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04/11/2016 | FRANCE | N°398443

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 04 novembre 2016, 398443


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 236/2016 du 24 mars 2016, la cour d'appel de Versailles a sursis à statuer sur l'appel formé par la société B Braun Medical contre le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 15 juillet 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris - région parisienne du 11 décembre 2012 confirmant le bien-fondé du rappel de contributions mentionnées

aux articles L. 245-1 et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale mis...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 236/2016 du 24 mars 2016, la cour d'appel de Versailles a sursis à statuer sur l'appel formé par la société B Braun Medical contre le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 15 juillet 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris - région parisienne du 11 décembre 2012 confirmant le bien-fondé du rappel de contributions mentionnées aux articles L. 245-1 et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale mis à sa charge, et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité, d'une part, de l'arrêté interministériel du 19 juin 1969 relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale et des assesseurs des commissions de première instance du contentieux de la sécurité sociale ainsi qu'au fonctionnement des commissions de recours gracieux et, d'autre part, de la délibération du conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne du 22 novembre 2011 en tant qu'elle porte désignation des membres de la commission de recours amiable.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril et 5 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société B. Braun Medical demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de l'arrêté du 19 juin 1969 et de déclarer que cet arrêté est entaché d'illégalité ;

2°) d'apprécier si l'arrêté du 19 juin 1969 a légalement fondé la décision du conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne du 22 novembre 2011 déterminant la composition de la commission de recours amiable pour 2012 et de déclarer que l'article 6 de l'arrêté n'a pu légalement fonder cette décision ;

3°) d'apprécier la légalité de la décision du conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne du 22 novembre 2011 déterminant la composition de la commission de recours amiable pour 2012 et de déclarer que cette décision est illégale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtess,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l'URSSAF Ile-de-France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 octobre 2016, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 24 mars 2016, la cour d'appel de Versailles a sursis à statuer sur l'appel dont l'avait saisie la société B Braun Medical jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la légalité, d'une part, des dispositions de l'article 6 de l'arrêté interministériel du 19 juin 1969 relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale et des assesseurs des commissions de première instance du contentieux de la sécurité sociale ainsi qu'au fonctionnement des commissions de recours gracieux et, d'autre part, de la délibération du 22 novembre 2011 par laquelle le conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne a fixé la composition de la commission de recours amiable pour l'année 2012.

Sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté du 19 juin 1969 :

2. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de la sécurité sociale : " Chaque union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales est administrée par un conseil d'administration de vingt membres comprenant : / 1° Huit représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national ; / 2° Huit représentants des employeurs et travailleurs indépendants à raison de : / - cinq représentants des employeurs désignés par les organisations professionnelles nationales d'employeurs représentatives ; / - trois représentants des travailleurs indépendants désignés par les institutions ou les organisations professionnelles des travailleurs indépendants les plus représentatives au plan national ; / 3° Quatre personnes qualifiées dans les domaines d'activité des unions de recouvrement et désignées par l'autorité compétente de l'Etat. (...) ". Il résulte des dispositions combinées du 1° de l'article R. 142-2 et de l'article D. 213-3 du même code que la commission de recours amiable des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales comprend : " (...) a. deux administrateurs de l'organisme appartenant à la même catégorie que le réclamant ; / b. deux administrateurs choisis parmi les autres catégories d'administrateurs (...) / Les membres de la commission sont désignés au début de chaque année, par le conseil d'administration de l'organisme (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 19 juin 1969 en litige dispose que : " (...) dans les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, sont désignés en qualité de membres de la commission de recours amiable : / Deux administrateurs choisis parmi les représentants des salariés ; / Deux administrateurs choisis parmi les représentants des non-salariés (...) ".

3. Si, à la date à laquelle il a été pris, l'article 6 de l'arrêté du 19 juin 1969 pouvait être regardé comme se bornant à tirer les conséquences nécessaires des dispositions du décret du 30 novembre 1967 fixant les modalités d'organisation administrative des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, selon lesquelles le conseil d'administration de chaque union de recouvrement comprenait, en nombre égal, des représentants des salariés, d'une part, et des représentants des employeurs et des travailleurs indépendants, d'autre part, ces dispositions ont été ultérieurement modifiées. En particulier, l'article 6 de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale a modifié les dispositions de l'article L. 213-2 du code de la sécurité sociale pour élargir la composition de ce conseil d'administration à quatre personnes qualifiées. Dès lors, les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 19 juin 1969 qui imposent que les membres désignés pour siéger au sein de la commission de recours amiable soient choisis, à parité, exclusivement parmi les représentants des salariés et les représentants des non-salariés ne se bornent plus à tirer les conséquences nécessaires de la loi et de ses décrets d'application, mais restreignent illégalement les pouvoirs des conseils d'administration des unions de recouvrement.

4. Il résulte de ce qui précède que la société B Braun Medical est fondée à soutenir que l'article 6 de l'arrêté du 19 juin 1969 est entaché d'illégalité en tant qu'il détermine la composition des commissions de recours amiable des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Sur l'appréciation de la légalité de la délibération du 22 novembre 2011 du conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne :

5. Si, par application du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction administrative est tenue de se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont renvoyées par l'autorité judiciaire, il est fait exception à cette règle au cas où le juge administratif est lui-même incompétent pour connaître de la question soumise à son examen.

6. Aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".

7. La décision par laquelle le conseil d'administration d'une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales désigne, nominativement, les membres de la commission de recours amiable n'a pas pour objet de régir l'organisation du service public dont cet organisme de droit privé assure la gestion. Dans ces conditions, et en l'état du dossier, il apparaît que la délibération du 22 novembre 2011 par laquelle le conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne a désigné les membres de la commission de recours amiable ne revêt pas le caractère d'un acte administratif et qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'en apprécier la légalité.

8. Dès lors que la cour d'appel de Versailles, primitivement saisie par la société B Braun Medical, a, par un arrêt du 24 mars 2016, lequel n'est pas " susceptible de recours " au sens de l'article 32 du décret du 27 février 2015, décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour apprécier la légalité de la délibération du 22 novembre 2011 du conseil d'administration de l'URSSAF de Paris - région parisienne, il y a lieu, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'article 6 de l'arrêté interministériel du 19 juin 1969 relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale et des assesseurs des commissions de première instance du contentieux de la sécurité sociale ainsi qu'au fonctionnement des commissions de recours gracieux est entaché d'illégalité en tant qu'il détermine la composition des commissions de recours amiable des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Article 2 : Les autres conclusions de l'affaire sont renvoyées au Tribunal des conflits.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions mentionnées à l'article 2 jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur ces conclusions.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société B Braun Medical, à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France, à la ministre des affaires sociales et de la santé, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à la cour d'appel de Versailles.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 04 nov. 2016, n° 398443
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 04/11/2016
Date de l'import : 22/11/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 398443
Numéro NOR : CETATEXT000033358061 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2016-11-04;398443 ?
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