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23/07/2014 | FRANCE | N°360298

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 23 juillet 2014, 360298


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et les nouveaux mémoires, enregistrés les 18 juin, 18 septembre et 6 novembre 2012 et le 30 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MmeB..., demeurant... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 028-2010 du 16 mars 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, après avoir annulé la décision du 12 juillet 2010 de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes

d'Ile-de-France et de La Réunion, lui a infligé la sanction de l'interd...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et les nouveaux mémoires, enregistrés les 18 juin, 18 septembre et 6 novembre 2012 et le 30 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MmeB..., demeurant... ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 028-2010 du 16 mars 2012 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, après avoir annulé la décision du 12 juillet 2010 de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Ile-de-France et de La Réunion, lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant huit mois, dont quatre mois avec sursis ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision de la chambre disciplinaire de première instance et de rejeter les plaintes présentées contre elle ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion et de la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin le versement d'une somme de 4 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juillet 2014, présentée pour la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la décision du 26 novembre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B...;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de MmeB..., à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du Conseil national de l'ordre des masseurs- kinésithérapeutes ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., qui avait exercé la profession de masseur-kinésithérapeute d'octobre 2005 à novembre 2008 comme collaboratrice de la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin dans un cabinet situé au 146, chemin du Père-Raimbault, quartier de La Montagne, à Saint-Denis, a formé le projet de s'établir à son propre compte à cette même adresse ; que la SCP s'y est opposée en invoquant les dispositions de l'article R. 4321-133 du code de la santé publique, aux termes duquel : " Le masseur-kinésithérapeute ne doit pas s'installer dans un immeuble où exerce un confrère sans l'accord de celui-ci ou sans l'autorisation du conseil départemental de l'ordre. Cette autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés d'un risque de confusion pour le public (...) " ; que le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion a soumis à Mme B...et à la SCP, le 14 mars 2009, un " protocole d'accord ", dans lequel il était prévu que Mme B...serait inscrite au tableau de l'ordre sous réserve qu'elle s'engage à ne pas exercer dans le secteur administratif de Saint-Bernard, quartier de La Montagne, pendant une durée de trois ans ; que Mme B...a pris cet engagement le 16 mars 2009 et a été inscrite au tableau de l'ordre le 19 mars 2009 ; que, par une lettre du 13 juillet 2009, elle a toutefois informé le conseil départemental qu'elle s'installait dans un local professionnel situé au 146, chemin du Père-Raimbault ; que la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France et de La Réunion de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, saisie de plaintes de la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin et du conseil départemental dirigées contre MmeB..., a infligé à cette dernière la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pendant deux mois, dont un mois avec sursis ; que Mme B... et la SCP ont fait appel devant la chambre de discipline nationale qui, par une décision du 16 mars 2012, après avoir annulé la décision de première instance en raison d'un vice de procédure, a infligé à l'intéressée une interdiction d'exercice d'une durée de huit mois, dont quatre mois avec sursis, au motif qu'en ne respectant pas l'engagement pris le 16 mars 2009, elle avait méconnu, d'une part, les prescriptions précitées de l'article R. 4321-133 du code de la santé publique et, d'autre part, les dispositions de l'article R. 4321-99 du même code qui interdisent tout manquement à la confraternité ; que Mme B...doit être regardée comme demandant l'annulation de cette décision en tant qu'après avoir annulé pour irrégularité la décision des premiers juges, elle lui inflige cette sanction ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le document intitulé " protocole d'accord ", établi par le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion le 14 mars 2009, prévoit à son article 1er que le conseil départemental inscrira Mme B...au tableau de l'ordre sous réserve qu'elle s'engage, comme le prévoit l'article 3 du même document, à ne pas exercer dans le secteur administratif de Saint-Bernard, quartier de La Montagne, pendant une durée de trois ans ; que l'article 2 du document autorise l'intéressée à ouvrir son cabinet principal rue du Moulin-à-Vent à Saint-Denis conformément au bail professionnel qu'elle a produit ; que l'article 4 constate que la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin renonce à poursuivre Mme B...du chef de concurrence déloyale si celle-ci respecte le " protocole d'accord " pendant une durée de trois ans ; que le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a ainsi pris, le 14 mars 2009, une décision subordonnant l'inscription de Mme B...au tableau de l'ordre au respect de conditions qu'il n'avait pas compétence pour édicter et qui sont, par suite, entachées d'illégalité, alors même qu'elles auraient été acceptées par MmeB... ; que si la chambre disciplinaire nationale pouvait sanctionner Mme B...pour avoir méconnu les dispositions de l'article R. 4321-133 du code de la santé publique en s'installant dans un immeuble où exerçait déjà un confrère sans l'accord de celui-ci et sans l'autorisation du conseil départemental de l'ordre, elle a entaché sa décision d'une erreur de droit en tenant compte, pour prononcer la sanction litigieuse, de la méconnaissance par l'intéressée des conditions prévues dans le document du 14 mars 2009 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle lui inflige la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant huit mois, dont quatre mois avec sursis ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion et de la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin la somme de 2 000 euros chacun à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de la décision du 16 mars 2012 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Article 3 : Le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion et la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin verseront à Mme B...la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin et par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de La Réunion, à la SCP Cerclier - Commandre - Poppe - Scattolin, au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes et à la ministre des affaires sociales et de la santé.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360298
Date de la décision : 23/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 360298
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360298.20140723
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