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28/01/2015 | FRANCE | N°382605

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 28 janvier 2015, 382605


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater sur le fondement de l'article L. 2132-6 du code général de la propriété des personnes publiques que l'édification d'une clôture sur les rives de l'Erdre au lieu-dit La Poterie à la Chapelle-sur-Erdre et les autres faits établis par procès-verbal du 22 avril 2013 constituaient une contravention de grande voirie sur le domaine fluvial et de condamner Mme A... B...à l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du même cod

e ainsi qu'à la remise en état des lieux concernés, par la démolition de la ...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater sur le fondement de l'article L. 2132-6 du code général de la propriété des personnes publiques que l'édification d'une clôture sur les rives de l'Erdre au lieu-dit La Poterie à la Chapelle-sur-Erdre et les autres faits établis par procès-verbal du 22 avril 2013 constituaient une contravention de grande voirie sur le domaine fluvial et de condamner Mme A... B...à l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du même code ainsi qu'à la remise en état des lieux concernés, par la démolition de la clôture existante dans un délai d'un mois, sous peine d'astreinte. Par un jugement n° 1307164 du 16 janvier 2014, ce tribunal a condamné Mme B...au paiement d'une amende de 1 000 euros et décidé qu'elle devait libérer la servitude de marchepied grevant la parcelle dont elle est propriétaire au bord de l'Erdre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 14NT00490 du 24 juin 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de Mme B...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire intitulé " mémoire en contestation d'un refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ", enregistrés les 15 juillet et 6 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt du 24 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

2°) d'annuler l'ordonnance n° 14NT00489 QPC du 25 avril 2014 par laquelle le président de la deuxième chambre de cette cour a rejeté ses demandes tendant à transmettre au Conseil d'Etat des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles L. 2131-2, L. 2131-5 et L. 2132-6 du code général de la propriété des personnes publiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques, notamment ses articles L. 2131-2 et L. 2131-5 ;

- la décision n° 382605 du 3 novembre 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par MmeB... ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de MmeB....

1. Considérant que, d'une part, par une ordonnance du 25 avril 2014, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles L. 2131-2, L. 2131-5 et L. 2132-6 du code général de la propriété des personnes publiques soulevées par Mme B...à l'appui de son appel dirigé contre le jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros et a décidé qu'elle devait libérer la servitude de marchepied grevant la parcelle dont elle est propriétaire au bord de l'Erdre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; que, d'autre part, par un arrêt du 24 juin 2014, la cour a rejeté la requête de Mme B...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ; que la requérante a formé un pourvoi en cassation le 15 juillet 2014 contre cet arrêt et a, à l'appui de ce pourvoi, contesté le refus de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité qu'elle avait soulevées dans un mémoire distinct ;

Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige " ; que, selon l'article 23-5 de cette ordonnance : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) " qu'aux termes de l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission " ; qu'aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " (...) le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'appui du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission ait été précédemment opposé par une décision distincte de l'arrêt, et dont il joint alors une copie, ou par cet arrêt ; que les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne font pas obstacle à ce qu'un requérant qui s'est pourvu en cassation contre le rejet opposé, au titre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, à sa demande de sursis à exécution, puisse contester devant le Conseil d'Etat le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité que lui a opposé le juge d'appel, par une décision distincte de cet arrêt, sans attendre de se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui statuera sur le fond ; que, par suite, Mme B...est recevable à contester le refus qui a été opposé à sa demande de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité qu'elle a soulevées devant la cour à l'occasion de son pourvoi en cassation contre l'arrêt rejetant sa demande de sursis à exécution ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. / Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2131-5 du même code : " Lorsque le classement d'un lac, d'un cours d'eau ou portion de cours d'eau dans le domaine: public fluvial assujettit les propriétaires riverains aux servitudes établies par l'article L. 2131-2, il leur est dû une indemnité proportionnée au dommage subi en tenant compte des avantages que peut leur procurer ce classement. / Les propriétaires riverains ont également droit à une indemnité lorsque, pour les besoins de l'exploitation, la servitude de halage est établie sur une rive où cette servitude n'existait pas " ;

5. Considérant que l'article L. 2131-5 du code général de la propriété des personnes publiques porte sur l'indemnisation octroyée dans certaines conditions aux propriétaires riverains du domaine public fluvial assujettis aux servitudes de halage et de marchepied ; qu'il n'a pas servi de fondement aux poursuites engagées à l'encontre de MmeB... ; que, par suite, le président de la 2ème chambre de la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'article L. 2131-5 du code est divisible de l'article L. 2132-2 du même code et qu'il n'est pas applicable au litige soumis à la cour ;

