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09/03/2018 | FRANCE | N°406669

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 09 mars 2018, 406669


Vu la procédure suivante :

La société GSN-DSP a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune à lui verser la somme globale de 47 605 335 euros, à titre de réparation de l'ensemble des préjudices subis à la suite de l'annulation du contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation d'un stade de football. Par un jugement n° 0804822 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Nice à lui verser la somme de 1 504 590 euros hors taxes et a mis à la charge de la commune les fra

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Vu la procédure suivante :

La société GSN-DSP a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune à lui verser la somme globale de 47 605 335 euros, à titre de réparation de l'ensemble des préjudices subis à la suite de l'annulation du contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation d'un stade de football. Par un jugement n° 0804822 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Nice à lui verser la somme de 1 504 590 euros hors taxes et a mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 874 780,74 euros TTC ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 14MA04055 du 7 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société, porté la condamnation de la commune à 2 454 210 euros hors taxes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 8 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GSN-DSP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a limité à 2 454 210 euros HT la condamnation prononcée contre la commune de Nice et rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société GSN-DSP, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Nice ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Nice a conclu le 18 janvier 2006, avec un groupement momentané d'entreprises, un contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation d'un stade de football pour une durée de trente ans ; que ce contrat a été transféré à la société GSN-DSP, société de projet ; que, sur déféré du préfet des Alpes-Maritimes, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 22 décembre 2006 devenu définitif, annulé la délibération autorisant la signature du contrat ainsi que le contrat, au motif qu'avaient été méconnues les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient que la convention stipule les tarifs à la charge des usagers et précise l'incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ; que, par un jugement du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de la société GSN-DSP tendant à la condamnation de la commune de Nice à l'indemniser des conséquences de l'annulation du contrat à hauteur de la somme de 1 504 590 euros ; que, par un arrêt du 7 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a porté la condamnation prononcée contre la commune de Nice à la somme de 2 454 210 euros hors taxes ; que la société GSN-DSP se pourvoit contre cet arrêt en tant qu'il n'a fait droit que partiellement aux conclusions de sa requête d'appel ;

2. Considérant que le co-contractant de l'administration dont le contrat a été annulé par le juge peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où le contrat a été annulé en raison d'une faute de l'administration, le co-contractant peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par son annulation, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que, saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la responsabilité quasi-contractuelle de la commune :

3. Considérant que si le régime juridique applicable à l'indemnisation des frais financiers a été précisé par les dispositions du I de l'article 56 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, il résulte de l'article 78 de la même ordonnance que ces dispositions ne s'appliquent que lorsque l'annulation, la résolution ou la résiliation d'un contrat résulte d'une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l'ordonnance ; que, le contrat en cause ayant été annulé par un jugement du 22 décembre 2006 du tribunal administratif de Nice, il n'appartenait pas à la cour administrative d'appel de Marseille de faire application de dispositions du I de l'article 5 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 ;

4. Considérant que, s'agissant d'une délégation de service public, le co-contractant de l'administration peut prétendre, sur le terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses d'investissement qu'il a effectuées relatives aux biens nécessaires ou indispensables à l'exploitation du service, à leur valeur non amortie évaluée à la date à laquelle ces biens font retour à la personne publique, ainsi que du déficit d'exploitation qu'il a éventuellement supporté sur la période et du coût de financement de ce déficit, pour autant toutefois qu'il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service public et que le coût de financement de ce déficit est équivalent à celui qu'aurait supporté ou fait supporter aux usagers le délégant ;

5. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour rejeter les conclusions de la société GSN-DSP tendant à l'indemnisation de ses frais financiers au titre de la responsabilité quasi-contractuelle de la commune, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que les frais financiers engagés par la société GSN-DSP pour assurer l'exécution du contrat ne pouvaient, par principe, être regardés comme des dépenses utiles, sans rechercher si ces dépenses correspondaient au coût de financement d'un déficit d'exploitation répondant aux conditions précisées aux points 2 et 4 ; qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il s'est prononcé, au titre de la responsabilité quasi-contractuelle, sur ce chef de préjudice ;

6. Considérant, en revanche, que si, pour juger que les frais de conception et les frais de piquetage ne présentaient pas de caractère utile, la cour administrative d'appel de Marseille s'est référée aux motifs exposés au point 18 de son arrêt relatif aux frais financiers, il est manifeste qu'elle entendait faire référence au point 19, qui porte sur les caractéristiques du nouveau projet ; qu'ainsi, elle n'a pas, par cette erreur de plume, entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; qu'en écartant la demande d'indemnisation au titre des dépenses relatives aux modules de chantier ou au piquetage, la cour n'a pas dénaturé les faits et pièces du dossier ; que, par ailleurs, pour évaluer les frais généraux utiles liés à la construction du stade, la cour a énuméré avec précision au point 29 de son arrêt leurs éléments constitutifs ; qu'en en déduisant qu'il serait fait une juste appréciation de l'utilité des frais ainsi engagés en les arrêtant à la moitié des sommes retenues par les experts, elle a suffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, la société GSN-DSP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qui concerne ces chefs de préjudice ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune :

7. Considérant que, pour déterminer si la société GSN-DSP pouvait prétendre à une indemnisation supplémentaire sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune compte tenu des dépenses qu'elle avait exposées et du bénéfice dont elle aurait été privée, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé, au vu notamment d'un rapport d'expertise, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'exécution normale du contrat jusqu'à son terme se serait traduite par un déficit prévisionnel de plus de 18 000 000 euros alors que les dépenses exposées par la société s'élevaient à un peu plus de 9 000 000 euros ; qu'en en déduisant que la société ne pouvait demander, au titre de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune, l'indemnisation d'aucun préjudice, elle n'a commis aucune erreur de droit ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il s'est prononcé, au titre de la responsabilité quasi-contractuelle, sur les frais financiers engagés par la société GSN-DSP pour assurer l'exécution du contrat.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société GSN-DSP et les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société GSN-DSP et à la commune de Nice.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406669
Date de la décision : 09/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-03-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF. DIVERSES SORTES DE CONTRATS. DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC. - DISPOSITIONS RELATIVES À L'INDEMNISATION DES FRAIS FINANCIERS EN CAS D'ANNULATION, DE RÉSOLUTION OU DE RÉSILIATION D'UN CONTRAT PRONONCÉE PAR DÉCISION JURIDICTIONNELLE (I DE L'ARTICLE 56 DE L'ORDONNANCE DU 29 JANVIER 2016 RELATIVE AUX CONCESSIONS) - ENTRÉE EN VIGUEUR - DISPOSITIONS APPLICABLES AUX DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES RENDUES À COMPTER DU 31 JANVIER 2016.

39-01-03-03 Si le régime juridique applicable à l'indemnisation des frais financiers a été précisé par les dispositions du I de l'article 56 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, il résulte de l'article 78 de la même ordonnance sur l'entrée en vigueur de ces dispositions qu'elles ne s'appliquent que lorsque l'annulation, la résolution ou la résiliation d'un contrat résulte d'une décision juridictionnelle intervenue à compter du 31 janvier 2016, lendemain du jour de la publication de l'ordonnance.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2018, n° 406669
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406669.20180309
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