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03/04/2014 | FRANCE | N°364315

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 03 avril 2014, 364315


Vu le pourvoi, enregistré le 5 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX01947 du 4 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, sur la requête de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Vernon, d'une part, le jugement n° 0902924 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demand

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Vu le pourvoi, enregistré le 5 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX01947 du 4 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, sur la requête de l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Vernon, d'une part, le jugement n° 0902924 du 14 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de cette ACCA tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2009 par lequel le préfet de la Vienne a exclu, à compter du 28 octobre 2010, les parcelles cadastrées section B, n° 114 et n°119, appartenant à Mme B...A..., du territoire de chasse soumis à l'action de l'association, d'autre part, l'arrêté du préfet de la Vienne du 22 octobre 2009 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par l'ACCA de Vernon devant cette cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'association communale de chasse agréée de Vernon ;

1. Considérant qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par arrêté du 22 octobre 2009, le préfet de la Vienne a fait droit à la demande présentée le 19 février 2009 par MmeA..., sur le fondement du 5° de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, tendant à ce que, au nom des convictions personnelles de l'intéressée opposées à la pratique de la chasse, les parcelles dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Vernon soient exclues des territoires dévolus à l'association communale de chasse agréée (ACCA) de Vernon ; que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de l'ACCA tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur la requête de l'ACCA, annulé ce jugement et l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2009 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement : "L'association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : (... ) / 5° Ayant fait l'objet de l'opposition de propriétaires, de l'unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds (...)" ;

3. Considérant que pour faire droit aux conclusions de l'ACCA tendant à l'annulation du jugement frappé d'appel et de l'arrêté litigieux, la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la déclaration d'opposition présentée au préfet sur le fondement du 5° de l'article L. 422-10 avait été précédée d'un courrier adressé au président de l'association communale de chasse, dans lequel Mme A...indiquait que, dans l'hypothèse où l'ACCA ne donnerait pas suite à sa proposition de lui louer son terrain pour une activité cynégétique pour un montant annuel de 1 500 euros, elle demanderait le retrait de ses terres de l'ACCA ; que la cour a estimé que, eu égard aux termes du courrier adressé à l'ACCA, Mme A... devait être regardée comme poursuivant un intérêt financier, étranger à l'expression de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse ; qu'il résulte toutefois de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 422-10, " lorsque le propriétaire déclare s'opposer à la pratique de la chasse sur ses biens au nom ou à raison de ses convictions personnelles, son opposition ne saurait faire l'objet d'aucune demande de justification " ; que, par suite, il n'appartient pas au préfet, saisi d'une demande d'un propriétaire tendant au retrait de ses terres du territoire dévolu à une ACCA en raison de ses convictions personnelles opposées à la chasse, de porter une appréciation sur la sincérité de ces convictions ; que, dès lors, en se fondant sur l'absence de sincérité des convictions personnelles de Mme A...pour censurer la décision préfectorale litigieuse, la cour a commis une erreur de droit ; que le ministre est ainsi fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que la circonstance que Mme A...aurait poursuivi un intérêt personnel sous couvert de l'opposition dont elle s'est prévalue dans sa demande, au nom de convictions personnelles, vis-à-vis de l'activité cynégétique ne pouvait légalement justifier le rejet de sa demande par le préfet de la Vienne ; que, dès lors, l'ACCA de Vernon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente affaire la partie perdante, le versement de la somme que l'ACCA de Vernon demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'elles font également obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante devant la cour administrative de Bordeaux, au titre des frais exposées par l'ACCA de Vernon devant cette cour et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association la somme que Mme A...demande au titre des frais qu'elle a exposés devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 4 octobre 2012 est annulé.

Article 2 : La requête présentée devant cette cour par l'association communale de chasse agréée de Vernon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association communale de chasse agréée de Vernon devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Bordeaux tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles présentées par Mme B...A... devant cette cour et tendant aux mêmes fins sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à l'association communale de chasse agréée de Vernon et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 364315
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-046-04 NATURE ET ENVIRONNEMENT. - OPPOSITION D'UN PROPRIÉTAIRE À L'INCLUSION DE SES TERRAINS DANS LE TERRITOIRE D'UNE ACCA EN RAISON DE SES CONVICTIONS PERSONNELLES - POSSIBILITÉ DE PORTER UNE APPRÉCIATION SUR LA SINCÉRITÉ DE CES CONVICTIONS - ABSENCE.

44-046-04 Compte tenu de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'environnement doivent être lues comme faisant obstacle à ce que le préfet, lorsqu'il est saisi par un propriétaire d'une demande tendant au retrait de ses terres du territoire dévolu à une association communale de chasse agréée (ACCA) en raison de ses convictions personnelles opposées à la chasse, porte une appréciation sur la sincérité de ces convictions.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 2014, n° 364315
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364315.20140403
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