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04/05/2018 | FRANCE | N°402162

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 04 mai 2018, 402162


Vu la procédure suivante :

La société IKB Deutsche Industriebank a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1310903 du 15 juin 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02356 du 19 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a partiellement annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer

dans la mesure de cette annulation et rejeté le surplus de l'appel formé par le...

Vu la procédure suivante :

La société IKB Deutsche Industriebank a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1310903 du 15 juin 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02356 du 19 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a partiellement annulé ce jugement, prononcé un non-lieu à statuer dans la mesure de cette annulation et rejeté le surplus de l'appel formé par le ministre des finances et des comptes publics.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés le 4 août 2016 et les 28 février et 23 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;

- la convention entre la France et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du 21 juillet 1959 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société IKB Deutsche Industriebank ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société allemande IKB Deutsche Industriebank, disposant d'un établissement stable en France, a sollicité la restitution de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue par l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012. Le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 15 juin 2015, a fait droit à cette demande. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juillet 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir partiellement annulé ce jugement en tant qu'il avait prononcé la décharge de sommes déjà dégrevées puis prononcé le non-lieu dans cette mesure, a, par son article 3, rejeté le surplus de son appel.

2. Aux termes de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2013 / Cette contribution est égale à 5 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Aux termes de l'article 4 de la convention conclue entre la France et l'Allemagne le 21 juillet 1959 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) ".

3. En application de l'article 235 ter ZAA cité au point 2, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions d'euros. Si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France. Ce faisant, les dispositions de l'article 235 ter ZAA, dont l'objectif est de soumettre, à titre exceptionnel, les grandes entreprises à une contribution supplémentaire compte tenu de leurs capacités contributives plus fortes, ne méconnaissent pas la liberté d'établissement garantie par les stipulations des articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors, d'une part, qu'une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre et, d'autre part, contrairement à ce que soutient la société en défense, que l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seul seuil d'assujettissement à cette contribution, et non pour la détermination de son assiette, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement.

4. Il suit de là qu'en retenant, pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 de ce code et aux stipulations de la convention fiscale franco-allemande précitée applicable au cas d'espèce, la cour a fait une inexacte interprétation de l'article 235 ter ZAA.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société IKB Deutsche Industriebank au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société IKB Deutsche Industriebank.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 402162
Date de la décision : 04/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2018, n° 402162
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Gautier-Melleray
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:402162.20180504
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