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27/07/2015 | FRANCE | N°382746

France | France, Conseil d'État, 5ème ssjs, 27 juillet 2015, 382746


Vu la procédure suivante :

M. B... AI..., M. AE... U..., Mme P...AM..., Mme I...W..., M. AD... X..., M. G... S..., Mme AG...K..., Mme AF...R..., M. Z... N..., Mme AJ... AN...et Mme F... Q...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de réformer le résultat des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 et le 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Curbans (Hautes-Alpes), en annulant l'élection de M. H...AC..., de Mme AB...D..., de Mme AG...C..., de M. L...M..., de Mme J...AH..., de Mme A...V..., de Mme AA...K...et

de M. AK...T...et de déclarer inéligibles pour une durée de 3 a...

Vu la procédure suivante :

M. B... AI..., M. AE... U..., Mme P...AM..., Mme I...W..., M. AD... X..., M. G... S..., Mme AG...K..., Mme AF...R..., M. Z... N..., Mme AJ... AN...et Mme F... Q...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de réformer le résultat des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 et le 30 mars 2014 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Curbans (Hautes-Alpes), en annulant l'élection de M. H...AC..., de Mme AB...D..., de Mme AG...C..., de M. L...M..., de Mme J...AH..., de Mme A...V..., de Mme AA...K...et de M. AK...T...et de déclarer inéligibles pour une durée de 3 ans M. H...AC..., Mme AB...D..., M. L...M...et M. AK...T.... Par deux jugements rendus le 10 juin 2014 sous les numéros 1402314 et 1402508, le tribunal administratif a rejeté leurs protestations.

1°) Sous le n° 382746, par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 juillet et 9 septembre 2014, M. AI..., M.U..., MmeAM..., MmeW..., M.X..., M.S..., Mme K..., MmeR..., M.N..., Mme AN...et Mme Q...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1402508 du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de faire droit à leur protestation relative aux opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014.

2°) Sous le n° 382812, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 25 août 2014, M.AI..., M.U..., MmeAM..., Mme W..., M.X..., M.S..., MmeK..., MmeR..., M.N..., Mme AN... et Mme Q...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1402314 du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de faire droit à leur protestation relative aux opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014.

....................................................................................

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue du premier tour des opérations électorales qui a été organisé le 23 mars 2014 en vue de la désignation du conseil municipal de la commune de Curbans (Hautes-Alpes), la liste conduite par M.AC..., maire sortant, a obtenu six sièges, tandis que seul M. AI...a été élu sur la liste qu'il conduisait ; que M. AI...et ses colistiers ont formé devant le tribunal administratif de Marseille une protestation tendant à l'annulation de l'élection des six candidats élus sur la liste de M. AC...et à ce que six candidats de leur propre liste soient proclamés élus ; que M. AI...et autres ont également demandé au tribunal administratif de déclarer inéligibles pour trois ans M.AC..., Mme D...et M. M...en application de l'article L. 118-4 du code électoral ;

2. Considérant qu'au terme du deuxième tour des mêmes opérations électorales, qui a eu lieu le 30 mars 2014, la liste de M. AC...a obtenu un siège supplémentaire de conseiller municipal, attribué à M.T..., et la liste conduite par M. AI... deux autres sièges ; que, par une seconde protestation, M. AI...et ses colistiers ont demandé au même tribunal administratif d'annuler l'élection de M. T...et de proclamer élu le premier candidat non élu de leur propre liste ; que M. AI...et autres ont également demandé au tribunal administratif de déclarer inéligibles pour trois ans M.AC..., MmeD..., M. M...et M. T...en application de l'article L. 118-4 du code électoral ;

3. Considérant que, par deux jugements du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les protestations de M. AI...et autres ; que ceux-ci relèvent appel de ces jugements par deux requêtes qui présentent à juger les mêmes questions et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision ;

4. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 119 du code électoral, un grief formulé après l'expiration du délai de protestation de cinq jours qu'elles fixent n'est pas recevable, hormis le cas où ce grief serait d'ordre public ; que, d'une part, les griefs soulevés en première instance et repris devant le Conseil d'Etat, concernant l'organisation de la cérémonie des voeux et la distribution d'un panier garni à tous les habitants lors des fêtes de fin d'année et, d'autre part, les griefs soulevés dans la requête d'appel et tirés de ce que l'acheminement tardif ou le défaut d'enregistrement de procurations a été de nature à altérer la sincérité des opérations électorales ont été soulevés au-delà de ce délai de cinq jours et ne sont pas d'ordre public ; que, par suite, ces griefs sont irrecevables ;

Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un tract diffusé par la liste de M. AC... au cours de la campagne électorale comporte sur sa première page une photographie sur laquelle figure M. AL...E..., prise devant le monument aux morts de la commune en juin 2013 à l'occasion de l'inauguration officielle de l'extension de la mairie ; que, toutefois, ce tract ne mentionne ni le nom, ni aucune déclaration de M. E...faisant état d'un quelconque soutien apporté par celui-ci à la liste de M. AC...; qu'en outre, M. AI...ayant interpellé M. AC...sur l'utilisation de cette photographie lors d'une réunion publique organisée avant le premier tour, le 21 mars 2014, la liste conduite par M. AI...a été mise à même de faire connaitre aux électeurs sa position quant à l'usage qui en avait été fait à l'appui du tract de M.AC... ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'utilisation de la photographie en cause n'était pas par elle-même de nature à induire les électeurs en erreur et à leur laisser croire à tort que la liste de M. AC...bénéficiait du soutien de cette personnalité ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la diffusion de ce tract n'a pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité des résultats ;

6. Considérant que M. AI...et autres soutiennent que M. AC...a dénigré publiquement un de leurs colistiers, M.U..., en joignant au compte rendu de la réunion du conseil municipal du 31 janvier 2014 une lettre évoquant celui-ci en des termes désobligeants, faisant notamment état de " ses turpitudes et ses excès lors de déplacements pour le compte de la commune " ; que toutefois, la date de diffusion de la lettre, près de deux mois avant le premier tour de scrutin, permettait à M. U...de la contredire utilement ; que l'intéressé y a d'ailleurs effectivement répondu par un bulletin diffusé le 18 février 2014 ; qu'ainsi, la diffusion de la lettre litigieuse par le maire sortant n'a pas été de nature à altérer la sincérité des résultats ;

7. Considérant que M. AI...et autres soutiennent que M.AC..., en faisant adopter par le conseil municipal le 7 mars 2014 deux délibérations décidant d'une prise d'hypothèque sur les biens personnels de MmeAM..., leur colistière et de MmeQ..., soeur d'une de leurs colistières, se serait livré à une manoeuvre destinée à nuire à la réputation de leur liste ; qu'il ne résulte toutefois de l'instruction ni que ces délibérations aient été étrangères à l'exercice par le conseil municipal de ses attributions, ni que leur adoption ait traduit l'intention du maire sortant de nuire à la réputation de la liste conduite par M.AI... ; qu'enfin il n'est, en tout état de cause, pas établi que ces délibérations aient fait l'objet d'une diffusion particulière ; qu'ainsi, le grief tiré de ce que leur adoption aurait altéré la sincérité du scrutin doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 107 du code électoral : " Ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé ou auront tenté de le déterminer à s'abstenir de voter, ou auront influencé ou tenté d'influencer son vote, seront punis d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 15 000 euros " ; que M. AI...et autres font valoir que M. AC...s'est rendu entre les deux tours de scrutin à Gap, au camp du 4e régiment de chasseurs, ce que l'intéressé ne conteste pas ; que les appelants soutiennent que M. AC...se serait plaint auprès de l'autorité militaire du comportement de trois sous-officiers qui auraient fait campagne pour la liste conduite par M.AI..., les pièces versées au dossier de l'instruction ne permettent pas d'établir avec précision la teneur des propos tenus par M. AC...lors de cette visite ; qu'ainsi, et pour regrettable qu'ait été la démarche ainsi accomplie par M.AC..., le grief tiré de ce que celle-ci aurait eu une incidence sur le résultat du deuxième tour de scrutin ne peut être accueilli ;

9. Considérant que si M. AI...soutient que Mme Y...a envoyé entre les deux tours de l'élection une lettre au maire sortant faisant état d'une agression dont elle aurait été victime de la part de candidats de la liste d'opposition lors du vote du premier tour, il ne résulte pas de l'instruction que cette lettre ait fait l'objet d'une large diffusion et qu'elle ait pu exercer une influence sur le scrutin ;

Sur les griefs relatifs au déroulement du vote :

