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26/03/2018 | FRANCE | N°401374

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 26 mars 2018, 401374


Vu la procédure suivante :

La société ECCF, anciennement société Eternit, a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 26 000 euros au titre des sommes qu'elle a été condamnées à verser en raison de l'exposition de Mme A...B...à l'amiante et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Par un jugement n° 1103883 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'État à lui verser une somme de 13 000 euros et rejeté le surplus de sa demande.

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rrêt n° 15VE00382 du 10 mai 2016, la cour administrative d'appel de Versailles ...

Vu la procédure suivante :

La société ECCF, anciennement société Eternit, a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 26 000 euros au titre des sommes qu'elle a été condamnées à verser en raison de l'exposition de Mme A...B...à l'amiante et la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Par un jugement n° 1103883 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'État à lui verser une somme de 13 000 euros et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 15VE00382 du 10 mai 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée au tribunal administratif de Versailles par la société ECCF.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 11 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ECCF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret du 10 mars 1894 portant règlement d'administration publique pour la loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels ;

- le décret n° 77-949 du 17 août 1977 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la Société ECCF-E Competence Center France.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mars 2018, présentée par la société ECCF.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., salariée de l'établissement de Thiant-Prouvy de la société Eternit de 1954 à 1975, a été victime d'une maladie professionnelle, liée à son exposition aux poussières d'amiante. La société ECCF, anciennement dénommée Eternit, invoquant la carence des pouvoirs publics dans l'exercice de leur mission de prévention des risques professionnels, a demandé à l'État, d'une part, de la garantir de sommes qu'elle a été condamnée par l'autorité judiciaire à verser à Mme B...en raison de son exposition à l'amiante et, d'autre part, de l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette faute. Par un arrêt du 10 mai 2016, contre lequel elle se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 novembre 2014, a rejeté sa demande.

2. En principe, la responsabilité de l'administration peut être engagée à raison de la faute qu'elle a commise, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. Lorsque cette faute et celle d'un tiers ont concouru à la réalisation d'un même dommage, le tiers co-auteur qui a indemnisé la victime peut se retourner contre l'administration, en vue de lui faire supporter pour partie la charge de la réparation, en invoquant la faute de celle-ci, y compris lorsqu'il a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. Il peut, de même, rechercher la responsabilité de l'administration, à raison de cette faute, pour être indemnisé de ses préjudices propres. Sa propre faute lui est opposable, qu'il agisse en qualité de co-auteur ou de victime du dommage. A ce titre, dans le cas où il a délibérément commis une faute d'une particulière gravité, il ne peut se prévaloir de la faute que l'administration aurait elle-même commise en négligeant de prendre les mesures qui auraient été de nature à l'empêcher de commettre le fait dommageable. En outre, lorsqu'il est subrogé dans les droits de la victime à l'égard de l'administration, notamment parce qu'il a été condamné par le juge judiciaire à indemniser la victime, il peut se voir opposer l'ensemble des moyens de défense qui auraient pu l'être à la victime.

3. En premier lieu, en mentionnant le décret du 10 mars 1894 pris pour l'application de la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, qui avait été abrogé avant les faits litigieux mais dont les dispositions avaient été reprises, en les complétant, par des décrets ultérieurs, pour rappeler les obligations que faisaient peser sur les entreprises, en matière d'évacuation des poussières, les réglementations antérieures à l'intervention du décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la société Eternit, spécialisée dans la production d'amiante-ciment depuis sa création en 1922, devenue la principale entreprise de ce secteur en France et ayant des liens étroits avec des entreprises recourant aux mêmes procédés de fabrication à l'étranger, avait déjà au cours de la période en litige une connaissance particulière des dangers liés à l'utilisation de l'amiante. D'autre part, en jugeant que cette société n'établissait pas avoir pris la moindre mesure particulière de protection individuelle et collective de ses salariés exposés avant 1977, et en particulier de MmeB..., par des installations efficaces, contrôlées, surveillées et entretenues de limitation et d'évacuation des poussières, conformément à la réglementation alors en vigueur, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, ne peut être utilement discutée devant le juge de cassation. En déduisant de l'ensemble des constatations qu'elle avait effectuées, au terme d'un arrêt suffisamment motivé, que la société Eternit était l'auteur, pour la période en cause, d'une faute d'une particulière gravité délibérément commise, faisant obstacle à ce qu'elle se prévale de la carence fautive de l'État, la cour, qui ne s'est pas bornée à relever l'existence d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et n'a pas fait peser la charge de la preuve sur la société ECCF mais a seulement tiré les conséquences de ce qu'elle était seule en mesure de détenir certains éléments de preuve, n'a pas commis d'erreur de droit et a donné aux faits de l'espèce une exacte qualification juridique.

5. Il résulte de ce qui précède que la société ECCF n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société ECCF est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société ECCF et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401374
Date de la décision : 26/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2018, n° 401374
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:401374.20180326
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