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05/03/2014 | FRANCE | N°344949

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05 mars 2014, 344949


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2010 et 11 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., domicilié ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 14 octobre 2010 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, réformant la décision du 6 juillet 2007 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Languedoc-Roussillon, lui a infligé la sanction de

l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux penda...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2010 et 11 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., domicilié ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 14 octobre 2010 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, réformant la décision du 6 juillet 2007 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Languedoc-Roussillon, lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de neuf mois, a décidé que la fraction non assortie du sursis serait exécutée du 1er février au 31 octobre 2011 avec publication pendant la même période, l'a condamné à reverser à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales la somme de 10 392 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de mettre à la charge du médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical des Pyrénées-Orientales la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins que, à la suite d'un contrôle et sur plainte du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local du service médical des Pyrénées-Orientales, M.A..., masseur-kinésithérapeute, a été reconnu coupable de ne pas s'être conformé à l'obligation d'établir un diagnostic thérapeutique pour chaque patient dans 41 dossiers sur les 42 retenus dans la plainte, d'avoir facturé, dans un dossier, 160 séances de kinésithérapie en utilisant la cotation AMS 9+6/2, qui n'existait plus à la date des facturations reprochées, d'avoir, dans dix dossiers, prodigué des soins sans avoir respecté la limite de trois patients susceptibles d'être pris en charge simultanément, d'avoir, dans dix dossiers, pour des actes soumis à l'entente préalable de la caisse primaire d'assurance maladie, utilisé la lettre clé AMS, au lieu de la lettre clé AMK, applicable aux actes en cause, et, enfin, dans les 42 dossiers retenus dans la plainte, pour des actes également soumis à l'entente préalable, d'avoir utilisé des coefficients non conformes aux actes dispensés et, à ce titre, remboursés par l'assurance maladie ; que, par la décision attaquée, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de neuf mois, a décidé que la fraction non assortie du sursis serait exécutée du 1er février au 31 octobre 2011 avec publication pendant la même période, et l'a condamné à reverser à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales la somme de 10 392 euros ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale : " La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral (...) est subordonné à leur inscription sur une liste (...) subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. Lorsqu'il s'agit d'actes réalisés en série, ces conditions de prescription peuvent préciser le nombre d'actes au-delà duquel un accord préalable du service du contrôle médical est nécessaire en application de l'article L. 315-2 pour poursuivre à titre exceptionnel la prise en charge, sur le fondement d'un référentiel élaboré par la Haute Autorité de santé ou validé par celle-ci sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie " ; que selon cet article L. 315-2 : " Les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur les éléments définis au I de l'article L. 315-1 s'imposent à l'organisme de prise en charge. / Le bénéfice de certaines prestations mentionnées au I de l'article L. 315-1 peut être subordonné à l'accord préalable du service du contrôle médical. Cet accord préalable peut être exigé pour les prestations dont : / -la nécessité doit être appréciée au regard d'indications déterminées ou de conditions particulières d'ordre médical ; / -la justification, du fait de leur caractère innovant ou des risques encourus par le bénéficiaire, doit être préalablement vérifiée eu égard notamment à l'état du bénéficiaire et aux alternatives thérapeutiques possibles ; / -le caractère particulièrement coûteux doit faire l'objet d'un suivi particulier afin d'en évaluer l'impact sur les dépenses de l'assurance maladie ou de l'Etat en ce qui concerne les prestations servies en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles " ; qu'aux termes de l'article R. 162-52 du même code, alors applicable : " Les tarifs fixés en application des articles L. 162-5-2, L. 162-5-8, L. 162-5-9, L. 162-5-10, L. 162-9, L. 162-11, L. 162-12, L. 162-12-4, L. 162-12-5, L. 162-12-11, L. 162-12-12 et L. 162-32 sont établis d'après une nomenclature des actes professionnels fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'agriculture. Cet arrêté détermine les modalités d'application de la nomenclature générale dans les rapports entre les praticiens et auxiliaires médicaux, d'une part, les organismes de sécurité sociale et les assurés, d'autre part. (...) /La nomenclature générale peut également comporter des prescriptions de nature à faciliter le contrôle médical de certains actes. La méconnaissance de ces prescriptions est sanctionnée dans les conditions prévues par la nomenclature. / Lorsqu'un accord est exigé, en application du présent article, préalablement au remboursement d'un acte ou d'un traitement par un organisme de sécurité sociale, le silence gardé pendant plus de quinze jours par cet organisme sur la demande de prise en charge vaut décision d'acceptation " ; qu'enfin, selon l'article 7 de la nomenclature générale approuvée par arrêté du 27 mars 1972 pris sur le fondement précédent, lorsqu'une entente est exigée préalablement au remboursement d'un acte ou d'un traitement par un organisme de sécurité sociale, le silence gardé pendant plus de quinze jours par cet organisme sur la demande de prise en charge vaut décision d'acceptation et que " faute de réponse dans ce délai, son assentiment est réputé acquis " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si un professionnel de santé peut utilement faire valoir devant les juridictions du contentieux technique qu'un acte dont la cotation lui est reprochée a fait l'objet d'un accord préalable, un tel accord ne saurait être de nature à priver de son caractère fautif le comportement du professionnel lorsqu'il ne pouvait ignorer que l'acte ou la cotation qu'il a soumis à accord préalable n'était pas susceptible de répondre aux conditions de sa prise en charge dans le cadre des prescriptions de la nomenclature générale des actes professionnels ou lorsqu'il n'a pas exécuté l'acte dans les conditions ayant fait l'objet de cet accord ;

