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31/03/2014 | FRANCE | N°358820

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 31 mars 2014, 358820


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 8 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 10445/10446 du 24 février 2012 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins en tant, d'une part, qu'elle a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 48 du 14 avril 2009 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Centre, statuant sur les plaintes de Mme C...et du conseil d

partemental de l'Indre, lui avait infligé un blâme et, d'autre part, l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 8 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 10445/10446 du 24 février 2012 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins en tant, d'une part, qu'elle a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision n° 48 du 14 avril 2009 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Centre, statuant sur les plaintes de Mme C...et du conseil départemental de l'Indre, lui avait infligé un blâme et, d'autre part, lui a interdit d'exercer la médecine pendant trois mois, dont deux avec sursis, et a rendu exécutoire la partie ferme de cette sanction à compter du 1er septembre 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Orban, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M.B..., à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du conseil départemental de l'Indre et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

1. Considérant, d'une part, qu'en relevant que MmeC..., en sa qualité de responsable des explorations fonctionnelles dans l'unité d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie faciale du centre hospitalier de Châteauroux, avait intérêt à former une plainte contre M. B... en raison des incidences que son comportement pouvait avoir sur le fonctionnement de cette unité, la chambre a suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne la recevabilité de la plainte de l'intéressée ;

2. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci n'a pas omis d'écarter les moyens de M. B...tirés de l'irrégularité des conditions dans lesquelles le conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre a décidé de former une plainte ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

En ce qui concerne la recevabilité des plaintes :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la chambre disciplinaire de première instance du Centre a été saisie de plaintes émanant de Mme C... et du conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre, qui s'est associé à la plainte du praticien, en application de l'article R. 4126-1 du code de la santé publique ;

4. Considérant, d'une part, qu'en retenant, pour le motif exposé ci-dessus, que Mme C...avait intérêt à porter plainte contre M. B..., la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ; qu'au vu des éléments très imprécis allégués par M.B..., elle a pu légalement estimer qu'il ne résultait pas des pièces du dossier que le conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre avait siégé irrégulièrement pour décider de s'associer à la plainte de Mme C...;

5. Considérant, d'autre part, que, dès lors que la juridiction disciplinaire nationale était régulièrement saisie par la plainte du conseil départemental de l'ordre de l'Indre dont la recevabilité, même en l'absence de conciliation, n'était pas subordonnée à celle de la plainte de MmeC..., la chambre nationale n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que Mme C...avait pu valablement présenter de nouveaux griefs postérieurement au procès-verbal d'échec de conciliation, cette circonstance étant, en tout état de cause, sans influence sur la recevabilité des griefs dont la juridiction disciplinaire était saisie ;

En ce qui concerne le grief tiré du défaut de transmission du contrat d'activité libérale :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 4113-9 et R. 6154-4 du code de la santé publique, il appartient aux médecins de communiquer aux conseils compétents de leur ordre les contrats relatifs à l'exercice de leur activité libérale dans le mois suivant leur conclusion ;

7. Considérant qu'en estimant que la circonstance que l'activité libérale au titre de laquelle M. B...exerçait son activité d'épilation sur le corps entier était nécessairement connue du président du conseil départemental de l'ordre, dont il était le suppléant, ne le dispensait pas de transmettre son contrat d'activité libérale, la chambre disciplinaire n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ; que, par suite, elle a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique des faits, qualifier de fautif le retard de plusieurs années dans la transmission de ce contrat par M. B...;

En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 6154-2 du code de la santé publique :

8. Considérant qu'il résulte de cet article que l'activité libérale dans les établissements publics de santé s'exerce, notamment, à la condition " que les praticiens exercent personnellement et à titre principal une activité de même nature dans le secteur hospitalier public " ; que la chambre disciplinaire nationale a relevé que M.B..., qualifié en oto-rhino-laryngologie, pratiquait, dans le cadre de son activité libérale au centre hospitalier de Châteauroux, l'épilation au laser du corps entier en utilisant le photo-épilateur de l'établissement et a estimé, par une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation, que cette pratique avait une finalité purement esthétique et non justifiée par des considérations thérapeutiques relatives à l'oto-rhino-laryngologie ; qu'en en déduisant que, dans les conditions où elle s'exerçait, l'épilation au laser pratiquée par M. B...ne pouvait être regardée comme étant de même nature que son activité principale dans le secteur public, la chambre nationale n'a ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne le niveau de la sanction :

9. Considérant qu'en estimant que les manquements de M. B...à ses obligations justifiaient que lui soit infligée une interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois, dont deux avec sursis, la chambre disciplinaire a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 500 euros à verser au conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : M. B...versera une somme de 3 500 euros au conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...B..., au conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Indre et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Copie en sera adressée pour information à Mme A...C....


