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25/02/2015 | FRANCE | N°375677

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 25 février 2015, 375677


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 21 février, 3 novembre et 15 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Boëge demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite opposé à sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants, pris pour l'application de l'article 232 du code général des impôts, en tant qu'il inclut dans le champ d'application de cett

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 21 février, 3 novembre et 15 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Boëge demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite opposé à sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants, pris pour l'application de l'article 232 du code général des impôts, en tant qu'il inclut dans le champ d'application de cette taxe les communes classées en zone B2 et C, telles que définies à l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation, et plus particulièrement la commune de Boëge ;

2°) d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

1. Considérant que l'article 232 du code général des impôts a instauré une taxe annuelle sur les logements vacants " applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social " ; que le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013, pris en application de ces dispositions, a fixé la liste des communes entrant dans le champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants ;

2. Considérant que la commune de Boëge demande l'annulation du refus implicite opposé par le Premier ministre à sa demande tendant à l'abrogation de ce décret en tant qu'il inclut dans cette liste les communes classées en zone B2 et C, telles que définies à l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation, et notamment la commune de Boëge ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité :

3. Considérant que la commune de Boëge ne justifie pas d'un intérêt à contester la légalité du décret qu'elle attaque en tant qu'il concerne d'autres communes ; qu'en revanche, elle justifie suffisamment de son intérêt pour agir à raison des effets de la taxe sur les logements vacants sur son propre territoire, du fait notamment qu'elle pourrait y être elle-même assujettie au titre de certains logements dont elle est propriétaire et de l'impossibilité dans laquelle elle est, du fait de son placement dans le champ de cette taxe, de faire usage de la possibilité, prévue par les dispositions de l'article 1407 bis du code général des impôts, d'assujettir les logements situés sur son territoire à la taxe d'habitation à l'issue d'une période de vacance de deux ans ; qu'elle est donc recevable à contester la légalité du décret en tant qu'il l'inclut dans les communes entrant dans le champ de cette taxe ;

Sur l'intervention de la commune de Saint-André-de-Boëge :

4. Considérant que l'intervention de la commune de Saint-André-de-Boëge conclut à l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger le décret du 10 mai 2013 en tant qu'il inclut dans la liste des communes entrant dans le champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants les communes classées en zone B2 et C et plus particulièrement la commune de Saint-André-de-Boëge ; qu'en tant qu'elle concerne de manière générale les communes classées en zone B2 et C, cette intervention, étant formée à l'appui de conclusions irrecevables, est elle-même irrecevable ; qu'en tant qu'elle concerne la commune de Saint-André-de-Boëge, cette intervention diffère des conclusions formulées par la commune de Boëge et n'est donc pas recevable ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du Premier ministre d'abroger le décret du 10 mai 2013 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 623-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut (...) d'office prescrire une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire " ; qu'aux termes de l'article R. 623-2 du même code : " La décision qui prescrit l'enquête indique les faits sur lesquels elle doit porter et précise (...) si elle aura lieu devant une formation de jugement ou d'instruction (...). Elle est notifiée aux parties " ; qu'aux termes de l'article R. 623-3 du même code : " Les parties sont invitées à présenter leurs témoins aux jour et lieu fixés par la décision prescrivant l'enquête. (...) " ;

6. Considérant que la commune de Boëge soutient notamment que son inclusion dans le périmètre de l'unité urbaine d'Annemasse, au sens des critères retenus par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), selon lesquels, d'une part, n'entrent pas dans une unité urbaine les communes sans zone de bâti continu de 2000 habitants et celles dont moins de la moitié de la population est dans une zone de bâti continu, et selon lesquels, d'autre part, une zone de bâti continu se caractérise par l'absence de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions, est erronée, dès lors qu'elle ne se situe pas dans une zone de bâti continu par rapport aux communes rattachables à l'agglomération d'Annemasse et qu'elle compte une population inférieure à 2 000 habitants ; qu'elle soutient que cette zone de bâti continu s'interrompt en effet, d'une part, entre la commune de Fillinges et la commune de Saint-André-de-Boëge et, d'autre part, entre cette dernière et celle de Boëge ; qu'à l'appui de son recours, elle produit notamment des plans, établis par un géomètre-expert à partir des données cadastrales de 2013, qui identifient, dans une zone située sur les communes de Saint-André-de-Boëge et de Boëge, une bande continue de 200 mètres de large sans construction, susceptible de constituer une coupure dans le bâti séparant complètement la commune de Boëge de l'unité urbaine d'Annemasse à supposer même que celle-ci inclue la commune de Saint-André-de-Boëge ; que les mémoires échangés ne permettent pas au Conseil d'Etat de statuer en toute connaissance de cause sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise l'administration en l'incluant dans le périmètre de l'unité urbaine Genève Annemasse ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur la requête de la commune de Boëge, de faire application des dispositions des articles R. 623-1 et R. 623-2 du code de justice administrative et de recourir à une enquête contradictoire devant la huitième sous-section de la section du contentieux, statuant en formation d'instruction, afin que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité apporte toutes précisions sur l'application concrète et localisée des critères mentionnés ci-dessus ayant conduit à décider du rattachement de la commune de Boëge, par le décret contesté, à la zone d'urbanisation continue constituée autour d'Annemasse, notamment en ce qui concerne la géographie du territoire, la densité de l'urbanisation et la présence ou non de bandes de 200 mètres de large susceptibles de constituer une césure dans le bâti ;

7. Considérant que le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et l'INSEE sont invités à se présenter à cette séance ;

8. Considérant qu'il est demandé à l'INSEE de préciser la méthode retenue pour définir les unités urbaines et de produire les cartes de l'IGN sur lesquelles il s'est fondé pour classer les communes de Boëge et de Saint-André-de-Boëge dans le périmètre de l'unité urbaine de Genève-Annemasse ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les conclusions de la requête de la commune de Boëge portant sur la légalité du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 en tant qu'il concerne d'autres communes qu'elle-même sont rejetées.

Article 2 : L'intervention présentée par la commune de Saint-André-de-Boëge n'est pas admise.

Article 3 : Il est décidé de recourir à une enquête devant la huitième sous-section de la section du contentieux, siégeant en formation d'instruction, afin d'éclairer celle-ci sur les points mentionnés dans les motifs de la présente décision.

Article 4 : L'enquête aura lieu le 26 mars 2015 à 9 heures 30.

Article 5 : La commune de Boëge, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, l'institut national de la statistique et des études économiques, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sont invités à se présenter à la séance.

Article 6 : Le nombre maximum de représentants est fixé pour la commune de Boëge à quatre, pour le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité à trois, pour l'INSEE à deux, pour le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique à un.

Article 7 : Les intéressés indiqueront au président de la huitième sous-section de la section du contentieux, au plus tard le 19 mars 2015, le nom des personnes qui les représenteront au cours de la séance.

Article 8 : Le procès-verbal de l'enquête sera communiqué aux parties et aux autres participants à l'enquête à la barre avant la séance de jugement au cours de laquelle sera examinée la requête.

Article 9 : Tous droits et moyens des parties sont réservés.

Article 10 : La présente décision sera notifiée à la commune de Boëge, à la commune de Saint-André-de-Boëge, au ministre du logement, de l'égalité des territoires, de la ruralité, au Premier ministre, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et à l'Institut national de la statistique et des études économiques.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 375677
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 375677
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375677.20150225
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