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19/11/2014 | FRANCE | N°361267

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 19 novembre 2014, 361267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Montaigne Direct a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2001 et du 1er janvier au 31 décembre 2004 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis.

Par un jugement n° 0705597 et 0807251 du 23 juin 2010, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des pénalités et a rejeté le surplus des conclusions des demandes. >
Par un arrêt n° 10PA03758 du 7 juin 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Montaigne Direct a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2001 et du 1er janvier au 31 décembre 2004 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis.

Par un jugement n° 0705597 et 0807251 du 23 juin 2010, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des pénalités et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Par un arrêt n° 10PA03758 du 7 juin 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les conclusions de la société tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 23 juillet 2012, 23 octobre 2012 et 8 septembre 2014, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Montaigne Direct, représentée par Me A...en sa qualité de mandataire judiciaire, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 10PA03758 du 7 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la société soutient que la cour administrative d'appel de Paris :

- s'est abstenue de répondre aux moyens opérants tirés, d'une part, de la violation du principe du contradictoire à raison du défaut de communication d'une note visant le " statut des gélules à base de plantes, le 20 mars 2001, courrier AFSSAPS " à laquelle le rapport du pharmacien inspecteur régional du 26 avril 2005 faisait référence, et d'autre part, du caractère de simple avis exprimé dans ce rapport par le pharmacien inspecteur régional sollicité en application de l'article L. 45 A du livre des procédures fiscales ;

- a méconnu les règles régissant la charge de la preuve en jugeant qu'il lui incombait d'établir que ses catalogues de produits diffusés pour les années 2001 et 2004 n'étaient pas différents du catalogue de l'année 2002 sur lequel l'administration s'était appuyée pour établir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée ;

- a dénaturé les faits en qualifiant neuf produits de médicaments par présentation ;

- a insuffisamment motivé son arrêt, commis une erreur de droit et dénaturé les faits en estimant que l'administration fiscale établissait la nature de médicaments de seize produits qu'elle commercialisait, justifiant ainsi l'application du taux normal de 19,6 %, sans caractériser la finalité médicinale de ces produits ni examiner leurs caractéristiques au regard des critères de qualification fonctionnelle du médicament définis par la jurisprudence communautaire ;

- a méconnu l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 34 du TFUE, en jugeant que les articles 278 quater et 281 octies du code général des impôts, qui subordonnent l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, n'introduisaient aucune discrimination entre les produits en provenance d'autres Etats membres et les produits fabriqués en France ;

- n'a pas répondu à l'argument selon lequel les produits en litige avaient été autorisés à la vente en Belgique en qualité de compléments alimentaires ;

- a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique avec celles de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne devait être écarté au motif qu'elle ne soutenait pas avoir demandé d'autorisation de mise sur le marché ;

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la société Montaigne Direct.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Montaigne Direct, qui exerçait une activité de commercialisation de produits para-pharmaceutiques, a fait l'objet de vérifications de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 et du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, à l'issue desquelles l'administration fiscale a notamment remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % appliqué à certains des produits qu'elle avait commercialisés en tant que compléments alimentaires au cours des années 2001 et 2004, ainsi qu'aux frais de port de ces produits ; que la société Montaigne Direct se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Paris qui a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; que, toutefois, aux termes de l'article 278 bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon, portant sur les produits suivants : (...) 2° Produits destinés à l'alimentation humaine (...) " ; qu'aux termes de l'article 278 quater du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon, portant sur les préparations magistrales, produits officinaux et médicaments ou produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine et faisant l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, qui ne sont pas visés à l'article 281 octies " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige: " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques " ;

4. Considérant qu'il résulte de la définition du médicament par fonction donnée par ces dispositions, prises pour la transposition de la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne, que pour décider si un produit relève de la définition du médicament par fonction, il y a lieu de procéder à un examen au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment, sa composition, ses propriétés pharmacologiques, telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 45 A du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsqu'une vérification de comptabilité ou une procédure de redressement requiert des connaissances techniques particulières, l'administration peut faire appel aux conseils techniques d'agents de l'Etat ou des établissements publics figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé du budget " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'avis émis par un technicien sollicité par l'administration fiscale dans l'exercice de ses missions de contrôle a pour seul objet de l'éclairer lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières et ne saurait ni s'imposer à elle ni la dispenser d'exercer elle-même l'ensemble de ses pouvoirs de contrôle et, notamment, de justifier elle-même les rectifications qu'elle envisage ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en se bornant à relever que l'administration établissait la nature de médicaments des produits en litige en se référant au rapport établi par un pharmacien inspecteur régional de santé publique qu'elle avait consulté en application des dispositions précitées de l'article L. 45 A du livre des procédures fiscales, la cour a commis une erreur de droit ;

8. Considérant, en outre, que, pour qualifier les produits sur lesquels ont porté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés de médicaments par fonction et en déduire que, dès lors qu'ils n'avaient pas fait l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue par l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, il ne pouvait être fait application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, la cour, qui s'est bornée à se référer au rapport d'un pharmacien inspecteur régional de santé publique, n'a pas procédé à l'examen défini au point 4 ci-dessus ; qu'elle a ainsi insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Montaigne Direct est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Montaigne Direct au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Montaigne Direct la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Montaigne Direct et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 361267
Date de la décision : 19/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT). GÉNÉRALITÉS. - POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION FISCALE DE RECUEILLIR LES CONSEILS TECHNIQUES D'AUTRES FONCTIONNAIRES (ART. L. 45 A DU LPF) - PORTÉE.

19-01-03-02-01 Il résulte des dispositions de l'article L. 45 A du livre des procédures fiscales (LPF) que l'avis émis par un technicien sollicité par l'administration fiscale dans l'exercice de ses missions de contrôle a pour seul objet de l'éclairer lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières et ne saurait ni s'imposer à elle, ni la dispenser d'exercer elle-même l'ensemble de ses pouvoirs de contrôle et, notamment, de justifier elle-même les rectifications qu'elle envisage.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2014, n° 361267
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361267.20141119
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