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22/05/2015 | FRANCE | N°375897

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 22 mai 2015, 375897


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 27 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B...demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler l'arrêt n° 12DA01860 du 31 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1007141 du 7 novembre 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fo

nction publique du 29 octobre 2010 autorisant son licenciement ;

2) de...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 27 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B...demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler l'arrêt n° 12DA01860 du 31 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1007141 du 7 novembre 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 29 octobre 2010 autorisant son licenciement ;

2) de mettre à la charge de la société Rexam Beverage Can et de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi conclu le 12 juin 1987 dans le secteur de la métallurgie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B...et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Rexam Beverage Can ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Rexam Beverage Can a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., délégué syndical, en invoquant sa cessation totale et définitive d'activité liée à la fermeture de son unique site de Gravelines ; que cette autorisation lui a été accordée le 29 octobre 2010 par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; que M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 7 novembre 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le motif économique du licenciement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ;

3. Considérant qu'à ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité ; qu'il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des termes mêmes de la décision du 29 octobre 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique rapprochés de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Rexam Beverage Can, que le ministre s'est fondé, pour estimer établi le motif économique de licenciement de M.B..., sur la seule cessation d'activité de la société Rexam Beverage Can ; que M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que la cour aurait substitué elle-même, d'office, ce motif à celui retenu par le ministre ; que les moyens tirés de ce qu'elle aurait, pour cette raison, méconnu son office, violé le principe du contradictoire et dénaturé les pièces du dossier, ne peuvent par suite qu'être écartés ;

5. Considérant que si la cour n'a pas répondu au moyen tiré par M. B...de l'absence d'autonomie de la société Rexam Beverage Can, il ressort des écritures d'appel de l'intéressé que celui-ci ne soutenait pas que les prérogatives de l'employeur auraient dû être regardées comme étant, en réalité, également exercées par une autre société, mais qu'il se bornait à soutenir que l'appartenance de la société Rexam Beverage Can au groupe Rexam la plaçait dans un état de domination économique qui était la seule cause de la cessation d'activité ; que cette seule circonstance étant, à la supposer vérifiée, sans incidence sur le caractère total et définitif de la cessation d'activité, l'absence de réponse de la cour à ce moyen inopérant n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité ;

6. Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant, sans rechercher si une activité de même nature s'était poursuivie dans d'autres entreprises du groupe, que la cessation d'activité de la société Rexam Beverage Can était totale et définitive et que, par suite, la réalité du motif économique de licenciement invoqué par l'employeur était établie ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2323-15 du code du travail : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. / Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1233-61 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) " ; qu'il ne résulte pas de la combinaison de ces dispositions que le comité d'entreprise doive être informé, au cours de la procédure d'information et de consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi, des offres de reclassement adressées à chacun des salariés, même protégés ; qu'ainsi, la cour, qui n'était saisie que d'un moyen relatif à l'avis préalable du comité d'entreprise sur le projet de licenciement, n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en ne répondant pas à l'argumentation par laquelle M. B...soutenait que le comité d'entreprise de la société Rexam Beverage Can n'avait pas pu se prononcer sur les propositions de reclassement qui le concernaient ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'obligation de reclassement :

8. Considérant qu'en vertu de l'article 28 de l'accord national sur les problèmes généraux de l'emploi conclu le 12 juin 1987 dans le secteur de la métallurgie, l'entreprise envisageant un licenciement collectif d'ordre économique doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des entreprises de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; qu'indépendamment de cette procédure, cet accord ne crée pas d'obligation propre de recherche de reclassement à l'extérieur de l'entreprise qui incomberait à celle-ci ;

9. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a constaté que la commission territoriale de l'emploi compétente était saisie, depuis plus de trois mois, quand la demande d'autorisation administrative de licenciement de M. B...a été introduite auprès de l'inspecteur du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit quant à la portée de l'obligation prescrite par l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Rexam Beverage Can, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par la société Rexam Beverage Can au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Rexam Beverage Can au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la société Rexam Beverage Can.

Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 375897
Date de la décision : 22/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION. LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE. - LICENCIEMENT FONDÉ SUR LA CESSATION D'ACTIVITÉ DE L'ENTREPRISE - CONTRÔLE DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL - CARACTÈRE TOTAL ET DÉFINITIF DE LA CESSATION D'ACTIVITÉ - CAS OÙ L'ENTREPRISE APPARTIENT À UN GROUPE [RJ1].

66-07-01-04-03 Lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 8 avril 2013, M. Schintu, n° 348559, p. 59 ;

CE, 22 mai 2015, Sté Hygiène products supply, n° 381924, inédite au Recueil ;

CE, 22 mai 2015, Sté Hygiène products supply, n° 381926, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2015, n° 375897
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375897.20150522
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