4. Considérant que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins a relevé, s'agissant des actes ayant fait l'objet d'une entente préalable de la caisse primaire d'assurance maladie, que M. A...avait utilisé, dans dix dossiers, la lettre clé " AMS ", alors qu'il ressortait des prescriptions de la nomenclature générale des actes professionnels que la lettre clé " AMK " était seule applicable aux actes en cause, et que l'intéressé avait recouru, dans les 42 dossiers retenus dans la plainte, à des coefficients non conformes aux actes dispensés ; que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, qui a suffisamment motivé sa décision en énumérant les dossiers des patients ayant donné lieu à tort à une cotation avec la lettre clé " AMS ", a fait une exacte application des dispositions mentionnées au point 2 en retenant que, dans les circonstances de l'espèce, l'entente préalable tacite de la caisse primaire d'assurance maladie n'était pas de nature à couvrir les irrégularités commises par ce praticien ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments soulevés par le requérant, a suffisamment motivé sa décision en constatant que l'obligation d'établir en liaison avec le médecin-prescripteur un diagnostic thérapeutique pour chaque patient faisait défaut dans tous les dossiers retenus dans la plainte, à l'exception du n° 20, et que la cotation " AMS 9+6/2 " à laquelle M. A...avait recouru pour le patient n° 34 n'existait plus à la date de la facturation reprochée ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, après avoir rappelé qu'il résulte de la nomenclature générale des actes professionnels des masseurs-kinésithérapeutes que le nombre de patients pris en charge simultanément " ne peut excéder trois ", a pu estimer, par une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation, que M. A...avait prodigué des soins à neuf patients lors de séances au cours desquelles étaient présents un nombre de patients supérieurs à trois ;

7. Considérant, enfin, que le requérant reproche à la décision attaquée de l'avoir condamné à reverser à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales la somme de 10 392 euros en application de l'article L. 145-1 et du 4° de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale sans avoir recherché quels actes constituaient des abus d'honoraire ; que constituent des honoraires abusifs au sens de l'article L. 145-2 précité ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu'alors même qu'il a été effectivement pratiqué il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure ; qu'il ressort de ce qui a été dit au point 4 que les surcotations irrégulières effectuées par ce praticien remplissent la condition précitée ; qu'ainsi, le moyen d'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que les dispositions précitées du 4° de l'article L. 145-2 mentionnent, parmi les sanctions susceptibles d'être prononcées par les sections des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins, le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé ; qu'il relève de l'office du juge de déterminer la sanction qu'il entend éventuellement infliger parmi celles qu'énumère la loi et qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne le prononcé de la sanction de remboursement à un organisme de sécurité sociale à la condition qu'elle ait été demandée par l'organisme concerné ou que celui-ci ait été partie à l'instance; qu'ainsi, M. A...n'est pas fondé à soutenir que, faute pour la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales d'avoir été plaignante à l'instance, la section des assurances sociales ne pouvait légalement lui infliger la sanction précitée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales, au médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical des Pyrénées-Orientales et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344949
Date de la décision : 05/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MÉDECINS - RÈGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX MÉDECINS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - COTATION DES ACTES AU REGARD DE LA NGAP - PORTÉE DE L'ACCORD PRÉALABLE DU SERVICE DE CONTRÔLE MÉDICAL DE L'ORGANISME DE SÉCURITÉ SOCIALE.

55-03-01-02 Il résulte des articles L. 162-1-7, L. 315-2 et R. 162-52 du code de la sécurité sociale que si un professionnel de santé peut utilement faire valoir devant les juridictions du contentieux technique qu'un acte dont la cotation lui est reprochée a fait l'objet d'un accord préalable, un tel accord ne saurait être de nature à priver de son caractère fautif le comportement du professionnel lorsqu'il ne pouvait ignorer que l'acte ou la cotation qu'il a soumis à accord préalable n'était pas susceptible de répondre aux conditions de sa prise en charge dans le cadre des prescriptions de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou lorsqu'il n'a pas exécuté l'acte dans les conditions ayant fait l'objet de cet accord.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE À JUSTIFIER UNE SANCTION - MÉDECINS - COTATION IRRÉGULIÈRE D'UN ACTE AYANT FAIT L'OBJET D'UN ACCORD PRÉALABLE DE L'ORGANISME DE SÉCURITÉ SOCIALE - CONDITIONS DE RECONNAISSANCE DU CARACTÈRE FAUTIF - PROFESSIONNEL NE POUVANT IGNORER QUE L'ACTE OU LA COTATION ÉTAIT INSUSCEPTIBLE DE RÉPONDRE AUX CONDITIONS POSÉES DANS LA NGAP - OU ACTE EXÉCUTÉ DANS DES CONDITIONS NON CONFORMES À L'ACCORD.

55-04-02-01-01 Il résulte des articles L. 162-1-7, L. 315-2 et R. 162-52 du code de la sécurité sociale que si un professionnel de santé peut utilement faire valoir devant les juridictions du contentieux technique qu'un acte dont la cotation lui est reprochée a fait l'objet d'un accord préalable, un tel accord ne saurait être de nature à priver de son caractère fautif le comportement du professionnel lorsqu'il ne pouvait ignorer que l'acte ou la cotation qu'il a soumis à accord préalable n'était pas susceptible de répondre aux conditions de sa prise en charge dans le cadre des prescriptions de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) ou lorsqu'il n'a pas exécuté l'acte dans les conditions ayant fait l'objet de cet accord.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2014, n° 344949
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:344949.20140305
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