En ce qui concerne le premier tour de scrutin :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 67 du code électoral : " Tout candidat ou son représentant dûment désigné a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s'effectuent ces opérations, ainsi que d'exiger l'inscription au procès-verbal de toutes observations, protestations ou contestations sur lesdites opérations, soit avant la proclamation du scrutin, soit après " ; que M. AI...et autres soutiennent que les membres de leur liste n'ont pas été admis, par la volonté du maire sortant, à prendre place aux tables de vote lors des opérations électorales du 23 mars 2014 ; qu'à l'appui de ce grief, ils produisent des photographies qui ne permettent toutefois pas d'établir la matérialité des faits ainsi allégués, l'instruction faisant en outre apparaître que le procès-verbal des opérations électorales en cause a été signé notamment par un assesseur, membre de la liste conduite par M.AI..., qui n'y a porté aucune observation ni réclamation à ce sujet ; qu'il n'est pas établi que les places qui ont été assignées, lors des opérations de vote, à M. AI...et à ses colistiers auraient fait obstacle au libre exercice par ceux-ci de leur contrôle sur le déroulement régulier du scrutin ; que, par suite, le grief tiré de ce que M. AC...se serait livré, à ce titre, à une manoeuvre doit être écarté ;

11. Considérant que M. AI...et autres soutiennent que MmeO..., sympathisante de M. AC...qui avait été radiée des listes électorales de la commune, s'est présentée au bureau de vote de la commune le 23 mars 2014, lors du premier tour de scrutin, et a été à tort admise à voter ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, lors du dépouillement qui a suivi, un suffrage en faveur de la liste conduite par M. AC...a été retiré, pour ce motif, lors du dépouillement et du décompte des voix ; qu'ainsi et à supposer même que cette électrice ait donné son suffrage à la liste conduite par M.AC..., le grief tiré de ce que ce vote irrégulier d'une électrice radiée aurait eu une incidence sur le résultat du premier tour manque en fait ;

En ce qui concerne le second tour de scrutin :

12. Considérant que les griefs tirés des irrégularités qui auraient entaché les opérations électorales lors du premier tour de scrutin concernant, d'une part, la place assignée aux membres de la liste d'opposition au sein du bureau de vote et, d'autre part, l'incident relatif au vote d'une électrice radiée des listes électorales de la commune sont inopérants à l'égard des opérations de vote du second tour ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 116 du code électoral : " Ceux qui, par des manoeuvres frauduleuses quelconques, accomplies même en dehors des locaux ou commissions visés à l'article L. 113, auront porté atteinte ou tenté de porter atteinte à la sincérité d'un scrutin, violé ou tenté de violer le secret du vote, empêché ou tenté d'empêcher les opérations du scrutin, ou qui, par les mêmes manoeuvres, en auront changé ou tenté de changer les résultats, seront punis des peines portées audit article. (...) / Les mêmes peines seront appliquées à toute personne qui aura fait expulser sans motif légitime de la salle de vote un assesseur ou un délégué ou qui l'aura empêché d'exercer ses prérogatives " ; que, si M. AI... et autres soutiennent que M.AC..., en sa qualité de président du bureau de vote, aurait fait obstacle à l'exercice des prérogatives d'assesseur de M. AI..., lors du second tour du scrutin, ils n'assortissent toutefois ce grief d'aucun élément de nature à établir la matérialité des faits ainsi énoncés ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le procès-verbal des opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 ait comporté une quelconque mention de l'incident allégué ; que, par suite, ce grief doit être écarté ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L.66 du code électoral : " Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement..." ; qu'il résulte de l'instruction que la déchirure de plusieurs centimètres présentée par un bulletin de la liste de M. AI...ne peut être regardée comme imputable au dépouillement, mais aux conditions dans lesquelles l'électeur en cause a voté ; que, dès lors que cette circonstance faisait naître un doute quant au sens du vote émis par cet électeur, c'est à bon droit que ce bulletin a été déclaré nul par le bureau ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. AI...et ses colistiers ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs protestations électorales ;

Sur les conclusions aux fins de déclaration d'inéligibilité :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement du premier alinéa s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection. " ; que, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une quelconque manoeuvre frauduleuse imputable à M. AC...et à ses colistiers soit établie, les conclusions par lesquelles M. AI...et autres demandent que le Conseil d'Etat prononce l'inéligibilité de quatre des candidats de la liste conduite par M. AC...ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes présentées par M. AI... et autres sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...AI..., à Mme AG...C...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème ssjs
Numéro d'arrêt : 382746
Date de la décision : 27/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2015, n° 382746
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382746.20150727
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