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31/10/2014 | FRANCE | N°372042

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 31 octobre 2014, 372042


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 11 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY01366 du 11 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, sur la requête présentée par la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, a, d'une part, annulé le jugement n° 0803616 du 30 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la chambre de commerce et d'industrie de

la Savoie à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des p...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 11 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY01366 du 11 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, sur la requête présentée par la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie, a, d'une part, annulé le jugement n° 0803616 du 30 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il a subis du fait de son licenciement, d'autre part, rejeté sa demande d'indemnisation présentée devant le tribunal administratif de Grenoble ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M.B..., et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie et de la Savoie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M.B..., directeur adjoint du groupe ESC et directeur commercial de la chambre de commerce et de l'industrie (CCI) de la Savoie, a fait l'objet d'un licenciement pour suppression d'emploi notifié le 7 février 2008 ; que sur la requête de M.B..., le tribunal administratif de Grenoble a condamné la CCI de la Savoie à lui verser la somme de 20 000 euros en raison des préjudices subis du fait de ce licenciement ; que M. B...demande l'annulation de l'arrêt du 11 juillet 2013, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, que le juge peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; qu'il appartient au juge de cassation, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier si les juges du fond ont ou non exactement qualifié de harcèlement moral les faits soumis à leur appréciation ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., directeur adjoint du groupe ESC, a porté, en juillet 2007, à la connaissance du directeur général de la chambre consulaire ce qu'il estimait être diverses irrégularités de gestion de la part de son supérieur hiérarchique, le directeur du groupe ESC ; que, par un courrier daté du 16 juillet 2007, le directeur général de la CCI a invité M. B...à " rentrer dans le rang " ou à " quitter le groupe " ; qu'après avoir été sommé de rester à son domicile sans travailler à compter du 1er août 2007, M. B...a été, le 1er septembre, affecté sur un emploi créé pour lui dont le contenu n'a pas été précisément défini ; que dans le cadre de cette nouvelle affectation, M. B...s'est vu successivement infliger un avertissement, le 3 octobre 2007, puis un blâme, le 22 octobre suivant, pour les mêmes faits ; que cette seconde sanction a ultérieurement été annulée par le tribunal administratif de Grenoble ; que la détérioration de ses conditions de travail due à ces décisions défavorables successives et contradictoires pour n'avoir pas accompli des tâches peu définies ont conduit M.B..., qui avait depuis son recrutement en 1993 comme enseignant toujours donné satisfaction, à un état dépressif qualifié de majeur justifiant des congés maladies reconduits du 8 octobre 2007 au 10 février 2008 ; qu'alors qu'il avait été réintégré à sa demande dans son poste initial à compter du 14 novembre 2007, une réorganisation des services du groupe ESC a été décidée en son absence, dès le 26 novembre 2007, conduisant à la suppression de trois postes mais, en pratique, à son seul licenciement, prononcé à l'issue d'une procédure entièrement conduite entre le 26 décembre 2007 et le 3 janvier 2008 durant la période où il se trouvait en congés de maladie ; que, dès lors, en retenant que M. B...n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur pour faire droit à l'appel de la CCI et annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de répondre à l'autre moyen du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, que le comportement de la CCI de la Savoie à l'égard de M. B...caractérise, dans les circonstances de l'espèce, un harcèlement moral ; que ce dernier a droit à la réparation intégrale de son préjudice ;

6. Considérant, en second lieu, que, eu égard aux responsabilités de M. B... au sein de la chambre de commerce et d'industrie, à son ancienneté et aux circonstances de son licenciement qui ont été exposées au point 3, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles de toute nature qu'il a subis dans ses conditions d'existence, en l'évaluant à la somme de 20.000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter tant l'appel présenté par la CCI de la Savoie que les conclusions d'appel incident présentées par M. B... contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mars 2012 ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande à ce titre la CCI de la Savoie ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI de la Savoie la somme de 5 000 euros à verser à M. B...au titre des frais qu'il a exposés tant devant la cour administrative d'appel de Lyon que devant le Conseil d'Etat et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 11 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La requête de la CCI de la Savoie devant la cour administrative d'appel de Lyon et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'appel incident de M. B...devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.

Article 4 : La CCI de la Savoie versera à M. B...une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la chambre de commerce et d'industrie de la Savoie.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 372042
Date de la décision : 31/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 oct. 2014, n° 372042
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:372042.20141031
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