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27/01/2016 | FRANCE | N°388211

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 27 janvier 2016, 388211


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 4 septembre 2012, la cour d'appel de Nîmes a sursis à statuer et invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de la décision du 16 janvier 2006 par laquelle le ministre chargé du travail a autorisé la société Auchan France à licencier M. B...A....

M.A..., agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité. Par un jugement n° 1203106 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif a r

ejeté cette demande.

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2013 à la cour adm...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 4 septembre 2012, la cour d'appel de Nîmes a sursis à statuer et invité les parties à saisir la juridiction administrative de l'appréciation de la légalité de la décision du 16 janvier 2006 par laquelle le ministre chargé du travail a autorisé la société Auchan France à licencier M. B...A....

M.A..., agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité. Par un jugement n° 1203106 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2013 à la cour administrative d'appel de Marseille et transmise au Conseil d'Etat en application de l'article R. 321-1 du code de justice administrative par une ordonnance n° 13MA03662 du 16 février 2015, et un nouveau mémoire enregistré le 9 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de déclarer cette décision illégale ;

3°) de l'annuler.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Auchan France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, saisi par la société Auchan France d'une demande tendant à autoriser le licenciement pour motif économique de M. A..., membre du comité d'entreprise, le ministre chargé du travail compétent a accordé cette autorisation par une décision du 16 janvier 2006 ; que, par un arrêt du 4 septembre 2012, la cour d'appel de Nîmes a sursis à statuer sur l'appel formé par M. A...contre un jugement du conseil des prud'hommes d'Avignon ayant rejeté sa demande de condamnation de cette société à lui verser des indemnités en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de son licenciement et a invité les parties à saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle tendant à ce que celle-ci se prononce sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 2 juin 2005 ; que M. A...fait appel du jugement du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que cette décision soit déclarée illégale ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 321-1, devenu l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à la suite de fusion avec le groupe Docks de France, en 1997, la société Auchan France a estimé en 2001 qu'elle devait rationaliser l'organisation de l'approvisionnement en produits alimentaires des magasins Auchan du sud-est de la France, qui s'opérait à partir de trois entrepôts situés à L'Isle-sur-la-Sorgue, Cavaillon et Nîmes, en procédant notamment à la fermeture de l'entrepôt de L'Isle-sur-la-Sorgue ; que M.A..., membre du comité d'entreprise et employé dans l'établissement de ce site comme magasinier, a refusé la modification de son contrat de travail résultant de cette réorganisation ; que, par la décision du 16 janvier 2006, le ministre chargé du travail a autorisé son licenciement ;

4. Considérant que, si la fermeture de l'établissement de l'Ile sur-la-Sorgue avait pour objet de permettre à la société Auchan France de rationaliser son organisation pour la desserte de certains de ses magasins afin d'améliorer sa compétitivité, il ne ressort pas des pièces du dossier que, au regard notamment de l'état de la concurrence dans le secteur d'activité concerné, cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de cette entreprise ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A..., ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à ce que la décision de l'autorité administrative autorisant son licenciement soit déclarée entachée d'illégalité ;

5. Considérant que, saisie en appréciation de la légalité d'un acte administratif, la juridiction administrative n'est pas compétente pour en prononcer l'annulation ; que les conclusions présentées par M. A...à cette fin ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que, comme le demande la société Auchan France, une somme soit mise à ce titre à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : Il est déclaré que la décision du 16 janvier 2006 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé la société Auchan France à licencier M. A... est entachée d'illégalité.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Auchan France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la société Auchan France

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 388211
Date de la décision : 27/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2016, n° 388211
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François de Montgolfier
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:388211.20160127
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