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16/06/2016 | FRANCE | N°382479

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 16 juin 2016, 382479


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la réparation des préjudices résultant d'une intervention chirurgicale pratiquée le 4 décembre 2008 à l'Hôtel-Dieu de Lyon pour l'exérèse d'un polype du colon. Par un jugement n° 1104328 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY01583 du 30 juin 2014, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel d

e Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la réparation des préjudices résultant d'une intervention chirurgicale pratiquée le 4 décembre 2008 à l'Hôtel-Dieu de Lyon pour l'exérèse d'un polype du colon. Par un jugement n° 1104328 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 14LY01583 du 30 juin 2014, enregistrée le 10 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 16 mai 2014 au greffe de cette cour, présenté par M. B....

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 11 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B...et à Me Le Prado, avocat des Hospices civils de Lyon ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a subi le 4 décembre 2008 à l'Hôtel-Dieu de Lyon une coloscopie avec mucosectomie rendue nécessaire par la découverte d'un polype du colon transverse avec dysplasie sévère ; qu'une perforation colique a nécessité, le même jour, une colostomie transverse ; que la continuité intestinale a été rétablie le 13 février 2009 ; que M. B...a recherché la responsabilité des Hospices civils de Lyon pour ne pas l'avoir informé du risque de perforation colique que la coloscopie comportait ; que, par un jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, estimé qu'un défaut d'information n'avait pu faire perdre à l'intéressé une chance de se soustraire au risque en refusant l'intervention, qui était impérieusement requise en présence d'une affection cancéreuse, et, d'autre part, que M. B... n'établissait pas avoir subi un préjudice d'impréparation ; qu'eu égard aux moyens qu'il soulève à l'appui de son pourvoi, l'intéressé doit être regardé comme demandant l'annulation du jugement en tant seulement qu'il rejette ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice d'impréparation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) " ;

3. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ; qu'il suit de là qu'en exigeant de M. B...qu'il établisse la réalité du préjudice résultant de cette souffrance, le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que ce jugement doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il statue sur la réparation du préjudice d'impréparation ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le versement d'une somme de 3 500 euros à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2014 est annulé en tant qu'il statue sur la réparation du préjudice d'impréparation.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront une somme de 3 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon et aux Hospices civils de Lyon.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 382479
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITÉ POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS À UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DÉFAUTS DE CONSENTEMENT - DÉFAUT D'INFORMATION - RÉPARATION - PRÉJUDICE RÉSULTANT DES TROUBLES SUBIS DU FAIT DE L'IMPOSSIBILITÉ DE SE PRÉPARER À L'ÉVENTUELLE RÉALISATION DES RISQUES SURVENUS - CONDITIONS - PRÉJUDICE DONT IL APPARTIENT AU REQUÉRANT D'ÉTABLIR LA RÉALITÉ ET L'AMPLEUR [RJ1] - PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA SOUFFRANCE MORALE ENDURÉE À LA DÉCOUVERTE DES CONSÉQUENCES DE L'INTERVENTION - PRÉSOMPTION.

60-02-01-01-01-01-04 Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - PRÉJUDICE - CARACTÈRE INDEMNISABLE DU PRÉJUDICE - QUESTIONS DIVERSES - EXISTENCE - DÉFAUT D'INFORMATION D'UN PATIENT DES RISQUES ENCOURUS LORS D'UNE INTERVENTION - PRÉJUDICE RÉSULTANT DES TROUBLES SUBIS DU FAIT DE L'IMPOSSIBILITÉ DE SE PRÉPARER À L'ÉVENTUELLE RÉALISATION DES RISQUES SURVENUS - CONDITIONS - PRÉJUDICE DONT IL APPARTIENT AU REQUÉRANT D'ÉTABLIR LA RÉALITÉ ET L'AMPLEUR [RJ1] - PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA SOUFFRANCE MORALE ENDURÉE À LA DÉCOUVERTE DES CONSÉQUENCES DE L'INTERVENTION - PRÉSOMPTION.

60-04-01-04 Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 10 octobre 2012, Beaupère et Mme Lemaître, n° 350426, p. 357.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2016, n° 382479
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Collet
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:382479.20160616
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