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19/11/2014 | FRANCE | N°352682

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 19 novembre 2014, 352682


Vu le pourvoi, enregistré le 14 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09PA00398 du 30 juin 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n° 0800333 du 18 novembre 2008 du tribunal administratif de la Polynésie française, a annulé la décision du 3 décembre 2007 du vice-recteur de la Polynésie française informant M. A...Tr

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Vu le pourvoi, enregistré le 14 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 09PA00398 du 30 juin 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n° 0800333 du 18 novembre 2008 du tribunal administratif de la Polynésie française, a annulé la décision du 3 décembre 2007 du vice-recteur de la Polynésie française informant M. A...Tristani qu'un titre de perception serait émis à son encontre pour un montant de 1 914 911 FCFP (16 046,95 euros) au titre de l'indemnité d'occupation d'un logement de fonctions au sein de l'université de la Polynésie française, la décision du 13 février 2008 rejetant le recours gracieux de M. Tristani contre cette décision et le titre de perception émis le 11 janvier 2008 pour un montant de 1 914 911 FCFP, et condamné l'Etat à rembourser à M. Tristani la somme de 16 046,95 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2009 et jusqu'à la date du reversement par l'administration, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 19 avril 2010, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice subi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 ;

Vu le décret n° 83-1033 du 3 décembre 1983 ;

Vu l'arrêté interministériel du 2 décembre 2002 relatif à l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon de l'article 4 du décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer, modifié par le décret n° 85-1237 du 25 novembre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A...Tristani ;

1. Considérant que M. Tristani, conseiller d'administration scolaire et universitaire, a été détaché sur l'emploi fonctionnel de secrétaire général d'établissement public d'enseignement supérieur à l'université de la Polynésie française à compter du 21 septembre 2004 ; qu'il a transféré le centre des ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française à compter du 2 août 2005 ; qu'entre février 2005 et mars 2007, il a occupé un logement de fonction en contrepartie du bénéfice duquel aucune retenue n'a été prélevée sur son traitement ; qu'à compter du mois de mars 2007, le trésorier payeur général et le vice-recteur de la Polynésie française, estimant que M. Tristani avait irrégulièrement bénéficié du dispositif ouvrant, dans certains cas, droit à exonération de retenue sur salaire en contrepartie de l'occupation d'un logement de fonctions outre-mer, ont entrepris de régulariser sa situation ; qu'à la suite de plusieurs échanges entre le vice-recteur de la Polynésie française et M. Tristani, ce dernier a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les décisions et le titre de perception afférents au remboursement de l'avantage financier correspondant à l'absence de retenues effectuées sur son traitement pour la période durant laquelle il a occupé un logement de fonctions ; que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de l'arrêt du 13 juillet 2011 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française, a annulé les décisions et titre de perception litigieux et condamné l'Etat à rembourser M. Tristani la somme de 16 046,95 euros, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice subi ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la période antérieure au 2 août 2005, date du transfert en Polynésie française des intérêts matériels et moraux de M. Tristani :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'Outre-mer : " Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie " ; que l'article 3 de ce décret dispose que : " La mise à la disposition des magistrats et fonctionnaires de l'Etat visés à l'article premier ci-dessus d'un logement et d'un ameublement donne lieu à une retenue précomptée mensuellement sur leur rémunération " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même texte : " Les titulaires de logements de fonctions pour lesquels aucune retenue ne sera opérée seront limitativement désignés par arrêté conjoint du ministre d'Etat chargé de la fonction publique, du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'Outre-mer et du ministre de l'économie et des finances " ;

3. Considérant qu'aux termes du k) de l'article 1er de l'arrêté du 2 décembre 2002 pris pour l'application des dispositions de l'article 4 du décret du 29 novembre 1967 citées au point 2, figurent au nombre des titulaires de logements de fonctions pour lesquels aucune retenue ne sera opérée : " Sous réserve qu'ils soient logés dans l'établissement d'enseignement, les proviseurs et les proviseurs adjoints de lycée, les principaux et les principaux adjoints de collège, les conseillers principaux d'éducation et les personnels de l'administration scolaire et universitaire " ; que ces dispositions ne peuvent bénéficier qu'aux personnes logées dans un établissement d'enseignement secondaire et occupant l'un des emplois qu'elles désignent ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, s'il était membre du corps des conseillers d'administration scolaire et universitaire, M. Tristani, détaché de ce corps, occupait en Polynésie française l'emploi de secrétaire général d'université ; que cet emploi n'est pas au nombre de ceux mentionnés par les dispositions précitées du k) de l'article 1er de l'arrêté du 2 décembre 2002 ; qu'ainsi, en jugeant que M. Tristani avait pu légalement bénéficier des dispositions de l'article 4 du décret du 29 novembre 1967, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la période postérieure au transfert en Polynésie française des intérêts matériels et moraux de M. Tristani :

5. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que si une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage, tel n'est en revanche pas le cas des mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance d'une décision prise antérieurement ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a continué, pendant un certain temps, en application d'une décision prise antérieurement au transfert par M. Tristani de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française, intervenu le 2 août 2005, à accorder à ce dernier le bénéfice des dispositions de l'article 4 du décret du 29 novembre 1967 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en se bornant ainsi à procéder à la liquidation d'une créance née antérieurement au 2 août 2005, l'administration n'a pas créé de droits au profit de M. Tristani et pouvait, par suite, corriger à tout moment cette erreur de liquidation et mettre fin à cet avantage financier indument perçu ; qu'il suit de là que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondé à soutenir que la cour a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la décision implicite par laquelle l'administration a continué à accorder le bénéfice des dispositions de l'article 4 du décret du 29 novembre 1967 à M. Tristani après le transfert par ce dernier de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française constituait une décision créatrice de droits insusceptible de recours à l'issue d'un délai de quatre mois à compter de son adoption ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions de M. Tristani présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. A...Tristani.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 352682
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 352682
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Iljic
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:352682.20141119
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