La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2014 | FRANCE | N°352212

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 12 mars 2014, 352212


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 24 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par actions simplifiée DGFP Zeta, dont le siège est 2, place Jean Millier à Paris La Défense (92078), venant aux droits de la société anonyme Risicor ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 09PA06609 du 23 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, après avoir déclaré qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions de sa req

uête à concurrence de la somme de 1 139 983 euros, il a rejeté le surplus des...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 24 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par actions simplifiée DGFP Zeta, dont le siège est 2, place Jean Millier à Paris La Défense (92078), venant aux droits de la société anonyme Risicor ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 09PA06609 du 23 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, après avoir déclaré qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions de sa requête à concurrence de la somme de 1 139 983 euros, il a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0419058 du 1er octobre 2009 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés auquel la société Risicor a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 27 novembre 1964 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Laugier, Caston, avocat de la société Dgfp Zeta ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme Risicor, qui avait pour activité la location d'un immeuble à usage commercial situé au Japon, a comptabilisé des écarts de change réalisés à l'occasion de la cession de cet immeuble en 1996 et du remboursement de l'emprunt destiné au rachat préalable du droit au bail et des aménagements réalisés par le locataire ; qu'elle n'a cependant pas tenu compte de ces sommes pour la détermination de son résultat imposable en France ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration a estimé que ces gains de change devaient être imposés en France, et les a en conséquence réintégrés au résultat imposable de la société de l'année 1996 ; que le pourvoi en cassation la société DGFP Zeta, venant aux droits et obligations de la société Risicor, doit être regardé comme tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 juin 2011 en tant seulement qu'il statue sur le gain net de 4 101 254 francs résultant de la variation du cours du yen en francs entre la date d'acquisition de l'immeuble et sa revente, à l'exclusion du gain de change de 740 000 francs réalisé à l'occasion du remboursement de l'emprunt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les gains ou pertes de change associés aux cessions d'éléments quelconques de l'actif, qui constituent une composante de la plus-value ou moins value réalisée, sont pris en compte pour la détermination du résultat de l'exercice imposable en France, sous réserve de l'application des stipulations d'une convention fiscale bilatérale destinée à éviter les doubles impositions ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la convention franco-japonaise du 27 novembre 1964, applicable à l'imposition en litige : " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés (...) 3. Les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également aux profits provenant de l'aliénation de biens immobiliers. 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise (...) " ; qu'aucune stipulation de cette convention ne permet de distinguer les écarts de conversion résultant de l'aliénation d'un bien immobilier des autres profits provenant de l'aliénation de ce bien ; que par suite, en jugeant que le gain de change résultant pour la société Risicor de la variation du cours du yen en francs entre la date d'acquisition de son immeuble et sa revente, devait être distingué, pour l'application de la convention, de la plus-value sur cession d'actif résultant de la différence entre le coût de revient et le prix de vente de l'immeuble, et ne relevait donc pas de l'article 5 de la convention relatif aux profits provenant de l'aliénation de biens immobiliers, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'article 2 de son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur le gain net de change de 4 101 254 francs résultant de la variation du cours du yen en francs entre la date d'acquisition de l'immeuble et sa revente ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il est constant que le siège de la société Risicor était situé en France ; que si sa seule activité consistait à louer un immeuble à usage de bureau situé à Tokyo et si la requérante fait valoir que la comptabilité de l'exploitation des locaux était confiée à un cabinet japonais et les comptes approuvés par des commissaires aux comptes locaux, il ne résulte pas de l'instruction que la gestion de l'immeuble était réalisée par un établissement autonome situé au Japon ; qu'il n'est pas établi que le représentant de la société au Japon disposait des pouvoirs de conclure des contrats au nom de la société ni qu'il n'aurait pas un statut indépendant ; qu'il suit de là que l'ensemble des bénéfices de la société Risicor était imposable en France en vertu des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, sous réserve de l'application des stipulations de la convention franco-japonaise du 27 novembre 1964 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le gain de change de 4 101 254 francs résultant de la variation du cours du yen en francs entre la date d'acquisition de l'immeuble de la société Risicor et sa revente doit être regardé comme un profit provenant de l'aliénation de l'immeuble, imposable au Japon en vertu de l'article 5 de la convention du 27 novembre 1964 ; qu'aux termes du a) du 1 de l'article 24 de cette convention, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Lorsqu'un résident de France perçoit des revenus du Japon et que ces revenus, conformément aux dispositions de la présente Convention, sont imposables au Japon, la France (...) exempte ces revenus de son impôt (...) " ; que par suite, le gain de change litigieux ne pouvait pas être imposé en France, quand bien même il n'aurait pas été imposé dans l'Etat de situation du bien ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 1er octobre 2009, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1996, à raison de la réintégration dans son résultat imposable de la somme de 4 101 254 francs ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à la société DGFP Zeta sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de l'ensemble de la procédure ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 juin 2011 est annulé en tant qu'il statue sur le gain net de change de 4 101 254 francs résultant de la variation du cours du yen en francs entre la date d'acquisition de l'immeuble de la société Risicor et sa revente.