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 358820
Date de la décision : 31/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - PROCÉDURE DEVANT LES CHAMBRES DISCIPLINAIRES DE L'ORDRE DES MÉDECINS - JONCTION - POSSIBILITÉ DE JOINDRE DES PLAINTES CONCERNANT DES PRATICIENS DISTINCTS - EXISTENCE (SOL - IMPL - ) [RJ1].

54-07-01 Les chambres disciplinaires de l'Ordre des médecins ne commettent pas d'irrégularité en joignant des plaintes concernant des praticiens distincts.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MÉDECINS - RÈGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX MÉDECINS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - SUBORDINATION DE L'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ LIBÉRALE À LA CONDITION QUE LE PRATICIEN EXERCE PERSONNELLEMENT ET À TITRE PRINCIPAL UNE ACTIVITÉ DE MÊME NATURE DANS LE SECTEUR HOSPITALIER PUBLIC (ART - L - 6154-2 DU CSP) - NOTION D'ACTIVITÉ DE MÊME NATURE - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

55-03-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits opérée par les juges du fond lorsqu'ils apprécient le respect, par un praticien exerçant une activité libérale dans un établissement public de santé, de la condition d'exercice d'une activité de même nature dans le secteur hospitalier public posée par l'article L. 6154-2 du code de la santé publique (CSP).

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE TRANSMETTANT LA PLAINTE D'UN PARTICULIER À LAQUELLE IL S'ASSOCIE - RECEVABILITÉ DES GRIEFS - EXISTENCE - EN DÉPIT DE L'ÉVENTUELLE IRRÉGULARITÉ DE LA PLAINTE DU PARTICULIER [RJ2].

55-04-01-01 Dès lors que la juridiction disciplinaire nationale est régulièrement saisie par la plainte d'un conseil départemental dont la recevabilité, même en l'absence de conciliation, n'est pas subordonnée à celle de la plainte du particulier dont le conseil départemental a transmis la plainte en s'y associant, l'éventuelle irrégularité, pour défaut de conciliation, de la plainte du particulier est sans influence sur la recevabilité des griefs dont la juridiction disciplinaire est saisie.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - CHAMBRES DISCIPLINAIRES DE L'ORDRE DES MÉDECINS - FACULTÉ DE JOINDRE DES PLAINTES CONCERNANT DES PRATICIENS DISTINCTS - EXISTENCE [RJ1].

55-04-01-03 Les chambres disciplinaires de l'Ordre des médecins ne commettent pas d'irrégularité en joignant des plaintes concernant des praticiens distincts.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES DEVANT LE CONSEIL D'ETAT - POUVOIRS DU JUGE - CONSEIL D'ÉTAT JUGE DE CASSATION - SUBORDINATION DE L'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ LIBÉRALE À LA CONDITION QUE LE PRATICIEN EXERCE PERSONNELLEMENT ET À TITRE PRINCIPAL UNE ACTIVITÉ DE MÊME NATURE DANS LE SECTEUR HOSPITALIER PUBLIC (ART - L - 6154-2 DU CSP) - NOTION D'ACTIVITÉ DE MÊME NATURE - CONTRÔLE DE L'APPRÉCIATION PORTÉE PAR LES JUGES DU FOND - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS.

55-05-01-03 Le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits opérée par les juges du fond lorsqu'ils apprécient le respect, par un praticien exerçant une activité libérale dans un établissement public de santé, de la condition d'exercice d'une activité de même nature dans le secteur hospitalier public posée par l'article L. 6154-2 du code de la santé publique (CSP).


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant du caractère d'ordre public en cassation de l'irrégularité d'une jonction, CE, 27 juin 1980,,, n° 22929, T. pp. 845-854-866. Comp., sous le régime de la non publicité des audiences, même décision et CE, 20 octobre 1978,,, n° 6302, p. 389.,,

[RJ2]

Cf., sur l'existence de deux plaintes distinctes (celle du particulier et celle du conseil de l'Ordre qui s'y associe), CE, 4 décembre 2013, Mme,, n° 356479, à mentionner aux Tables. Comp., pour le cas où le conseil départemental transmet la plainte du particulier sans s'y associer, CE, 15 juin 2011,,, n° 324982, p. 293.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 2014, n° 358820
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Orban
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358820.20140331
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