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25/10/2013 | FRANCE | N°370573

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 25 octobre 2013, 370573


Vu 1°), sous le n° 370573, le pourvoi, enregistré le 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le département de l'Isère, représenté par le président du conseil général ; le département de l'Isère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303190 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en tant que, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, il a, à la demande de la société Jean Perraud et Fils, d'une part, annulé les actes de la procéd

ure d'appel d'offres qu'il avait lancée pour l'attribution du lot n° 11 d'un m...

Vu 1°), sous le n° 370573, le pourvoi, enregistré le 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le département de l'Isère, représenté par le président du conseil général ; le département de l'Isère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303190 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en tant que, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, il a, à la demande de la société Jean Perraud et Fils, d'une part, annulé les actes de la procédure d'appel d'offres qu'il avait lancée pour l'attribution du lot n° 11 d'un marché de transport de voyageurs à compter de la séance de la commission d'appel d'offres organisée le 22 mai 2013 et lui a, d'autre part, enjoint de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour ce lot, après avoir écarté l'offre de la société Cars Philibert comme anormalement basse ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Jean Perraud et Fils ;

3°) de mettre à la charge de la société Jean Perraud et Fils le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 370578, le pourvoi, enregistré le 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le département de l'Isère, représenté par le président du conseil général ; le département de l'Isère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303201 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en tant que, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, il a, à la demande de la société Cars Berthelet, d'une part, annulé les actes de la procédure d'appel d'offres qu'il avait lancée pour l'attribution du lot n° 5 d'un marché de transport de voyageurs, à compter de la séance de la commission d'appel d'offres du 22 mai 2013 et lui a, d'autre part, enjoint de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour ce lot, après avoir écarté l'offre de la société Cars Philibert comme anormalement basse ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Cars Berthelet ;

3°) de mettre à la charge de la société Cars Berthelet le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 3°), sous le n° 370616, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 9 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Cars Philibert, dont le siège est 24, avenue Barthélémy Thimonnier ZI Périca - BP 18 à Caluire (69003), représentée par son président en exercice ; la société Cars Philibert demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303190 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en tant que, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, il a, à la demande de la société Jean Perraud et Fils, d'une part, annulé les actes de la procédure d'appel d'offres lancée par le département de l'Isère pour l'attribution du lot n° 11 d'un marché de transport de voyageurs à compter de la séance de la commission d'appel d'offres organisée le 22 mai 2013 et, d'autre part, enjoint au département de l'Isère de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour ce lot, après avoir écarté son offre comme anormalement basse ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Jean Perraud et Fils ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Jean Perraud et Fils le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 4°), sous le n° 370617, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 9 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Cars Philibert, dont le siège est 24, avenue Barthélémy Thimonnier ZI Périca - BP 18 à Caluire (69003), représentée par son président en exercice ; la société Cars Philibert demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303201 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en tant que, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, il a, à la demande de la société Cars Berthelet, d'une part, annulé les actes de la procédure d'appel d'offres lancée par le département de l'Isère pour l'attribution du lot n° 5 d'un marché de transport de voyageurs à compter de la séance de la commission d'appel d'offres organisée le 22 mai 2013 et, d'autre part, enjoint au département de l'Isère de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour ce lot, après avoir écarté son offre comme anormalement basse ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Cars Berthelet ;

3°) de mettre à la charge de la société Cars Berthelet le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 octobre 2013, présentée pour les sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils, sous les nos 370573, 370578, 370616 et 370617 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du département de l'Isère, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Cars Philibert, et à la SCP Monod, Colin, avocat de la société Jean Perraud et fils et de la société Cars Berthelet ;

1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; que, selon l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que le département de l'Isère a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché alloti de transport de voyageurs ; que les lots n° 5 et n° 11 ont été attribués à la société Cars Philibert ; que par les ordonnances attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, à la demande des sociétés Cars Berthelet, candidate au titre du lot n° 5, et Jean Perraud et Fils, candidate au titre du lot n° 11, annulé la procédure d'attribution de ces lots et enjoint au département de l'Isère de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour ces deux lots, après avoir écarté les offres de la société Cars Philibert comme anormalement basses ; que le département de l'Isère et la société Cars Philibert se pourvoient en cassation contre ces deux ordonnances ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que selon l'article 53 du même code : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché (...) / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. / (...) III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue (...) " ; que l'article 55 de ce même code dispose que : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...). Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat. (...) " ;

5. Considérant que le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public ; qu'il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et susceptible de rendre difficile l'exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre ;

