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28/03/2018 | FRANCE | N°383773

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 mars 2018, 383773


Vu les procédures suivantes :

1° La société Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2008, à hauteur de la somme de 6 760 785 euros correspondant à l'imputation de crédits d'impôt d'origine étrangère, ou, à titre subsidiaire, la restitution de ces crédits d'impôt. Par un jugement n° 1105684 du 20 juin 2012, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02924 du 5 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a

rejeté l'appel formé par la société Axa contre ce jugement.

Sous le n° 383773, p...

Vu les procédures suivantes :

1° La société Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2008, à hauteur de la somme de 6 760 785 euros correspondant à l'imputation de crédits d'impôt d'origine étrangère, ou, à titre subsidiaire, la restitution de ces crédits d'impôt. Par un jugement n° 1105684 du 20 juin 2012, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02924 du 5 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Axa contre ce jugement.

Sous le n° 383773, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2014, le 14 décembre 2015, le 1er septembre 2017 et le 6 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Axa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° La société Axa a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005. Par un jugement n° 1007068 du 20 juin 2012, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12VE02925 du 5 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Axa contre ce jugement.

Sous le n° 383774, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 18 août et 18 novembre 2014, le 14 décembre 2015, le 1er septembre 2017 et le 6 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Axa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel ;

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention signée le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché du Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque ;

- la convention signée le 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières ;

- la convention signée le 21 août 1963 entre la France et la Grèce tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- la convention signée le 22 mai 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;

- la convention fiscale entre la France et la Finlande du 11 septembre 1970 ;

- la convention fiscale entre la France et le Portugal du 14 janvier 1971 ;

- la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas du 16 mars 1973 ;

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- la convention fiscale entre la France et la Suède du 27 novembre 1990 ;

- la convention fiscale entre la France et l'Autriche du 26 mars 1993 ;

- la convention fiscale entre la France et l'Espagne du 10 octobre 1995 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Axa.

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés membres du groupe fiscalement intégré dont la société Axa est la société mère ont perçu des dividendes et des intérêts d'obligations de plusieurs filiales établies à l'étranger. Ces revenus ont supporté des retenues à la source dans leurs pays d'origine, ouvrant droit à des crédits d'impôt en application des stipulations des conventions fiscales conclues entre la France et les Etats concernés. Toutefois, compte tenu du résultat d'ensemble déficitaire du groupe au titre des exercices clos en 2005 et en 2008, la société Axa n'a pas pu imputer ces crédits d'impôt sur l'impôt sur les sociétés au taux normal. Au titre de l'exercice clos en 2005, l'administration a remis en cause leur imputation sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 16,50 % à laquelle la société Axa avait procédé. Au titre de l'exercice clos en 2008, elle a rejeté la demande de cette société tendant à ce qu'il soit procédé soit à une telle imputation, soit au remboursement de ces crédits d'impôt. Par deux jugements du 20 juin 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de cette société tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés au taux réduit correspondantes. La société Axa se pourvoit en cassation contre les deux arrêts du 5 juin 2014 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels qu'elle avait formés contre ces jugements.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés auquel le groupe intégré a été assujetti au titre de l'exercice clos en 2005, les conclusions que la société Axa avait présentées en appel ne contestaient pas seulement la remise en cause par l'administration de l'imputation des crédits d'impôt à laquelle elle avait procédé et les impositions supplémentaires mises à sa charge par voie de conséquence, à hauteur de la somme de 1 951 218 euros, mais tendaient également à ce que lui soit restitué le surplus de crédits d'impôt qu'elle n'avait pu imputer au titre de cet exercice, faute d'une cotisation suffisante d'impôt sur les sociétés ou, subsidiairement, à ce que ces crédits d'impôt soient reportés sur un exercice ultérieur ou, très subsidiairement, à ce que l'impôt étranger correspondant puisse être déduit du résultat d'ensemble de l'exercice clos en 2005. Ainsi que le ministre l'avait relevé devant la cour administrative d'appel de Versailles, cette seconde série de conclusions était nouvelle en appel et, par suite, irrecevable. Ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt n° 12VE02925 du 5 juin 2014 pour rejeter les conclusions correspondantes.

4. En second lieu, aux termes de l'article 220 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. / Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales." Il résulte de ces dispositions que le crédit d'impôt conventionnel correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger sur les revenus d'origine étrangère visés aux articles 120 à 123 du code général des impôts perçus au cours d'un exercice par une société s'impute sur l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de cet exercice, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que cet impôt est dû au taux normal ou au taux réduit, sous la réserve que la déduction n'excède pas le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus.

5. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le crédit d'impôt institué par les stipulations des conventions fiscales invoquées par la société requérante, visées ci-dessus, pour éviter que la retenue à la source supportée dans le pays d'origine ne conduise à une double imposition des dividendes, peut s'imputer uniquement sur l'impôt sur les sociétés au taux normal applicable à ces revenus, et non sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit, quand bien même cette imputation serait rendue impossible du fait que la société n'a pas d'impôt sur les sociétés au taux normal à acquitter au titre de cet exercice en raison de son résultat déficitaire.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Axa est fondée à demander l'annulation de l'arrêt n° 12VE02924 du 5 juin 2014. Elle est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt n° 12VE02925 du même jour en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005, à raison de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts d'origine étrangère à laquelle elle avait procédé à hauteur de la somme de 1 951 218 euros.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure les affaires au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Le ministre soutient que la convention fiscale franco-finlandaise du 11 septembre 1970 stipule, d'une part, que les dividendes sont imposés exclusivement dans l'Etat du bénéficiaire, sans prévoir aucune faculté d'imposition dans l'Etat de la source, et d'autre part, que le mécanisme d'élimination de droit commun des doubles impositions est l'exonération, l'élimination par l'octroi de crédits d'impôts n'étant prévue qu'à l'égard de certains revenus limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les dividendes, si bien que les crédits d'impôt revendiqués par la société Axa sur le fondement de cette convention fiscale, pour des montants respectifs de 17 991 et 503 euros au titre des exercices clos en 2005 et 2008, ne peuvent être imputés sur l'impôt sur les sociétés mis à sa charge. Toutefois et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que les autres crédits d'impôt que la société est fondée à imputer en vertu de ce qui a été dit au point 4 suffisent à justifier la décharge des impositions litigieuses. Par suite, la société Axa est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 et de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à raison de l'imputation des crédits d'impôt litigieux sur son impôt sur les sociétés au taux réduit.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros à verser à la société Axa, pour l'ensemble des deux procédures, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt n° 12VE02924 du 5 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'arrêt n° 12VE02925 du 5 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société Axa tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005, à raison de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts d'origine étrangère à laquelle elle avait procédé à hauteur de la somme de 1 951 218 euros.

Article 3 : La société Axa est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 et de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à raison de l'imputation des crédits d'impôt litigieux sur son impôt sur les sociétés au taux réduit.

Article 4 : Les jugements n° 1007068 et n° 1105684 du 20 juin 2012 du tribunal administratif de Montreuil sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la société Axa une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la société Axa sous le n° 383774 est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Axa et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 383773
Date de la décision : 28/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2018, n° 383773
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:383773.20180328
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