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04/04/2018 | FRANCE | N°399884

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 04 avril 2018, 399884


Vu la procédure suivante :

La société PetO Ferrymasters Ltd a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par deux jugements n° 1002916 et n°s 1002917, 1006848 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces dema

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Par un arrêt n° 14DA00505, 14DA00506 du 15 mars 2016, la cour adminis...

Vu la procédure suivante :

La société PetO Ferrymasters Ltd a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par deux jugements n° 1002916 et n°s 1002917, 1006848 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 14DA00505, 14DA00506 du 15 mars 2016, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté les appels formés contre ces deux jugements.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mai et 19 août 2016, et le 28 avril 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société PetO Ferrymasters Ltd demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire dans cette mesure droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société PetO Ferrymasters Ltd ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 mars 2018, présentée par la société PetO Ferrymasters Ltd ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit britannique PetO Ferrymasters Ltd, exerce, en tant que commissionnaire de transport, une activité de transports maritimes et multimodaux internationaux. Elle a conclu le 29 mai 1999, avec la SAS PetO Ferrymasters qui exerce aussi une activité de commissionnaire de transport et dont le siège est situé en France, un contrat de cession de clientèle et un contrat de prestations de services, dans le but de réaliser des prestations dans le domaine de l'affrètement et de l'organisation des transports. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2004 à 2006, la société PetO Ferrymasters Ltd a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'imposition forfaitaire annuelle et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006. Par deux jugements du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de la société PetO Ferrymasters Ltd tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties. Cette société demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 15 mars 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". En vertu de l'article 259 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 259 A de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 3° Les prestations de transports intracommunautaires de biens meubles corporels ainsi que les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui et interviennent dans la fourniture de ces prestations : / a) Lorsque le lieu de départ se trouve en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre ; / b) Lorsque le lieu de départ se trouve dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et que le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. / Sont considérés comme transports intracommunautaires de biens les transports dont le lieu de départ et le lieu d'arrivée se trouvent dans deux Etats membres de la Communauté européenne. / Sont assimilés à des transports intracommunautaires de biens les transports de biens, dont le lieu de départ et le lieu d'arrivée se trouvent en France, lorsqu'ils sont directement liés à un transport intracommunautaire de biens ".

3. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si la société PetO Ferrymasters Ltd valide le choix des nouveaux clients ou des nouveaux sous-traitants, centralise le système informatique de réservation et de suivi des transports et gère l'assurance de l'ensemble des biens en transit, la SAS PetO Ferrymasters, ainsi que la cour l'a relevé, accomplit en France, pour le compte de celle-ci, l'ensemble des démarches de recherche des clients français ainsi que d'organisation matérielle des transports les concernant et elle a la faculté de négocier tous les éléments, notamment tarifaires, des contrats passés avec les sous-traitants et avec les clients. Cette dernière dispose, à cette fin, de trois agences situées en France, dotées d'un service clientèle chargé de recevoir les commandes des clients, d'un service affrètement chargé d'organiser les transports et d'un service commercial en charge du démarchage de la clientèle. La SAS PetO Ferrymasters constitue ainsi, alors même qu'elle ne dispose en propre d'aucun moyen de transport, une structure permanente et apte, compte tenu de ses effectifs et de ses moyens matériels et logistiques, à réaliser de manière autonome l'ensemble des prestations de commissionnaire de transports litigieuses. C'est donc sans erreur de droit et sans erreur de qualification juridique des faits que la cour a jugé que la société requérante disposait, à travers cette société, d'un établissement stable en France.

5. D'autre part, après avoir estimé que l'activité de transports maritimes et multimodaux internationaux effectuée, à titre de commissionnaire de transport, par la société PetO Ferrymasters Ltd avec ses clients français était réalisée à partir de cet établissement stable, la cour, qui n'avait pas à tenir compte de l'activité de même nature que cette société réalisait avec des clients installés dans d'autres pays, a pu, sans commettre d'erreur de droit, rattacher l'activité exercée auprès des clients français à celui-ci et non au siège situé au Royaume-Uni.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 274 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. / 2. Pour les opérations imposables mentionnées aux 3°, 4° bis, 5° et 6° de l'article 259 A et réalisées par un prestataire établi hors de France, ainsi que pour celles qui sont mentionnées à l'article 259 B, la taxe doit être acquittée par le preneur. Toutefois, le prestataire est solidairement tenu avec ce dernier au paiement de la taxe ".

7. Il en résulte que l'administration fiscale ne pouvait considérer comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée les destinataires de la prestation de services fournie à partir de l'établissement stable de la société requérante, dès lors que ce dernier était établi en France et exerçait son activité auprès de clients français, et à supposer même que ces derniers aient directement acquitté cette taxe en se fondant sur la supposition erronée que le prestataire ne disposait pas d'établissement stable dans cet État. Dès lors, il appartenait à la société requérante d'acquitter elle-même la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services en cause. Par suite, le moyen invoqué par la société devant la cour et tiré de ce que ses clients avaient déjà acquitté la taxe en application de l'article 283 du code général des impôts était inopérant. Il convient de l'écarter pour ce motif qui doit être substitué au motif retenu par les juges du fond.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société PetO Ferrymasters Ltd doit être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société PetO Ferrymasters Ltd est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société PetO Ferrymasters Ltd et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399884
Date de la décision : 04/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2018, n° 399884
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Lombard
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:399884.20180404
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