Article 2 : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société DGFP Zeta au titre de l'année 1996 est réduite d'une somme de 4 101 254 francs.

Article 3 : La société DGFP Zeta est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des intérêts de retard, correspondant à cette réduction des bases d'imposition.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la société DGFP Zeta une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société DGFP Zeta et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 352212
Date de la décision : 12/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - CONVENTION FRANCO-JAPONAISE DU 27 NOVEMBRE 1964 - PROFITS PROVENANT DE L'ALIÉNATION D'UN BIEN IMMOBILIER (ART - 5) - INCLUSION - GAINS DE CHANGE - CONSÉQUENCE - IMPOSITION DANS L'ETAT CONTRACTANT OÙ CE BIEN EST SITUÉ [RJ1].

19-01-01-05 Aucune stipulation de la convention franco-japonaise du 27 novembre 1964 ne permet de distinguer les écarts de conversion résultant de l'aliénation d'un bien immobilier des autres profits provenant de l'aliénation de ce bien. Par suite, les gains de change associés à la cession d'un bien immobilier sont, en vertu des stipulations de l'article 5 de cette convention, imposables, comme les autres profits provenant de cette aliénation, dans l'Etat contractant où ces biens sont situés.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - GAINS OU PERTES DE CHANGE ASSOCIÉS AUX CESSIONS D'ÉLÉMENTS QUELCONQUES DE L'ACTIF - 1) INCLUSION - SOUS RÉSERVE DES STIPULATIONS D'UNE CONVENTION FISCALE BILATÉRALE DESTINÉE À ÉVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS - 2) CONVENTION FRANCO-JAPONAISE DU 27 NOVEMBRE 1964 - PROFITS PROVENANT DE L'ALIÉNATION D'UN BIEN IMMOBILIER (ART - 5) - INCLUSION - ECARTS DE CONVERSION - CONSÉQUENCE - IMPOSITION DE L'ENSEMBLE DES PROFITS - COMPTE TENU DES ÉCARTS DE CONVERSION - DANS L'ETAT CONTRACTANT OÙ CE BIEN EST SITUÉ [RJ1].

19-04-01-04-01 1) Il résulte des dispositions du I de l'article 209 et de l'article 38 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à l'année 1996, que les gains ou pertes de change associés aux cessions d'éléments quelconques de l'actif, qui constituent une composante de la plus-value ou moins-value réalisée, sont pris en compte pour la détermination du résultat de l'exercice imposable en France, sous réserve de l'application des stipulations d'une convention fiscale bilatérale destinée à éviter les doubles impositions.,,,2) Aucune stipulation de la convention franco-japonaise du 27 novembre 1964 ne permet de distinguer les écarts de conversion résultant de l'aliénation d'un bien immobilier des autres profits provenant de l'aliénation de ce bien. Par suite, les gains de change associés à la cession d'un bien immobilier sont, en vertu des stipulations de l'article 5 de cette convention, imposables, comme les autres profits provenant de cette aliénation, dans l'Etat contractant où ces biens sont situés.


Références :

[RJ1]

Comp., sur la notion de revenu immobilier au sens d'une telle convention, CE, 1er octobre 2013, société BNP Paribas, n° 351982, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2014, n° 352212
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:352212.20140312
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award