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31/03/2014 | FRANCE | N°342699

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 31 mars 2014, 342699


Vu le pourvoi, enregistré le 24 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 juin 2010 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 8 juin 2009 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Bretagne et a décidé que la sanction d'interdiction du droit de donner des soins aux assurés so

ciaux pendant quatre mois, dont deux mois assortis du sursis, serai...

Vu le pourvoi, enregistré le 24 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 24 juin 2010 par laquelle la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 8 juin 2009 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Bretagne et a décidé que la sanction d'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant quatre mois, dont deux mois assortis du sursis, serait exécutée du 1er octobre au 30 novembre 2010 et ferait l'objet d'une publication dans les locaux des organismes de sécurité sociale d'Ille-et-Vilaine pendant la même période, l'a condamné à reverser à cette caisse la somme de 22 419,14 euros et a mis à sa charge les frais de l'instance ;

2°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la décision n° 342699 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B...;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. B...et à Me Foussard, avocat du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Rennes et de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ;

1. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée n'est pas assorti des précisions permettant d'un apprécier le bien-fondé ;

2. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, que, par sa décision visée ci-dessus, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 145-6 et L. 145-7 du code de la sécurité sociale fixant la composition, respectivement, de la section des assurances sociales du conseil régional et de la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ; que, par suite, les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de ces dispositions législatives et des dispositions réglementaires prises pour leur application doivent être écartés ;

3. Considérant, d'autre part, qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du conseil national, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des praticiens poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'ainsi, alors même que les caisses de sécurité sociale et les praticiens conseils ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre, la présence, au sein de la juridiction d'appel, de deux praticiens conseils appartenant au même corps que les autorités ayant instruit la plainte de M. B...ne peut être regardée comme portant atteinte à l'exigence d'indépendance et d'impartialité des juridictions telle qu'elle résulte de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de ce que la composition de la juridiction de première instance définie par l'article L. 145-6 du code de la sécurité sociale serait irrégulière au regard des mêmes stipulations, qui n'a pas été invoqué devant les juges du fond, n'est pas d'ordre public ; qu'il ne peut, par suite, être utilement invoqué pour contester le bien fondé de la décision attaquée ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa du IV de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 13 août 2004 et relatif à l'analyse de l'activité des professionnels de santé par le service du contrôle médical : " (...) La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret " ; qu'en application de ces dispositions, le décret du 1er février 2007 a précisé les modalités de l'entretien prévu à l'article R. 315-1-2 de ce code et les suites attachées à cette procédure, par des dispositions insérées aux D. 315-1 à D. 315-3 ; qu'aux termes de ce dernier article : " A l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D. 315-2 ou, à défaut, à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article R. 315-1-2, la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. A défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé. " ;

5. Considérant que, s'il résulte de ces dispositions qu'est irrecevable la plainte d'une caisse qui n'a pas informé le professionnel de santé contrôlé, dans le délai qu'elles fixent, des suites qu'elle envisage de donner aux griefs notifiés, elles ne font pas obstacle à ce que la plainte déposée par une caisse qui a satisfait en temps utile à cette obligation d'information fasse état d'autres manquements reprochés à ce praticien - la juridiction disciplinaire, saisie de l'ensemble du comportement du praticien, pouvant au demeurant se fonder elle-même sur des griefs qui n'ont pas été dénoncés dans la plainte - sous réserve que, conformément au principe des droits de la défense, le praticien poursuivi soit mis à même de s'expliquer, dans le cadre de la procédure suivie devant cette juridiction, sur l'ensemble des griefs susceptibles d'être retenus à son encontre ; qu'il suit de là qu'après avoir relevé que la caisse avait saisi la juridiction de première instance d'une plainte se fondant sur de nombreux griefs nouveaux qui n'avaient pas été mentionnés dans l'information délivrée à M. B...conformément aux dispositions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette circonstance était, par elle-même, sans incidence sur la recevabilité de cette plainte ; que, ce faisant, la juridiction d'appel n'a pas méconnu le droit de ce praticien à ce que son recours soit jugé par un tribunal disposant d'une plénitude de juridiction, conformément à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, enfin, que, selon les dispositions de l'article R. 4126-30 du code de la santé publique, applicables en vertu de l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale à la procédure devant les sections des assurances sociales, les décisions prononçant une peine d'interdiction temporaire d'exercer la profession ou de radiation " fixent la période d'exécution ou la date d'effet de cette sanction en tenant compte du délai d'appel et, s'agissant de la chambre nationale, le cas échéant, du délai d'opposition " ; que ces dispositions n'imposent à la juridiction d'appel, pour fixer la période d'exécution ou la date d'effet de cette sanction, de tenir compte du délai d'exercice des voies de recours qu'en ce qui concerne la seule voie de l'opposition, ouverte à l'égard des décisions rendues par défaut ; qu'en l'espèce, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas méconnu le droit au recours effectif garanti notamment pas les stipulations de l'article 6 de la convention déjà mentionnée en fixant au 1er octobre 2010 la prise d'effet de la sanction prononcée par sa décision du 24 juin 2010 ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme que le médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Rennes et la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine demandent au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Rennes et de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Rennes.

Copie en sera adressée pour information à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 342699
Date de la décision : 31/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

62-02-01-01 SÉCURITÉ SOCIALE. RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES. RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS DE SANTÉ. MÉDECINS. - CONTRÔLE MÉDICAL - ANALYSE DE L'ACTIVITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DISPENSANT DES SOINS AUX ASSURÉS SOCIAUX (IV DE L'ART. L. 315-1 DU CSS) - RECEVABILITÉ DE LA PLAINTE DE LA CAISSE DEVANT LES JURIDICTIONS CHARGÉES DU CONTRÔLE TECHNIQUE - CONDITIONS - INFORMATION DU PROFESSIONNEL DANS LE DÉLAI RÉGLEMENTAIRE (ART. D. 315-3 DU MÊME CODE) - INCLUSION [RJ1] - PORTÉE - CAS OÙ L'INFORMATION N'A PORTÉ QUE SUR UNE PARTIE DES MANQUEMENTS - RECEVABILITÉ DE LA PLAINTE DANS SON ENSEMBLE - EXISTENCE.

62-02-01-01 S'il résulte de ces dispositions du premier alinéa du IV de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale (CSS) et du décret n° 2007-146 du 1er février 2007 qu'est irrecevable la plainte d'une caisse qui n'a pas informé le professionnel de santé contrôlé, dans le délai qu'elles fixent, des suites qu'elle envisage de donner aux griefs notifiés, elles ne font pas obstacle à ce que la plainte déposée par une caisse qui a satisfait en temps utile à cette obligation d'information fasse état d'autres manquements reprochés à ce praticien - la juridiction disciplinaire, saisie de l'ensemble du comportement du praticien, pouvant au demeurant se fonder elle-même sur des griefs qui n'ont pas été dénoncés dans la plainte - sous réserve que, conformément au principe des droits de la défense, le praticien poursuivi soit mis à même de s'expliquer, dans le cadre de la procédure suivie devant cette juridiction, sur l'ensemble des griefs susceptibles d'être retenus à son encontre.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 26 octobre 2011,,, n° 329295, T. pp. 748-1166.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2014, n° 342699
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:342699.20140331
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