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19/06/2015 | FRANCE | N°385592

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 19 juin 2015, 385592


Vu la procédure suivante :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Sainte-Suzanne (La Réunion). Par un jugement n° 1400323 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa protestation.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 novembre et 8 décembre 2014 et le 29 avril 2015 au secrétariat du contentieux du C

onseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Sainte-Suzanne (La Réunion). Par un jugement n° 1400323 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa protestation.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 novembre et 8 décembre 2014 et le 29 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Sainte-Suzanne ;

3°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. C...;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du second tour des élections municipales qui s'est déroulé le 30 mars 2014 dans la commune de Sainte-Suzanne (La Réunion), la liste " Ensemb' pour Sainte-Suzanne " conduite par M.C..., maire sortant, a obtenu 51,81 % des suffrages exprimés et 6 477 voix, soit 452 voix d'avance sur la liste conduite par M.B..., " Liste d'union pour le développement de Sainte-Suzanne ", qui a obtenu 48,19 % de suffrages exprimés et 6 025 voix. M. B...relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

Sur les moyens relatifs à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 106 du code électoral :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de cette disposition en ce qu'elle édicte des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celle-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la veille du second tour des élections, M. C...a répondu favorablement aux sollicitations d'un assesseur de M. B..., en lui remettant une somme d'argent et en lui promettant l'attribution d'un logement. Même si M. C...n'a pas expressément formulé une demande de vote en sa faveur, cette aide financière et cette promesse de logement doivent être regardées comme ayant été faites en vue d'influencer le vote de cet assesseur. Il résulte également de l'instruction qu'un agent communal partisan de M. C...a donné une somme d'argent à un électeur, en vue de l'inciter à voter pour la liste de celui-ci. Cependant, compte tenu de l'écart de voix entre les deux listes au second tour de scrutin, ces violations de l'article L. 106 du code électoral n'ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

4. En deuxième lieu, si le requérant soutient que de nombreux électeurs ont reçu gratuitement du matériel de construction de la part du maire sortant, la matérialité de ces faits n'est pas établie par les deux attestations qu'il produit. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dons auraient été faits en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 106 du code électoral ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, M. B...soutient, d'une part, que M.C..., en sa qualité de maire, a recruté 58 jeunes animateurs dans le cadre de contrats d'avenir dans un but électoral et, d'autre part, qu'en sa qualité de président du comité communal d'action sociale, il a recruté 45 personnes pour exercer des fonctions dont la réalité et la nécessité ne sont pas établies. Cependant le requérant n'établit pas, par les documents qu'il produit, que ces recrutements n'étaient pas de nature à répondre aux besoins de la commune, ni à la mise en oeuvre des missions du centre communal d'action sociale. Par suite, le moyen tiré de que ces recrutements constitueraient des avantages prohibés par les dispositions précitées de l'article L. 106 du code électoral doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la prime exceptionnelle de fin d'année accordée à plus de 400 agents communaux non titulaires ne se situait pas dans la continuité de la politique de la commune d'amélioration du pouvoir d'achat de ses agents, approuvée en 2011 par le conseil municipal. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'octroi de cette prime constituerait un achat de voix doit être écarté.

Sur le moyen relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 107 du code électoral :

7. Aux termes de l'article L. 107 du code électoral : " Ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé ou auront tenté de le déterminer à s'abstenir de voter, ou auront influencé ou tenté d'influencer son vote, seront punis d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros ". S'il résulte de l'instruction que, lors d'un entretien téléphonique avec Mme E..., un partisan de M. C...a proféré des menaces à son encontre si elle ne votait pas pour le maire sortant, en violation de ces dispositions, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne peut toutefois être regardée, compte tenu de son caractère isolé, comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

Sur les moyens tirés d'irrégularités relatives aux opérations de vote :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 61 : " Un assesseur est chargé de veiller à l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 et du second alinéa de l'article L. 64. (...) / Les opérations visées au présent article sont réparties entre les assesseurs désignés par les candidats ou listes en présence conformément aux dispositions de l'article R. 44. En cas de désaccord sur cette répartition, il est procédé par voie de tirage au sort à la désignation du ou des assesseurs chargés respectivement desdites opérations. (...) ". S'il n'est pas contesté que dans les bureaux de vote n° 1, 2, 3, 15 et 16, le choix de l'assesseur chargé de la tenue de la liste d'émargement a été fait sans qu'il ait été procédé au tirage au sort prévu par les dispositions précitées, cette irrégularité est restée sans influence sur la sincérité du scrutin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait eu fraude ou atteinte au secret du vote ou que cette irrégularité ait constitué une manoeuvre.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 63 du code électoral : " L'urne électorale est transparente. Cette urne n'ayant qu'une ouverture destinée à laisser passer l'enveloppe contenant le bulletin de vote doit, avant le commencement du scrutin, avoir été fermée à deux serrures dissemblables, dont les clefs restent, l'une entre les mains du président, l'autre entre les mains d'un assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs (...) ". Si M. B... soutient qu'en méconnaissance de ces dispositions, le président du bureau de vote n° 26 a refusé de remettre les clefs à l'assesseur désigné, cette irrégularité, qui a d'ailleurs cessé à la suite du passage de la commission de contrôle, n'a pas été, en l'absence de fraude ou d'atteinte au secret du vote, de nature à altérer la sincérité du scrutin.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 60 : " Le vote a lieu sous enveloppe, obligatoirement de couleur différente de celle de la précédente consultation générale. / Le jour du vote, celles-ci sont mises à la disposition des électeurs dans la salle de vote. / Avant l'ouverture du scrutin, le bureau doit constater que le nombre des enveloppes correspond exactement à celui des électeurs inscrits (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que, dans les bureaux n° 11, 23, 24 et 25, le nombre d'enveloppes ne correspondait pas au nombre des d'inscrits, ait constitué une manoeuvre, de nature à altérer la sincérité du scrutin.

11. En quatrième lieu, M. B...soutient que des irrégularités, constatées lors du scrutin et mentionnées par des assesseurs de sa liste, ne figurent pas sur le procès-verbal au motif que des assesseurs du maire sortant ne leur auraient permis de consigner leurs observations que sur celui des deux exemplaires de ce procès-verbal que la commune détient et qu'elle refuse de communiquer. Cette irrégularité, à la supposer établie, n'est pas, en l'absence de fraude ou de manoeuvre, de nature à altérer la sincérité du scrutin.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Sainte-Suzanne.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce même titre par M.C....

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. D...B...et A...C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 385592
Date de la décision : 19/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2015, n° 385592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Anfruns
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:385592.20150619
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