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07/01/2015 | FRANCE | N°382916

France | France, Conseil d'État, 1ère ssjs, 07 janvier 2015, 382916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...AP..., Mme D...AT..., M. P...I..., Mme X...AM..., M. AB...N..., Mme AI...R..., M. AO...L..., Mme AH...AW..., M. AV...K..., Mme AN...AF..., M. AS...F..., Mme AQ...C..., M. B...U..., Mme AE...AR..., M. Q...Y..., Mme G...AK..., M. AL...AC..., Mme W...AG..., M. AJ...Z..., Mme AU... V..., M. AA...A..., Mme S...AD...et M. H...T...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et commun

autaires de la commune de Nailloux (Haute-Garonne).

Le préfet de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...AP..., Mme D...AT..., M. P...I..., Mme X...AM..., M. AB...N..., Mme AI...R..., M. AO...L..., Mme AH...AW..., M. AV...K..., Mme AN...AF..., M. AS...F..., Mme AQ...C..., M. B...U..., Mme AE...AR..., M. Q...Y..., Mme G...AK..., M. AL...AC..., Mme W...AG..., M. AJ...Z..., Mme AU... V..., M. AA...A..., Mme S...AD...et M. H...T...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Nailloux (Haute-Garonne).

Le préfet de la Haute-Garonne a déféré au tribunal administratif de Toulouse l'élection de Mme X...AM...et de M. AB...N...en qualité de conseillers communautaires de la commune de Nailloux à la communauté de communes Coteaux Lauragais Sud, à l'issue du scrutin organisé le 23 mars 2014.

Par un jugement n°s 1401492, 1401756 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'élection de Mme AM...et de M. N...en qualité de conseillers communautaires de la commune de Nailloux à la communauté de communes Coteaux Lauragais Sud et a rejeté la protestation de M. AP...et de ses colistiers.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.AP..., MmeAT..., M.I..., MmeAM..., M.N..., Mme R..., M.L..., M.K..., MmeAF..., M.F..., MmeC..., M.J..., Mme AR..., M.Y..., MmeAK..., M.AC..., MmeAG..., M.Z..., Mme V..., M.A..., Mme AD...et M. T...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 juin 2014 ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Nailloux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées à Nailloux le 23 mars 2014, ont été proclamés élus conseillers municipaux dix-huit candidats de la liste " Ensemble pour Nailloux ", conduite par M.O..., maire sortant, qui, avec 665 voix, soit 50,03 % des suffrages exprimés, a recueilli la majorité absolue de ces suffrages, et cinq candidats de la liste " Naillousains ", conduite par M.AP..., qui a obtenu 664 voix, soit 49,96 % des suffrages exprimés.

Sur le décompte des bulletins :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ". L'article R. 66-2 du même code énumère ceux des bulletins qui, étant nuls, n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement.

3. Il résulte de l'instruction que, lors du dépouillement des votes du bureau n° 1, un bulletin était inséré dans une enveloppe contenant également un trombone de couleur rose et une écorce d'agrume. Ces éléments, étrangers au bulletin par lequel l'électeur a manifesté sa volonté, constituent un signe de reconnaissance, au sens de l'article L. 66 du code électoral. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est à bon droit que ce suffrage a été déclaré nul par le bureau de vote, alors même qu'il n'entrerait dans aucune des catégories énumérées par l'article R. 66-2 du même code, et qu'un total de 664 voix a été comptabilisé au profit de la liste conduite par M.AP..., contre 665 pour celle conduite par M.O....

Sur la campagne électorale :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Aux termes de l'article L. 49 du même code : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ". Enfin, l'article L. 49-1 de ce code dispose : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de procéder, par un système automatisé ou non, à l'appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ".

5. Il résulte de l'instruction qu'est paru, le vendredi 21 mars 2014, dans le journal en ligne " La Dépêche.fr ", un article qui faisait état de la publication, sur un site internet, d'un classement des meilleurs maires de France, plaçant M.O..., maire de Nailloux, en huitième position, et était assorti d'une déclaration de l'intéressé par laquelle il se félicitait du classement ainsi obtenu. Toutefois, ce classement, qui avait été publié pour la première fois le 10 mars 2014, sur le site " L'internaute.com ", avait été repris le lendemain, soit le 11 mars, sur le site à vocation locale " Voix du midi - Journal du Lauragais " et avait été mis en ligne le 13 mars sur le site de campagne de M.O..., où il avait donné lieu à des échanges entre le candidat et les internautes. Ainsi, la publication de l'article de " La Dépêche.fr " le 21 mars 2014 ne contenait pas d'élément nouveau de polémique électorale auquel les candidats de la liste adverse n'auraient pas pu répondre utilement avant la fin de la campagne électorale. Les requérants ne sont donc, en tout état de cause, pas fondés à soutenir qu'elle serait intervenue en violation des dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral.

6. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus (...) ".

7. Il ne résulte pas de l'instruction que l'article publié par le journal " La Dépêche.fr " le 21 mars 2014, qui soulignait, il est vrai, le bon classement obtenu par M.O..., ait été publié autrement que sous la seule responsabilité éditoriale du journal et puisse être regardé comme une " campagne de promotion publicitaire " des réalisations ou de la gestion de la commune, en violation de l'article L. 52-1 du code électoral, ou comme une manoeuvre de nature à altérer le résultat du scrutin.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ".

9. Il résulte de l'instruction qu'a été distribuée dans la commune, à la fin de l'année 2013, une brochure intitulée " Bien vivre Ensemble, Bilan Nailloux 2008-2014 ", qui comportait un bilan de la mandature du maire sortant, ainsi que l'annonce de sa candidature. Cette brochure constituait toutefois un document de propagande électorale émanant du candidat et non un document publié sous la responsabilité et aux frais de la commune. Ainsi, quel que soit son contenu, elle ne peut être regardée comme une campagne de promotion publicitaire prohibée par l'article L. 52-1 du code électoral et n'a pas été distribuée en violation des dispositions de l'article L. 52-8 du même code.

10. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que la charte graphique utilisée dans cette brochure ait correspondu à celle ayant cours dans les documents émanant de la commune. Il n'en résulte pas non plus que la similitude entre l'intitulé de la brochure et le slogan utilisé par la commune " Bien vivre à Nailloux ", alors que la liste du maire sortant était dénommée " Ensemble pour Nailloux ", ait introduit une confusion susceptible de revêtir, en l'espèce, le caractère d'une manoeuvre ayant eu une incidence sur le résultat de l'élection, ni que les électeurs aient pu être induits en erreur par la mention de réalisations imputables à d'autres collectivités, ou encore par le port de vêtements, par le maire et certains élus, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une couleur évoquant celle du matériel de campagne de leur liste.

11. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la pose, par le maire, de la première pierre du futur " pôle associatif et culturel " de la commune, le 11 février 2014, événement auquel avaient été conviés les responsables d'associations, ait revêtu un caractère électoral. La circonstance, à la supposer établie, qu'un fichier, comportant l'adresse de ces derniers, ait été utilisé à cet effet n'a ainsi constitué ni une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, ni une violation de l'article L. 52-8 du code électoral. De même, ni cet événement, ni sa mention dans l'édition du journal " La Dépêche.fr " du 14 février 2014 n'ont méconnu l'article L. 52-1 de ce code, et ce alors même que le site de campagne du maire sortant comportait un lien vers cet article.

12. En quatrième lieu, il n'est pas établi qu'un fichier de la commune ait été utilisé pour l'envoi aux associations de Nailloux d'invitations à une réunion électorale ni aux parents d'élèves d'un courrier du maire sortant, en sa qualité de candidat, critiquant le projet de la liste adverse relatif à l'école de la commune. Si le directeur de l'école, rendu également destinataire de cette lettre par courriel, a pris l'initiative de la transmettre aux enseignants en utilisant le fichier d'adresses électroniques dont il disposait, cet envoi, pour regrettable qu'il soit, ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme une participation d'une personne morale au financement de la campagne électorale d'un candidat, en violation de l'article L. 52-8 du code électoral. Enfin, le choix de répliquer par courrier au projet de la liste adverse relatif l'école n'est pas constitutif d'une pression exercée sur les électeurs.

13. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les actions conduites par la municipalité à proximité du scrutin en matière de circulation, de stationnement et de plantations, alors même que la liste adverse critiquait l'équipe sortante sur ces sujets, puissent être regardées comme ayant le caractère d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

14. En dernier lieu, si le maire sortant a fait état de la " gestion rigoureuse des budgets " et de la " maîtrise de la fiscalité locale " dans des documents de propagande électorale, alors que des rapports de la chambre régionale des comptes de 2011 et 2012 avaient critiqué la gestion de la commune, les candidats de la liste adverse ont eu la possibilité, au cours de la campagne électorale, d'exposer les raisons pour lesquelles ils entendaient critiquer la gestion de l'équipe sortante. Ces mentions n'ont, ainsi, pas revêtu le caractère d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Nailloux.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. O...et des autres défendeurs présentées au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. O...et des autres défendeurs présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E...AP..., à M. P...O...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère ssjs
Numéro d'arrêt : 382916
Date de la décision : 07/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jan. 2015, n° 382916
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382916.20150107
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