6. Considérant que le président de la 2ème chambre de la cour, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la requérante, a répondu au moyen tiré de ce que la servitude de marchepied avait pour effet d'incorporer la propriété de Mme B...au domaine public et d'entraîner la privation de la propriété de ce bien ;

7. Considérant que la servitude de marchepied prévue aux deux premiers alinéas de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques ne se traduit pas, pour leurs propriétaires, par une dépossession des terrains sur lesquels elle porte et n'entraîne pas une privation de propriété ; que, par suite, le président de la 2ème chambre de la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, en regardant comme dépourvu de caractère sérieux le moyen tiré de la méconnaissance, par ces deux alinéas, de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

8. Considérant que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a déjà jugé, dans sa décision du 3 novembre 2014 par laquelle il a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise par MmeB..., laquelle soulevait les mêmes moyens que ceux présentés devant la cour mais faisait en outre valoir que le législateur n'avait prévu aucune procédure de délaissement, que le président de la 2ème chambre de la cour n'a ni commis d'erreur de doit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en regardant comme dépourvu de caractère sérieux le moyen tiré de la méconnaissance, par l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques, du droit de propriété tel qu'il est garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2131-2, L. 2131-5 et L. 2132-6 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Sur le pourvoi en cassation :

10. Considérant que la cour n'a pas méconnu l'article L. 811-17 du code de justice administrative ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que l'exécution du jugement attaqué n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables aux motifs que la remise en état des lieux consistait uniquement à tirer les conséquences du constat d'infraction en procédant sur une largeur de 3,25 m à l'enlèvement des obstacles qui obstruent la partie du terrain dans l'emprise de la servitude de marchepied, en méconnaissance de l'article L. 2132-2 du code général des propriétés des personnes publiques, et qu'il n'était pas établi qu'il en résulterait une dégradation des espèces végétales protégées se trouvant sur le terrain, dès lors que, en tout état de cause, une servitude de marchepied ne fait pas obstacle à l'instauration de mesures de protection de telles espèces ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme B...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie en sera adressée, pour information, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 382605
Date de la décision : 28/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - PROCÉDURES DE RÉFÉRÉ AUTRES QUE CELLES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - REFUS DE TRANSMETTRE UNE QPC PAR UNE CAA AVANT DE REJETER UNE DEMANDE DE SURSIS À EXÉCUTION DU JUGEMENT FRAPPÉ D'APPEL - POSSIBILITÉ DE CONTESTER LE REFUS DE TRANSMISSION À L'OCCASION DU POURVOI CONTRE L'ARRÊT AYANT REFUSÉ LE SURSIS À EXÉCUTION DU JUGEMENT - EXISTENCE.

54-03-06 Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, en vertu desquelles le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par les juges du fond est contesté à l'occasion du recours contre la décision qui règle tout ou partie du litige, ne font pas obstacle à ce qu'un requérant qui s'est pourvu en cassation contre le rejet opposé, au titre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, à sa demande de sursis à exécution, puisse contester devant le Conseil d'Etat le refus de transmission d'une QPC que lui a opposé le juge d'appel, par une décision distincte de cet arrêt, sans attendre de se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui statuera sur le fond.

PROCÉDURE - POURVOI CONTRE UN ARRÊT DU JUGE D'APPEL REFUSANT UN SURSIS À EXÉCUTION - POSSIBILITÉ DE CONTESTER LORS DE CE POURVOI LE REFUS DE TRANSMISSION D'UNE QPC PAR LE JUGE D'APPEL SANS ATTENDRE QUE LE JUGE D'APPEL STATUE AU FOND - EXISTENCE [RJ1].

54-10-10 Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, en vertu desquelles le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par les juges du fond est contesté à l'occasion du recours contre la décision qui règle tout ou partie du litige, ne font pas obstacle à ce qu'un requérant qui s'est pourvu en cassation contre le rejet opposé, au titre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, à sa demande de sursis à exécution, puisse contester devant le Conseil d'Etat le refus de transmission d'une QPC que lui a opposé le juge d'appel, par une décision distincte de cet arrêt, sans attendre de se pourvoir en cassation contre l'arrêt qui statuera sur le fond.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 1er février 2011, SARL Prototype Technique Industrie (Prototech), n° 342536, p. 24.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 2015, n° 382605
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382605.20150128
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