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04/12/2013 | FRANCE | N°357211

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 04 décembre 2013, 357211


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au ...; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02901 du 20 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives à la diminution illégale de ses horaires d'enseignement pour la période courant d'octobre 1998 à décembre 1999, qu'il a déclaré irrecevables ses conclusions indemnitaires relatives

au refus de la titulariser, qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 29 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant au ...; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA02901 du 20 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives à la diminution illégale de ses horaires d'enseignement pour la période courant d'octobre 1998 à décembre 1999, qu'il a déclaré irrecevables ses conclusions indemnitaires relatives au refus de la titulariser, qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires relatives à l'illégalité de son licenciement et, enfin, qu'il a omis de prendre en compte dans le calcul du préjudice de diminution de ses droits à pension les sommes dues à la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d'Alès (ENSTIMA) à lui verser les sommes demandées en appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ENSTIMA la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de Mme B...et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de l'Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d'Alès (ENSTIMA) ;

Sur la demande indemnitaire de Mme B...relative à la diminution illégale de ses heures d'enseignement :

1. Considérant que, par une décision du 15 juillet 2004, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a accordé à MmeB..., enseignante d'anglais à l'Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d'Alès (ENSTIMA), une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la diminution illégale des heures d'enseignement qui lui ont été confiées dans cet établissement entre septembre 1995 et octobre 1998, date que le Conseil d'Etat a retenu comme étant celle de son départ de l'établissement ;

2. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...n'a, en réalité, quitté l'établissement que le 15 février 2000, date à laquelle elle a fait l'objet d'un licenciement ; que l'intéressée a demandé à être indemnisée du préjudice mentionné au point 1 pour la période allant du mois d'octobre 1998 au 15 février 2000 ; que, pour rejeter la demande de la requérante pour la période allant du mois d'octobre 1998 au mois de décembre 1999 inclus, la cour administrative d'appel de Marseille a retenu qu'il ressortait des copies, versées au dossier par l'établissement, des mémoires produits par Mme B...devant le Conseil d'Etat que cette dernière avait demandé l'indemnisation du préjudice en cause pour la période allant de 1995 au mois de décembre 1999 inclus, que le Conseil d'Etat avait rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée devant lui ainsi que devant la cour administrative d'appel et ainsi nécessairement rejeté ses conclusions portant sur la période allant du mois d'octobre 1998 au mois de décembre 1999, et que l'autorité de chose jugée s'attachant à cette partie de la décision du 15 juillet 2004 faisait obstacle à ce que la nouvelle demande de l'intéressée, portant sur la même période, soit satisfaite ;

3. Considérant que l'autorité de la chose jugée par une décision de justice s'attache à son dispositif ainsi qu'aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire ; qu'en revanche, le juge ne saurait se fonder sur les écritures produites par les parties dans une instance pour apprécier l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision ; qu'ainsi, en s'appuyant sur des pièces produites devant lui pour apprécier l'étendue de la chose jugée par la décision du 15 juillet 2004 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ;

Sur la demande indemnitaire relative au refus de titularisation :

4. Considérant qu'en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le recours de Mme B...devait être formé contre une décision préalable ;

5. Considérant qu'en l'absence de toute décision préalable de l'ENSTIMA rejetant cette partie de la demande, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en accueillant la fin de non recevoir qu'elle a, sans dénaturer les écritures de l'ENSTIMA, estimé soulevée par cet établissement, qui n'avait, par ailleurs, pas répondu à ce chef de conclusions dans ses écritures devant le tribunal administratif ;

Sur la demande indemnitaire de Mme B...relative à la réparation des préjudices nés de son licenciement illégal :

6. Considérant que Mme B...soutenait devant la cour que son licenciement illégal constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement et que ce licenciement illégal lui avait directement causé des préjudices de perte de revenu et de perte de chance d'être titularisée ; que, pour rejeter ces conclusions, la cour a jugé que le lien de causalité entre ces préjudices et son licenciement illégal ne pouvait découler que de la démonstration, dont la charge incombait à la requérante, que le licenciement, annulé pour un motif de légalité externe, n'était pas non plus justifié au fond ;

7. Considérant que, s'il incombe au requérant qui forme des conclusions indemnitaires devant le juge de plein contentieux d'établir l'existence d'un lien direct de causalité entre la faute alléguée et le préjudice dont il demande réparation, il ne lui appartient pas, en revanche, de démontrer qu'une décision administrative annulée pour un motif de légalité externe ne peut, en aucun cas, être justifiée sur le fond ; qu'ainsi, en se fondant sur le motif rappelé au point précédent pour rejeter les conclusions de la requérante, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

Sur la demande indemnitaire de Mme B...relative à la réparation des préjudices nés du défaut d'exécution par l'ENSTIMA du jugement du tribunal administratif de Montpellier le 14 novembre 2001 annulant son licenciement du 15 février 2000 :

8. Considérant que la cour, après avoir constaté que l'annulation du licenciement de MmeB..., même prononcée pour un motif de légalité externe, impliquait sa réintégration dans l'établissement, avec notamment la mise à jour de ses droits à pension de retraite, a retenu que l'ENSTIMA avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas à cette réintégration et a évalué à 28 000 euros le préjudice subi du fait de la minoration des droits à pension de l'intéressée ;

9. Considérant qu'en se bornant à indiquer que le préjudice devait être ainsi évalué " au vu notamment du relevé de points de retraite de l'intéressée établi par l'IRCANTEC et fourni par Mme B...en première instance " et " compte tenu entre autres de l'espérance de vie des femmes en France " alors que Mme B...demandait à être indemnisée du préjudice lié à la diminution de ses droits non seulement au titre de sa pension complémentaire de retraite mais aussi de sa pension de base, en produisant des éléments précis à l'appui de ses prétentions, la cour administrative d'appel n'a pas mis à même le juge de cassation d'exercer son contrôle et a ainsi entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation sur ce point ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de la diminution illégale de ses heures d'enseignement entre octobre 1998 et décembre 1999, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices causés par son licenciement illégal, et en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à la reconstitution de ses droits à pension ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ENSTIMA la somme de 3 000 euros à verser à MmeB..., au titre de ces dispositions ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 décembre 2011 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B...tendant à l'indemnisation de la diminution illégale de ses heures d'enseignement entre octobre 1998 et décembre 1999, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices causés par son licenciement illégal et en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à la reconstitution de ses droits à pension.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'ENSTIMA versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'ENSTIMA présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à l'Ecole nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d'Alès et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357211
Date de la décision : 04/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2013, n° 357211
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357211.20131204
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