6. Considérant qu'en recherchant si les précisions apportées par la société Cars Philibert aux demandes formulées par la commission d'appel d'offres étaient suffisantes pour démontrer la viabilité économique de ses offres et écarter les doutes quant au caractère anormalement bas de ses prix alors qu'il lui appartenait seulement de vérifier si, en retenant ces offres, le pouvoir adjucateur avait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il devait porter sur ce point à partir, notamment, des explications données par la société Cars Philibert, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que le département de l'Isère et la société Cars Philibert sont fondés à demander l'annulation des ordonnances attaquées ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler les affaires au titre des procédures de référé engagées par les sociétés Cars Berthelet, s'agissant du lot n° 5, et Jean Perraud et Fils, s'agissant du lot n° 11 ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre présentée par la société Cars Philibert était inférieure de 48,5 % à l'estimation du département de l'Isère s'agissant du lot n° 5 et de 32 % s'agissant du lot n° 11 ; que par des courriers en date des 9 et 19 avril 2013 adressés au département de l'Isère, en réponse aux demandes de précisions formulées par ce dernier sur le fondement de l'article 55 du code des marchés publics, la société Cars Philibert a notamment justifié le caractère très compétitif de son offre par, d'une part, une politique de densification de son activité sur certains territoires lui permettant de limiter le nombre de kilomètres roulés à vide, d'autre part, une réduction de ses taux de marges et, enfin, l'optimisation de la gestion de son parc de véhicules ; que la commission d'appel d'offres a jugé les réponses de la société Cars Philibert cohérentes et satisfaisantes pour l'ensemble des lots pour l'attribution desquels celle-ci s'était portée candidate ;

10. Considérant, en premier lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le prix proposé par la société attributaire serait insuffisant pour couvrir les charges effectivement exposées pour la desserte des lignes de transport du lot concerné ne peut suffire, à elle seule, à considérer que le département de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne rejetant pas les offres de la société Cars Philibert comme anormalement basses et susceptibles de rendre difficile l'exécution du marché ;

11. Considérant, en second lieu, que les sociétés Cars Berthelet, s'agissant du lot n° 5, et Jean Perraud et Fils, s'agissant du lot n° 11, soutiennent, pour démontrer le caractère manifestement sous-évalué des prix proposés par la société Cars Philibert, que le nombre de kilomètres roulés à vide et les coûts de structure, affichés par cette dernière à l'appui de ses offres, sont manifestement sous-évalués ; que le département de l'Isère a toutefois pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que les explicitations avancées par la société Cars Philibert sur ce point et tenant notamment, d'une part, à la création d'un nouveau centre de dépôt et à l'emploi de conducteurs à temps partiel, d'autre part, à sa politique de rationalisation et de compression de ses marges, suffisaient à écarter la qualification d'offre anormalement basse ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils ne sont pas fondées à soutenir qu'en ne rejetant pas les offres retenues comme anormalement basses et susceptibles de rendre difficile l'exécution du marché, le pouvoir adjudicateur aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation, méconnu le principe d'égalité entre les candidats et manqué à ses obligations de mise en concurrence ; que, dès lors, leurs demandes ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du département de l'Isère et de la société Cars Philibert, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que les sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de chacune des sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils, la somme de 4 500 euros à verser au département de l'Isère au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant le Conseil d'Etat, ainsi que la somme de 3 000 euros à verser à la société Cars Philibert au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les ordonnances n° 1303190 et n° 1303201 du 11 juillet 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble sont annulées en tant qu'elles ont annulé la procédure de passation des lots n° 5 et n° 11 du marché de transport de voyageurs lancé par le département de l'Isère et enjoint à ce dernier de réunir la commission d'appel d'offres afin qu'elle procède au classement des offres présentées pour les lots n° 5 et n° 11, après avoir écarté les offres de la société Cars Philibert comme anormalement basses.

Article 2 : Les demandes présentées par les sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils devant le tribunal administratif de Grenoble sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative et leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code sont rejetées.

Article 3 : Les sociétés Cars Berthelet et Jean Perraud et Fils verseront chacune au département de l'Isère la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 3 000 euros à la société Cars Philibert au titre des mêmes dispositions.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de l'Isère et aux sociétés Cars Berthelet, Cars Philibert et Jean Perraud et Fils.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370573
Date de la décision : 25/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2013, n° 370573
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Natacha Chicot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP MONOD, COLIN ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:370573.20131025
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