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21/01/2015 | FRANCE | N°365124

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 21 janvier 2015, 365124


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 9 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC LIDL, dont le siège social est 35 rue Charles Péguy, à Strasbourg (67200), représentée par son représentant légal ; la SNC LIDL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10MA04253 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901251 du 20 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier

a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 9 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC LIDL, dont le siège social est 35 rue Charles Péguy, à Strasbourg (67200), représentée par son représentant légal ; la SNC LIDL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10MA04253 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901251 du 20 septembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 8 septembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section des Pyrénées-Orientales a annulé les avis d'inaptitude du médecin du travail des 26 septembre et 12 octobre 2007 et déclaré Mme B...apte au poste de caissière employée libre-service sous réserve d'un aménagement ergonomique pour la manutention des charges supérieures à dix kilos et de l'absence de travail au froid inférieur à 10° de façon prolongée (supérieur à 4 heures), d'autre part, de la décision du 12 janvier 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a confirmé la décision de l'inspecteur du travail de la deuxième section des Pyrénées-Orientales ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SNC LIDL et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 8 septembre 2008 confirmée le 12 janvier 2009 par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, l'inspecteur du travail a infirmé, sur recours de MmeA..., salariée de la SNC LIDL, les avis émis par le médecin du travail les 26 septembre et 12 octobre 2007 la déclarant inapte à un poste de caissière employée libre-service et apte à un poste de travail de bureau ou d'accueil ; que, par la même décision, l'inspecteur du travail a, après avoir recueilli l'avis du médecin inspecteur du travail, déclaré Mme A...apte au poste qu'elle occupait antérieurement à l'accident de trajet dont elle a été victime, celui de caissière employée libre-service, sous réserve d'un aménagement ergonomique pour la manutention des charges supérieures à dix kilos et de l'absence de travail au froid de façon prolongée ; que, par un jugement du 20 septembre 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SNC LIDL tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2008 et de la décision confirmative du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité du 12 janvier 2009 ; que, par un arrêt du 13 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la société tendant à l'annulation du jugement du 20 septembre 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (...). " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. " ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions (...). " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " ;

4. Considérant que la décision de l'inspecteur du travail infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et déclarant Mme A...apte, sous certaines réserves, à occuper son emploi de caissière employée libre-service, n'a pas été prise sur une demande de l'employeur, mais sur recours de Mme A...; que compte tenu de la portée que lui donne l'article L. 4624-1 du code du travail, une telle décision doit être regardée comme imposant des sujétions dans l'exécution du contrat de travail ; que dès lors, elle ne pouvait intervenir, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu'après que l'employeur eut été mis à même de présenter ses observations ; qu'il en résulte que la cour, en jugeant qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait à l'inspecteur du travail de mettre en oeuvre, avant de prendre sa décision, une procédure contradictoire permettant à l'employeur de présenter ses observations, a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme de 3 500 euros à la SNC LIDL, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de Mme A...;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 novembre 2012 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SNC LIDL est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SNC LIDL, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à MmeB....


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 365124
Date de la décision : 21/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE - CARACTÈRE OBLIGATOIRE - DÉCISION DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL - PRISE SUR RECOURS D'UN SALARIÉ - INFIRMANT L'AVIS D'INAPTITUDE ÉMIS PAR LE MÉDECIN DU TRAVAIL ET DÉCLARANT CE SALARIÉ APTE - SOUS CERTAINES RÉSERVES - À OCCUPER SON EMPLOI.

01-03-03-01 Une décision de l'inspecteur du travail, prise sur recours d'un salarié, infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et déclarant ce salarié apte, sous certaines réserves, à occuper son emploi doit, compte tenu de la portée que lui donne l'article L 4624-1 du code du travail, être regardée comme imposant à l'employeur des sujétions dans l'exécution du contrat de travail. L'employeur doit dès lors être mis à même de présenter ses observations en application de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - MÉDECINE DU TRAVAIL - DÉCISION DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL - PRISE SUR RECOURS D'UN SALARIÉ - INFIRMANT L'AVIS D'INAPTITUDE ÉMIS PAR LE MÉDECIN DE TRAVAIL ET DÉCLARANT CE SALARIÉ APTE - SOUS CERTAINES RÉSERVES - À OCCUPER SON EMPLOI - DÉCISION DEVANT ÊTRE PRÉCÉDÉE D'UNE PROCÉDURE CONTRADICTOIRE (ART - 24 DE LA LOI DU 12 AVRIL 2000) - EXISTENCE [RJ1].

66-03-04 Une décision de l'inspecteur du travail, prise sur recours d'un salarié, infirmant l'avis d'inaptitude émis par le médecin de travail et déclarant ce salarié apte, sous certaines réserves, à occuper son emploi doit, compte tenu de la portée que lui donne l'article L 4624-1 du code du travail, être regardée comme imposant à l'employeur des sujétions dans l'exécution du contrat de travail. L'employeur doit dès lors être mis à même de présenter ses observations en application de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 3 septembre 2009, Ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement c/ Société Orléans Gestion, n° 301095, T. p. 978.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 2015, n° 365124
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:365124.20150121
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