La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2017 | FRANCE | N°402234

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 28 avril 2017, 402234


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Serdao a demandé au juge du référé en matière fiscale du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, que la garantie qu'elle a présentée au comptable public de Boulogne-Billancourt, à l'appui de sa demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pou

r les périodes du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 20...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Serdao a demandé au juge du référé en matière fiscale du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, que la garantie qu'elle a présentée au comptable public de Boulogne-Billancourt, à l'appui de sa demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 28 février 2015, soit déclarée propre à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Par une ordonnance n° 1604153 du 17 juin 2016, le juge du référé en matière fiscale de ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par une ordonnance n° 16VE01928 du 21 juillet 2016, le juge du référé en matière fiscale de la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, annulé l'article 1er de l'ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juin 2016 et rejeté la demande de la société Serdao présentée devant ce tribunal.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 22 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Serdao demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter l'appel du directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011, notamment son article 51 ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Sas Serdao.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. / Cette demande n'est recevable que si le redevable a consigné auprès du comptable, à un compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés. Une caution bancaire ou la remise de valeurs mobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation. / Le juge du référé décide dans le délai d'un mois si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 et si, de ce fait, elles doivent être ou non acceptées par le comptable. Il peut également, dans le même délai, décider de dispenser le redevable de garanties autres que celles déjà constituées. / Dans les huit jours suivant la décision du juge, le redevable et le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Celui-ci, dans le délai d'un mois, décide si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277. / Pendant la durée de la procédure de référé, le comptable ne peut exercer sur les biens du redevable aucune action autre que les mesures conservatoires prévues à l'article L. 277. / Lorsque le juge du référé estime suffisantes les garanties initialement offertes, les sommes consignées sont restituées. Dans le cas contraire, les garanties supplémentaires à présenter sont diminuées à due concurrence ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé statuant en matière fiscale de la cour administrative d'appel de Versailles que celui-ci a notifié le 29 juin 2016 à la société Serdao la requête d'appel présentée par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, en lui impartissant un délai de deux mois pour faire valoir ses observations en défense. Or, le juge du référé a rendu l'ordonnance attaquée le 21 juillet 2016, avant l'expiration de ce délai et sans avoir préalablement informé la société du raccourcissement du délai qui lui avait été imparti pour produire. Dès lors, la société Serdao, qui n'avait pas produit d'observations à cette date, est fondée à soutenir que, dans ces conditions, la procédure suivie devant le juge du référé est entachée d'irrégularité. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société est fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque doit être annulée.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

4. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 277-1 du même livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer. / Ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d'attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d'une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'Etat et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce (...) ". Selon l'article L. 142-2 du code de commerce, reprenant les dispositions de l'article 9 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce : " Sont seuls susceptibles d'être compris dans le nantissement soumis aux dispositions du présent chapitre comme faisant partie d'un fonds de commerce : l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés (...) ".

6. La société Serdao, qui exerce une activité de prestations informatiques, a offert le nantissement de son fonds de commerce en garantie à l'appui de sa demande, présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, tendant au sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les périodes du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et du 1er janvier 2013 au 28 février 2015. Elle ne fournit cependant aucune évaluation des divers éléments de ce fonds susceptibles d'être pris en compte pour son nantissement en vertu de l'article L. 142-2 du code de commerce. Elle ne propose par ailleurs aucune méthode d'évaluation de celui-ci. En particulier, si la valeur de son fonds, comportant tout ou partie de ces éléments, peut être déterminée par l'application, au chiffre d'affaires moyen réalisé sur plusieurs exercices, d'un coefficient établi à partir des mutations de fonds de commerce intervenues à titre onéreux entre particuliers, la société fonde seulement sa demande sur les chiffres d'affaires qu'elle a réalisés lors des exercices clos les 31 décembre 2013, 31 décembre 2014, 31 décembre 2015 et ses déclarations de chiffre d'affaires des quatre premiers mois de l'année 2016, ainsi que sur des contrats conclus avec des clients, sans faire référence à un coefficient permettant d'approcher avec une précision suffisante la valeur de son fonds de commerce.

7. Il résulte à l'inverse de l'instruction que si les chiffres d'affaires de la société Serdao sont en constante augmentation entre 2013 et 2015, ses résultats, déclarés au titre de l'année 2013 ou produits pour la première fois devant le tribunal administratif au titre des années 2014 et 2015, ont été déficitaires au cours de ces trois exercices, à hauteur respectivement de 46 570 euros, 40 892 euros et 18 200 euros. En outre, si pour l'année 2016, la société indiquait envisager un chiffre d'affaires de 900 000 euros et un bénéfice de 60 000 euros, et entendait ainsi justifier de la valeur croissante de son fonds de commerce, les contrats de prestations de service qu'elle produit, conclus avec cinq clients pour des durées comprises entre trois mois et deux ans, avec possibilité de résiliation anticipée, ne permettent en tout état de cause pas à eux seuls d'établir la pérennité de la valeur ainsi alléguée de ce fonds.

8. Dans ces conditions, le fonds de commerce proposé en nantissement par la société ne peut être regardé comme constituant une garantie suffisante pour l'application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. C'est par suite à tort que, par son ordonnance du 17 juin 2016, le juge du référé en matière fiscale du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de la société tendant à l'admission du nantissement de son fonds de commerce à titre de garantie, au motif que celui-ci présentait un caractère suffisant.

9. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la société devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

10. En application des dispositions de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, il revient au juge du référé en matière fiscale non de statuer sur la légalité de la décision du comptable, mais d'apprécier lui-même si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision par laquelle le comptable a refusé la garantie offerte par la société ne peut être utilement soulevé par celle-ci à l'appui de ses conclusions.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son ordonnance du 17 juin 2016, le juge du référé du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de la société Serdao tendant à l'admission du nantissement de son fonds de commerce à titre de garantie. L'article 1er de cette ordonnance doit dès lors être annulé.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 16VE01928 du juge du référé en matière fiscale de la cour administrative d'appel de Versailles du 21 juillet 2016 est annulée.

Article 2 : L'article 1er de l'ordonnance n° 1604153 du juge du référé en matière fiscale du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juin 2016 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société Serdao devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et tendant à ce que la garantie qu'elle a présentée soit déclarée suffisante est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Serdao et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 402234
Date de la décision : 28/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2017, n° 402234
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:402234.20170428
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award