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21/10/2015 | FRANCE | N°368755

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 21 octobre 2015, 368755


Vu la procédure suivante :

La société Climespace a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n°s 8636, 8637, 8638, 10260 et 10261 émis les 17 juin et 23 juillet 2009 par l'établissement public Voies navigables de France et de la décharger du paiement des sommes correspondantes. Par un jugement n°s 1000794, 1008896, 1008898, 1008899, 1008900, 1008901 du 7 octobre 2011, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société du paiement de 10 % de chacun des montants figurant sur les titres de recettes contestés et rejeté le surplus de se

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Par un arrêt n° 11PA05087 du 25 mars 2013, la cour admin...

Vu la procédure suivante :

La société Climespace a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n°s 8636, 8637, 8638, 10260 et 10261 émis les 17 juin et 23 juillet 2009 par l'établissement public Voies navigables de France et de la décharger du paiement des sommes correspondantes. Par un jugement n°s 1000794, 1008896, 1008898, 1008899, 1008900, 1008901 du 7 octobre 2011, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société du paiement de 10 % de chacun des montants figurant sur les titres de recettes contestés et rejeté le surplus de ses demandes.

Par un arrêt n° 11PA05087 du 25 mars 2013, la cour administrative d'appel de Paris a, sur la requête de la société Climespace, annulé ce jugement et les titres exécutoires contestés et déchargé la société de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 mai et 23 août 2013 et le 12 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public Voies navigables de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Climespace ;

3°) de mettre à la charge de la société Climespace la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990, notamment son article 124 ;

- la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié et à Me Balat, avocat de Voies navigables de France et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Climespace ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2015, présentée par la société Climespace ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par cinq titres exécutoires des 17 juin et 23 juillet 2009, l'établissement public Voies navigables de France a mis à la charge de la société Climespace le paiement de la taxe sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, prévue par l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, au titre des années 2005 à 2009, pour un montant total de 4 831 490,40 euros ; que la société a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ces titres de recettes et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes ; que, par un jugement du 7 octobre 2011, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société à hauteur de 10 % des sommes réclamées et rejeté le surplus de ses demandes ; que, par un arrêt du 25 mars 2013, contre lequel Voies navigables de France se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la taxe sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau constituait pour Voies navigables de France une aide d'Etat illégale et a, pour ce motif, annulé les titres exécutoires et déchargé la société Climespace de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, applicable au litige, Voies navigables de France " assure l'exploitation, l'entretien, l'amélioration, l'extension et la promotion des voies navigables et de leurs dépendances. Pour l'accomplissement de ses missions, il gère et exploite le domaine de l'Etat qui lui est confié ainsi que son domaine privé. (...) / Pour assurer l'ensemble de ses missions, l'établissement public perçoit à son profit des taxes sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, rejet d'eau ou autre ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou à évacuer des volumes d'eau sur le domaine public fluvial qui lui est confié ainsi que les redevances et droits fixes sur les personnes publiques ou privées pour toute autre emprise sur ce domaine et pour tout autre usage d'une partie de celui-ci (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, applicable au litige, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ;

4. Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a jugé, d'une part, que, pendant les années en litige, Voies navigables de France devait être regardé comme une entreprise en tant qu'il exerçait des activités dans le secteur concurrentiel " notamment du fait des opérations de promotion immobilière qu'il initie et contrôle, par l'intermédiaire de sociétés dont il a suscité la création, sur des parcelles déclassées du domaine public dont l'Etat lui a confié la gestion ", d'autre part, qu'il n'était pas à même de démontrer que les recettes que lui avait procurées la taxe sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau ne contribuaient pas au financement de ces activités concurrentielles ;

5. Considérant, toutefois, que Voies navigables de France soutenait devant la cour, sans être utilement contredit, qu'il n'avait participé qu'à une opération immobilière, réalisée par une société civile immobilière dont il était l'un des associés, et qu'il s'était borné à apporter les terrains d'assiette du projet, situés Port Rambaud à Lyon, qui, après avoir été déclassés du domaine public de l'Etat, lui avaient été apportés en pleine propriété ; que, dans ces conditions, en jugeant, comme il a été dit au point 4 ci-dessus, que la taxe sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau était susceptible de contribuer au financement d'activités concurrentielles de promotion immobilière de Voies navigables de France et que, pour ce motif, elle devait être regardée comme une aide d'Etat, la cour a, en tout état de cause, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que Voies navigables de France est par suite fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Voies navigables de France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Climespace le versement à Voies navigables de France d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions ds articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La société Climespace versera à Voies navigables de France la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Climespace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Voies navigables de France et à la société Climespace.

Copie en sera adressée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 368755
Date de la décision : 21/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2015, n° 368755
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; BALAT ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:368755.20151021
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