appartient au régisseur, sous les directives et le contrôle du propriétaire des installations, de " fournir, poser, entretenir, renouveler ou réhabiliter les branchements, les canalisations de distribution de diamètre inférieur ou égal à 300 mm ", de " réaliser les modifications et raccordements de conduites ou de branchements, le raccordement et l'entretien des conduites maîtresses de transport " et de " réaliser tous autres travaux divers de faible importance, non programmables par nature et étroitement liés aux contraintes d'exploitation courante du service... ", aucune stipulation ne met à sa charge, contrairement à ce que soutient la société, l'obligation d'exécuter les grosses réparations telles que le déplacement d'une canalisation de 600 mm et d'en supporter le coût ; que, par ailleurs, aucune stipulation de la convention ne prévoit que le régisseur serait subrogé dans les droits du propriétaire du réseau de production et de distribution d'eau aux fins d'obtenir réparation de dommages causés à ce réseau ;
6. Considérant, d'une part, que la Compagnie générale des eaux qui, ainsi qu'il a été dit, n'était pas propriétaire du réseau de production et de distribution d'eau, a engagé les travaux rendus nécessaires par le dommage causé à la conduite d'eau litigieuse par la passerelle reliant les deux communes et en a supporté le coût en conséquence de l'obligation qu'elle croyait, au demeurant à tort, avoir en vertu des stipulations de l'article 8.1 de la convention de régie intéressée passée avec le Syndicat des eaux d'Ile-de-France ; qu'elle ne disposait dès lors, en tout état de cause, d'aucun droit propre à obtenir réparation auprès de la commune de Créteil du préjudice qu'elle a subi, qui présentait un caractère indirect ;
7. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la Compagnie générale des eaux ne bénéficiait d'aucune subrogation dans les droits du Syndicat par voie conventionnelle ; qu'elle n'invoque, en tout état de cause, le bénéfice d'aucune subrogation légale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Compagnie générale des eaux, devenue société Véolia Eau-CGE, ne peut prétendre à une indemnisation par la commune de Créteil du préjudice lié au dommage causé à la conduite d'eau litigieuse ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Créteil, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Créteil ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Véolia-CGE la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Créteil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par elle tant en appel que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commue de Créteil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Quillery environnement urbain au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 juin 2010 est annulé en tant qu'il condamne la commune de Créteil à verser à la société Compagnie générale des eaux la somme de 68971,01 euros, en tant qu'il met à sa charge la somme de 2 000 euros, à verser à la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et en tant qu'il réforme en conséquence le jugement du tribunal administratif de Melun du 6 octobre 2004.
Article 2 : Le pourvoi de la commune de Saint-Maur-des-Fossés est rejeté.
Article 3 : La requête présentée par la Compagnie générale des eaux devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée en tant qu'elle tend à la condamnation de la commune de Créteil à lui verser la somme de 68971,01 euros et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 000 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Véolia-CGE versera à la commune de Créteil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Véolia-CGE et de la société Quillery environnement urbain présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Créteil, à la société Veolia Eau - CGE, à la commune de Saint-Maur-des-Fossés, à la société Quillery environnement urbain. Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.